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Santé et qualité de vie au travail

Bénédicte Deguille (GHRMSA) : « Nous apportons à nos agents une aide physique et psychologique »

Interview de la directrice des ressources humaines adjointe au Groupe hospitalier de la région Mulhouse Sud-Alsace (GHRMSA). En mars 2020, ce groupement a innové en créant une unité de ressources et soutien afin d’apporter une aide psychologique et physique à ses 6 000 collaborateurs confrontés à la Covid19. Dont près de 4 300 soignants.

Dans quelles circonstances votre chef d’établissement a-t-il été amené à créer une unité ressources et soutien pour les professionnels du Groupe hospitalier de la région Mulhouse Sud-Alsace (GHRMSA) ?

Début mars 2020, nos équipes ont été confrontées à un afflux massif des patients Covid 19. Et ce, notamment, suite à un cluster qui s’est produit lors d’une réunion religieuse dans notre région. Il a fallu déclencher le plan blanc, transformer en urgence les services pour accueillir l’afflux de patients. Cette situation a généré un très grand niveau de stress, avec des états d’épuisements physiques et psychiques sans précédent.

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Bénédicte Deguille, directrice des ressources humaines adjointe au Groupe hospitalier de la région Mulhouse Sud-Alsace. © D.R.

Quels ont été les facteurs qui vous ont amené à innover en créant une unité de ressources et de soutien ?

Nos professionnels ont été soumis à des changements organisationnels permanents et très rapides. Ce qui a généré un surmenage important. Par ailleurs, certains d’entre eux ont contracté la maladie, entraînant un  absentéisme élevé. De 8,24 % en moyenne en 2019, ce pourcentage a atteint 13 % au plus fort de la crise. Aujourd’hui, il oscille entre 9,5 % et 10 %. A cela s’est ajouté un sentiment de stress et d’impuissance. Notamment lorsque les familles n’ont pu accompagner leurs proches qui se trouvaient en fin de vie.

De quels symptômes a principalement souffert le personnel soignant ?

Au plan physique, on a relevé des tensions musculaires, des douleurs cervico-dorsales et lombaires, des troubles digestifs, de la fatigue, des problèmes de nutrition. Au niveau psychologique, les soignants ont ressenti des angoisses, du stress, des troubles du sommeil et des troubles émotionnels.

Que propose cette unité ressources et soutien et comment l’avez vous mise en place ?

Cette structure intervient à deux niveaux. Le premier concerne une prise en charge psychologique du personnel grâce à une équipe mobile constituée d’un psychologue et un infirmier. Tous deux circulent en binôme dans les couloirs des établissements pendant que les professionnels sont en activité. Pour cette équipe mobile, il s’agit de les écouter et de les orienter si nécessaire. Plus de 360 tournées ont été réalisées auprès de plus de 8 800 professionnels. Au plus fort de la crise, cette maraude a fonctionné du 4 mars au 10 mai, 7 jours sur 7 de 11 heures à 2 heures, soit 15 heures par jour. Ensuite du 11 mai à la fin 2020, cette maraude est intervenue sur un mode allégé 5 jours sur 7. Elle a mobilisé 4 équivalents temps plein contre 8 au plus fort de la crise.

Qu’en est-il des espaces ressources ?

Le second niveau d’intervention concerne l’aménagement d’un espace ressources de 300 m² à Mulhouse. Et de deux autres espaces sur les sites d’Altkirch et de Thann. Ces lieux ont été aménagés de manière à favoriser le bien-être des professionnels de l’établissement.

Quelles consultations y sont proposées ?

Cela va de l’ostéopathie à la kinésithérapie, en passant par la relaxation et la réflexologie plantaire. Concernant le soutien psychologique, nous proposons de la sophrologie, de l’hypnose et de l’EMDR [Eye Movement Desentitization and Reprocessing ; désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires]. Au plus fort de la crise, ces structures étaient ouvertes jusqu’à 22 heures 7j/7. Ensuite, à partir du 11 mai, les espaces ont fonctionné 5j/7 et mobilisé quatre équivalent temps plein contre dix auparavant. Entre le 25 mars et le 31 décembre dernier, près de 3 700 consultations ont ainsi été réalisées. Elles concernaient à 80 % l’ostéopathie, la kiné et la réflexologie plantaire. Le reste des demandes portaient sur des consultations de psychologie et des psychothérapies spécialisées en EMDR-EFT [Emotional Freedom Technique] et de l’hypnose. Lors de la deuxième phase, nous avons enregistré une augmentation significative du besoin d’un accompagnement psychologique notamment post-traumatique.

Comment avez-vous financé ces dispositifs ?

Pendant la première période, nous les avons financés sur nos ressources propres. Puis nous avons reçu des soutiens financiers. Soit 100 000 euros provenant de la Fondation de Paris Hôpitaux de France et 250 000 euros au titre d’un appel à projets lancé par la fondation de France. A cela se sont ajoutés 25 000 euros provenant de dons de particuliers.

Qu’en est il aujourd’hui ?

Ces espaces ont été maintenus. A titre d’exemple, en janvier dernier, entre 75 et 80 personnes ont été prises en charge chaque semaine. 35 personnes en ostéopathie, 11 en réflexologie plantaire, 6 en kiné. A cela s’ajoutent 7 personnes en EMDR, 3 en hypnose et 16 entretiens psychologiques par semaine. Concernant les maraudes, elles ont été maintenues mais l’activité a été réduite. En janvier, il y a eu 12 maraudes au cours desquelles 286 professionnels ont été rencontrés.

Cette unité se maintiendra-t-elle dans le temps ?

Effectivement. Le financement par le biais de la fondation de France permet d’en assurer le maintien jusqu’en mai 2021. Puis il sera relayé par les fonds propres du GHRMSA et le recours à des appels à projets. Il est d’autant plus important de maintenir ces espaces que certains symptômes de mal-être peuvent apparaître tardivement et d’autres perdurer. Cet outil constitue un élément indispensable à la politique QVT (Qualité de vie au travail) de l’établissement en termes de repérage, de prévention et de prise en charge. Et surtout il constitue un vecteur d’évolution de la santé, de la sécurité au travail et du bien être des agents.

Eliane Kan

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