Après s’être fait connaître en montrant la présence de perturbateurs endocriniens dans les cheveux de députés écologistes, l’association Générations futures s’attaque aujourd’hui à un autre scandale : les herbicides. Pour cela, l’association a mesuré les taux de glyphosate, principal composé entrant dans la fabrication des herbicides, dans l’urine d’une trentaine d’individus d’âges différents, végétariens ou pas, urbains ou vivant à la campagne. Et les résultats sont accablants : 100% des échantillons contiennent du glyphosate, une substance contenue dans le tristement célèbre Roundup produit par Monsanto. Cette molécule, qui est le pesticide le plus répandu et la bête noire des écologiste, s’est insinuée dans l’air, dans l’eau et dans notre alimentation.
Les mesures
Avec une contamination de 1,25 microgramme par litre (µg/l) en moyenne par le glyphosate, les personnes testées présentent une contamination de « 12,5 fois la concentration maximale admissible pour un pesticide dans l’eau », selon le rapport de Générations futures. Les concentrations de glyphosate relevées dans les échantillons d’urine dépassent largement les normes autorisées dans l’eau potable. Dans ce cadre, la valeur la plus importante est 32 fois plus élevée que la valeur la plus moins élevée.
Pour ce test, une dizaine de personnes connues telles que la chanteuse Emily Loizeau ou la chroniqueuse Charline Vanhoenacker, ont accepté de participer. C’est le comédien et animateur Alex Vizorek qui semble le moins impacté avec un taux de 0,11 µg/l, tandis que l’ancienne ministre socialiste de l’écologie, Delphine Batho, obtient les taux les plus élevés avec 2,4 µg/l.
Si grâce à ces personnalité, l’association a pu faire le buzz, elle a également souhaité la rendre sérieuse aux yeux de la communauté scientifique. Pour cela, elle a croisé ses données avec celles d’autres rapports tels que l’étude Urinale, réalisée en Allemagne sur 2.000 volontaires, ou encore avec une étude sur 48 eurodéputés en mai 2016, et dont les concentrations en glyphosate se sont avérées très proches de celles de l’association.
Le double-jeu des institutions européennes
Ce pesticide qui, rappelons-le, s’épand à hauteur de 800.000 tonnes par an à travers le monde, fait scandale depuis deux ans. Il faut savoir qu’à partir du moment où un pesticide est classé comme cancérogène « certain » ou « probable », celui-ci est interdit d’usage par les réglementations de l’UE. Ce qui fut le cas du glyphosate qui a été considéré comme cancérigène probable pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en mars 2015. Toujours est-il que, quelques mois plus tard, à la fin du délai d’autorisation de vente du produit, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) réfutait ces conclusions.
Pour confirmer ce retour en arrière, en mars 2017, c’est au tour de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) d’exempter le glyphosate du moindre risque cancérogène pour l’homme, arguant le fait que les preuves n’étaient pas suffisantes pour incriminer la molécule. Au niveau de la Commission européenne, c’est également la débâcle : alors que les ONG et la société n’ont trouvé aucun soutien des Etats membres et, faute d’accord entre eux, la Commission avait décidé de prolonger de dix-huit mois l’autorisation de vente du glyphosate, en juin 2016, en attendant les conclusions de l’ECHA. Bruxelles aura donc les mains libres pour autoriser à nouveau le pesticide lors de la présentation d’une nouvelle proposition, fin 2017. Du joli.
Ségolène Kahn
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