Décollage réussi du cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan) à bord de la fusée Soyouz ce vendredi 18 novembre à 02h20 (21h20, heure française) pour le Russe Oleg Novitski, l’Américaine Peggy Whitson et le Français Thomas Pesquet. Destination : la Station spatiale internationale (ISS) qu’ils ont rejointe durant ce week-end. Une fois à bord, pas question de se tourner les pouces ! A la différence du Commandant Chris Hadfield qui avait emporté une guitare pour une interprétation aussi historique que bouleversante de la chanson Space Oddity de David Bowie, le 10ème astronaute français à rejoindre l’ISS emporte dans ses bagages l’expérience Matiss. Elaborée par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), celle-ci est conçue en vue d’évaluer le matériel le plus efficace pour nettoyer la station spatiale internationale avant de le mettre à profit dans des applications destinées à la Terre.
Expérimenter de nouveaux matériaux en apesanteur avant de le faire sur Terre
En raison du recyclage permanent de l’eau et de l’air ainsi que du stockage à bord des déchets produits, l’environnement confiné de l’ISS est un terrain propice au développement de micro-organismes pathogènes. Ce qui peut générer des risques importants tant pour les astronautes que pour l’équipement et les expériences menées à bord. C’est pourquoi l’Agence spatiale européenne (ESA) souhaite réduire ces risques en s’intéressant aux propriétés antibactériennes des matériaux dans l’espace. D’où l’intérêt de l’expérience Matiss à laquelle collaborent, outre le Leti (institut de CEA Tech, le pôle recherche technologique du CEA), l’Ecole nationale supérieure (ENS) de Lyon, initiateur du projet, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’industriel des matériaux de construction Saint-Gobain et le Centre national d’études spatiales (Cnes). Matiss vise à développer de nouveaux matériaux aux propriétés antibactériennes dans un environnement en apesanteur afin de voir s’ils peuvent améliorer et simplifier le nettoyage à l’intérieur de l’engin spatial ISS. Ces matériaux pourront ensuite être également utilisés dans le cadre d’usages terrestres.
Des surfaces intelligentes pour arrêter la colonisation et la prolifération des bactéries
Menée dans le cadre de la mission Proxima et sponsorisée par le Cnes, cette expérience est basée sur quatre plaques identiques que l’astronaute Thomas Pesquet de l’ESA emporte avec lui pour sa mission de six mois dans la station spatiale. Constituées d’un inox particulier (on n’en saura pas plus) et dessinées par l’ENS de Lyon, le CNRS et le Cnes, ces plaques portent 6 lamelles de verre revêtues de matériaux avancés différents. Elles seront placées dans le laboratoire européen Columbus à bord de l’ISS ainsi que dans les bouches d’aération de la station pendant au moins trois mois. Puis, à l’issue de sa mission, Thomas Pesquet les ramènera sur Terre pour que des analyses soient faites. En collaboration avec l’ENS de Lyon, le CNRS, Saint-Gobain et le Cnes, le Leti – a développé trois des cinq matériaux avancés qui pourraient arrêter la colonisation et la prolifération des bactéries sur des surfaces intelligentes. Pour sa part, un sixième matériau, à base de verre, servira de matériau de contrôle. L’expérience consistera donc à tester ces surfaces nouvelles dans un environnement clos en apesanteur. Ces surfaces sont dites « intelligentes » car elles sont capables de fournir une réponse appropriée à un stimulus donné. Par exemple, elles peuvent repousser les bactéries et les empêcher de se développer sur une surface ou créer leurs propres biofilms de protection contre les bactéries.
De futurs matériaux pour les boutons d’ascenseur ou les barres des transports en commun
Les matériaux sélectionnés sont issus de différentes technologies avancées – des monocouches auto-assemblées, des polymères verts ou des polymères céramiques à base de silice hydrofuge. En réagissant par protection face aux bactéries présentes dans l’air, elles deviennent plus faciles à nettoyer et plus hygiéniques. L’expérience va déterminer laquelle de ces surfaces est la plus efficace et pourrait être transformée en surface antibactérienne qu’il serait par exemple possible d’utiliser pour limiter leur propagation bactérienne sur certaines surfaces telles que les boutons des ascenseurs et les barres des véhicules de transport en commun. « Depuis plus de 10 ans, le Leti améliore sa plateforme de chimie. Le laboratoire a pu développer des processus collectifs en phases gaz, liquide et supercritique de fonctionnalisation des surfaces », explique Guillaume Nonglaton, chef de projet du Leti dans le domaine de la chimie de surface pour des applications de biologie et de santé. Par »fonctionnalisation de surface », on entend le recours à la chimie et à la physique pour donner des fonctions intéressantes (dépollution, nettoyage…) à la surface de matériaux. C’est le cas par exemple avec les oxydes de titane qui dépolluent la surface des vitrages. « Trois surfaces développées par le Leti feront partie de l’expérience à bord de l’ISS : une couche fine fluorée, de la silice organique et un polymère biocompatible, reprend Guillaume Nonglaton. Elles ont été choisies pour leur caractère hydrophobe, leur reproductibilité et leur intégration rapide à la mission Proxima de Thomas Pesquet. »
Erick Haehnsen
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