Les avancées technologiques en matière de vidéoprotection se font sur plusieurs plans : non seulement l’amélioration de la résolution mais surtout le perfectionnement des capacités de stockage et de réseau. Tour d’horizon des tendances du marché.
« Nous sommes constamment à la recherche des solutions technologiques les plus performantes possibles en termes de prévention des risques, explique Maeyke Gielen, Channel, responsable marketing chez Honeywell Security & Fire. Historiquement, depuis le développement de la vidéoprotection, l’image avait une utilité pour l’élucidation des méfaits afin de répondre à la question qui a fait quoi ? A présent, nous mettons en œuvre des systèmes qui ont pour objectif d’anticiper l’événement et d’agir au plus vite. » Les fabricants sont ainsi en quête de la meilleure résolution. A l’instar de Honeywell security & Fire dans les gammes Performance et equIP, les constructeurs, pour la plupart, intègrent désormais la technologie 4K, un format d’images numériques ayant une définition supérieure ou égale à 4 096 pixels de large, qualifiée Ultra haute définition (Ultra HD) qui provient du domaine du cinéma numérique.
Le type de caméras joue également sur l’efficacité d’un système de vidéoprotection. Quatre fois moins chères que les caméras motorisées, les caméras fixes enregistrent de meilleures images. A la différence de la Chine où l’on dénombre 90% de caméras fixes, « à Paris, 80% des caméras sont motorisées, explique Patrice Ferrant, dirigeant de Mobotix France, fabricant allemand de caméras et logiciels de vidéoprotection (CA : 72 millions d’euros en 2016). Dans une ville des Yvelines, où un policier a été renversé par un chauffard le 9 septembre dernier, l’élucidation a pu être aussi rapide grâce à la qualité des images des caméras. »
Alléger le trafic de données sur le réseau
Pour Guilhem Decoux, dirigeant de la société française eCare, basée à Montpellier (CA 2016 : 1 million d’euros) et distributeur des produits UNV, la course au pixel est terminée. « Le prix au pixel a chuté de façon très forte. Bien sûr, la résolution est indispensable car plus la caméra sera performante, plus l’analyse le sera aussi mais elle n’est plus un critère de différenciation suffisant sur certains marchés. » Au cœur de la bataille : la compression des images. « Les serveurs doivent gérer un nombre de plus en plus important de caméras, reprend le dirigeant d’eCare. Certes, le prix des disques dur a baissé mais pas aussi vite que celui du pixel. Stocker reste cher. En plus, certaines municipalités demandent 30 jours d’enregistrement – la limite légale – quand il y a quelques années on ne stockait les images que 7 jours. Cela représente une quantité de données faramineuses. » Le but est donc à présent d’alléger les infrastructures d’où l’intérêt d’une société comme eCare car elle distribue la technologie Ultra 265 d’UNV grâce à laquelle le poids des données peut être réduit jusqu’à 95%.
Caméras IP vs caméras analogique
La démocratisation des caméras avec serveurs IP intégrés permet également d’alléger la charge des serveurs d’enregistrement. Ainsi chaque caméra remonte-elle les images mais aussi l’analyse vers le serveur principal : intrusion de périmètre, comptage intelligent, détection de visages. « Au lieu d’avoir un seul gros cerveau, le serveur central, c’est une multitude de petits cerveaux qui fonctionnent simultanément, résume Guilhem Decoux. Bosch, avec ses séries 7000, était parmi les premiers à proposer cette solution mais elle était très coûteuse. Au fur et à mesure, de petits opérateurs s’y mettent. » Malgré les avantages des systèmes IP, le marché de la vidéoprotection assiste néanmoins à un retour en force de l’analogique depuis quelques mois. Explication : « Les clients demandent un système de caméras et d’enregistreurs capable de récupérer des images HD depuis un système analogique », confirme Maeyke Gielen d’Honeywell. L’entreprise propose ainsi sa solution HD Over Coax (gamme HQA Performance), qui fournit des images haute résolution sur des infrastructures analogiques, réduisant ainsi le temps et les coûts généralement associés avec l’installation de nouveaux systèmes IP ou HD hybrides. L’avantage : il devient possible d’utiliser un câble analogique existant pour obtenir une qualité HD sans avoir besoin de concevoir de nouvelles infrastructures ou de remplacer les réseaux existants. « Pour les clients qui cherchent une fonctionnalité HD sans être prêts à remplacer des infrastructures entières, c’est la solution la plus adaptée », conclut Maeyke Gielen.
Les limites de retour à l’analogique
Reste que le retour à l’analogique suscite différentes problématiques. D’abord, celle de la malveillance. « Les câbles coaxiaux, utilisés dans les systèmes analogiques sont des conducteurs électriques, affirme Patrice Ferrant, directeur commercial France/Afrique de Mobotix. Un coup de tazzer ou n’importe quelle impulsion électrique peut détruire les 16 voies de l’enregistreur… » Bref, c’est la mort de l’analogique. Certains constructeurs repositionnent des caméras sur l’analogique parce qu’ils y voient l’opportunité d’un marché.
Cependant, les fabricants de composants électroniques abandonnent progressivement la production des capteurs CCD, composants des systèmes analogiques. Il faut alors transformer le lien analogique en lien numérique, un câble qui transforme le coax en liaison numérique PoE (Power over Ethernet), cryptée de bout en bout. C’est une solution Haut Débit équivalente à celle utilisée par les opérateurs téléphoniques pour transformer les lignes des abonnés. Cependant, la technologie diffère : ce n’est pas de l’ADSL mais la communication par Courants porteurs en ligne (CPL) qui reconstitue un réseau informatique sur le réseau électrique. « Nous recevons maintenant Internet via des liaisons téléphoniques dont le signal est devenu numérique via les modems routeurs ADSL et CPL », conclut Patrice Ferrant.
Pourtant, de nombreux distributeurs prônent l’analogique. « L’IP n’est pas stable dans le temps. Entre la caméra, le serveur, le routeur, l’éditeur, le réseau téléphonique, cinq acteurs opèrent régulièrement des mises à jour mais ne dialoguent pas forcément ensemble, souligne Eric Fauconnier, dirigeant de Serviacom, grossiste, importateur et fabricant (CA : 5 millions d’euros). En outre, l’analogique est un système fermé alors que l’IP est un monde ouvert donc davantage sensible aux cyberattaques. » Pour sortir de ce dilemme, l’entreprise commercialise un système hybride, comprenant des convertisseurs capables de gérer aisément les caméras analogiques et IP.
Le cyberterrorisme à l’assaut de la vidéosurveillance
Autre tendance : la cybersécurité s’invite dorénavant dans la vidéosurveillance. « Il est possible d’attaquer n’importe quelle caméra, tranche Patrice Ferrant de Mobotix. En mai dernier, plus de 200.000 postes de travail équipés du système d’exploitation Microsoft Windows dans le monde ont été infectés en quelques jours par le rançongiciel Wannacry. Les victimes ont alors vu les données de leur ordinateur cryptées. Donc perdues. Pour les récupérer, elles devaient s’affranchir d’une rançon de 300 à 600 dollars. « Après cette vague d’attaques, une nouvelle menace pointe : celle du terrorisme venant de groupes très équipés qui utilisent des éléments du système de sécurité pour pénétrer le système d’information de l’entreprise », reprend Patrice Ferrant. Les caméras et les enregistreurs doivent donc être protégés. Dans cet esprit, Mobotix travaille sur des noyaux Linux, à savoir un système d’exploitation alternatif à Windows.
Vers des caméras encryptées
Honeywell intègre dans toutes ses caméras des puces qui contiennent un clé d’identification unique, impossible à reproduire et protégée par un fort encryptage. Depuis le début de l’année, l’entreprise a également mis en place des équipes spéciales, nommées PSIRT, « Product Security Incident Response Team », chargées d’alerter les utilisateurs en cas d’anomalie. Le but : informer le plus tôt possible les utilisateurs et apporter les solutions pour éviter les conséquences des attaques. « Lorsqu’une faille potentielle est observée, nous analysons la situation, nous mettons en place une solution pour contrer le risque et nous informons nos clients dans le monde entier, précise Maeyke Gielen. Nous mettons également à leur disposition un patch informatique qui actualise le logiciel du produit et le met ainsi en sécurité. Ces équipes surveillent en permanence la structure en place dans l’entreprise. Une directive de l’Union européenne adoptée en juin 2016 (NIS Directive) enjoint d’ailleurs les grandes entreprises de certains segments à mettre en place des structures de surveillance et d’action comparables. »
L’enjeu de la mobilité
Argos Technologies vient de commercialiser un boîtier mobile de vidéoprotection. Relié aux poteaux d’électricité, Wallink, celui-ci permet de surveiller les sites isolés comme les plages, les chantiers de construction qui connaissant de nombreux vols ainsi que les événements ponctuels : matchs sportifs, festivals, brocantes, etc. « Le boîtier envoie les images grâce au réseau 3G ou WiFi et ne nécessite pas de câblage, indique Caroline Crouzet, chargée de mission marketing d’Argos Technologies. Cette nouvelle solution, qui améliore la vidéosurveillance dite passive, convient également à la menace du terrorisme. Elle permet de repérer les colis suspects abandonnés pouvant cacher des explosifs ou des armes, détecte les véhicules circulant en zones interdites et liste les plaques de véhicules suspects, alerte lors de mouvements de foules. » Mobile et adaptée aux conditions extérieures, la vision nocturne est assurée grâce à des doubles projecteurs infrarouges qui permettent de voir jusqu’à 50 mètres. Les données sont envoyées sur un cloud sécurisé dans une enceinte APSAD P3 permettant, en cas de vol ou de dégradation de la borne, d’avoir l’assurance de retrouver toutes les images.
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