Pour réussir leur mue digitale, les entreprises doivent tenir compte des conditions de travail et de la santé des salariés. Et notamment celle des seniors afin d'assurer leur maintien dans l'emploi.
Pour être plus inclusives, les entreprises doivent prévoir le vieillissement de leurs salariés tout au long de leur parcours professionnel. © Science HD
En France, les 55-64 ans représentent un peu plus de 8 millions de personnes au travail. Leur taux d’emploi est passé de 46 % à 52 %. Des progrès restent encore à accomplir. En effet, un senior sur deux n’est plus en activité au moment de partir à la retraite. Principales raisons : le chômage, l’inactivité, l’invalidité et l’arrêt maladie. Dans ce contexte, les employeurs ont un rôle à jouer pour maintenir les seniors dans l’emploi. Les pistes sont connues. Il s’agit d’adopter des actions pour préserver leur santé et prévenir les risques au travail.
17ème édition de la semaine de la QVT en juin
Parmi lesquelles, l’allégement des contraintes et des rythmes de travail, la rotation des postes pour prévenir l’usure mentale ou physique. Il est aussi recommandé de donner aux salariés des marges de manœuvres et de libérer leur parole. Ce dernier sujet sera d’ailleurs au cœur de la 17ème édition de la semaine de la qualité de vie au travail (QVT). L’événement organisé mi-juin par le réseau Anact-Aract vise à valoriser les actions menées dans les entreprises, associations et établissements publics. Cette année, il aura pour fil rouge « Associer les salariés, c’est d’abord ça la QVT ». L’occasion de tendre le micro aux organisations qui prennent en compte l’avis de leurs employés pour réussir leur transformation. À commencer par leur mutation digitale.
La transformation digitale, enjeu majeur des entreprises
La transformation numérique fait d’ailleurs partie des trois enjeux majeurs* des entreprises françaises, selon le cabinet d’audit PriceWaterhouseCoopers (PwC). Ce dernier a mené plusieurs études sur le sujet auprès de PME et d’ETI dans le monde et en France. Pour 78 % des entreprises françaises interrogées, la transformation digitale est un enjeu crucial. Il s’agit, pour elles, de gagner en productivité, flexibilité, agilité et performance. Pour réussir cette transformation digitale, les enjeux humains sont aussi importants que les facteurs technologiques. Les entreprises engagées dans cette démarche soulignent d’ailleurs la nécessité de faire évoluer leur culture et leur modèle RH. Mais aussi d’ouvrir le dialogue à l’ensemble des salariés.
La santé au travail facteur de réussite des projets digitaux
Vincent Mandinaud, chargé de mission à l’Anact. © Anact
L’occasion de discuter des conditions de travail et de la santé des salariés. « Si les projets de digitalisation buttent souvent sur les questions d’appropriation des technologies c’est souvent parce que les problématiques d’organisation et de conditions de travail n’ont pas été suffisamment discutées en amont du déploiement », prévient Vincent Mandinaud, chargé de mission à l’Anact. « La transformation numérique des entreprises est ambivalente », explique cet expert en charge de piloter l’action « Veiller aux conditions d’usage des outils numériques » du Plan national Santé Travail 2016-2020.
La digitalisation, vecteur de transformation pour les salariés
L’automatisation conduit parfois à des formes d’intensification du travail qui ne favorisent pas le bien vieillir. Mais elle peut aussi réduire la pénibilité au travail, selon la façon dont elle est mise en œuvre et régulée. À cet égard, la digitalisation peut faire disparaître certaines activités. Mais aussi les transformer et ainsi créer des opportunités de parcours. Elle peut alors aboutir à des reconversions et à développer des compétences, selon la façon dont le changement est conduit et les salariés accompagnés.
Des exemples en entreprise
Le chargé de mission de l’Anact nous en donne deux exemples. En premier lieu, cette usine d’alimentation pour le bétail qui a investi dans un robot de nettoyage. Ce qui a permis de former l’opérateur initialement en charge de cette tâche ingrate afin qu’il travaille sur un autre poste. Le chargé de mission cite aussi l’exemple d’une fonderie traditionnelle. Pour améliorer la qualité de la production, elle a investi dans la réalité augmentée. Jusqu’alors, ses opérateurs contrôlaient les pièces à la main. Ce geste professionnel a été valorisé au moyen d’une application couplée à des lunettes de réalité augmentée. Résultat, les opérateurs sont mieux équipés et mieux formés. « Ils sont aussi davantage reconnus au sein de l’entreprise et participent au développement de l’activité de l’entreprise », fait remarquer Vincent Mandinaud.
Vers un management plus inclusif des seniors ?
Les seniors utilisent quotidiennement des outils numériques. © Jim Reardan.
La question de l’emploi des seniors reste néanmoins peu débattue dans les entreprises. C’est du moins ce que révèle une étude de mars 2018 menée par le cabinet Deloitte. Sur les 11 000 entreprises interrogées, la moitié d’entre elles n’ont rien prévu pour accompagner les plus de 55 ans. Or les études montrent que les plus de 50 ans ne sont pas moins productifs que leurs cadets. En outre, la plupart travaillent au quotidien avec des outils digitaux et se disent prêts à se former tout au long de leur vie professionnelle. Autant d’arguments qui peuvent amener les entreprises à avoir une organisation plus inclusive. A charge pour elles de créer des parcours qui prennent mieux en compte le vieillissement de leurs salariés tout au long de leur carrière professionnelle. De quoi éviter ainsi les exclusions.
Eliane Kan
* les deux autres enjeux sont la nécessité d’innover pour rester leader et le recrutement des compétences.
Commentez