Ces dernières années ont été marquées par la Grande démission et le désengagement des salariés. Deux évolutions du marché du travail qui révèlent de profonds mécanismes à l’œuvre et sur lesquels les entreprises ont intérêt à se pencher pour éviter de perdre leurs talents et d’essuyer de graves risques financiers. Une démarche de responsabilité sociétale de l'entreprise peut les aider à contrer ces phénomènes.
Deux ans après la Grande démission qui s’est traduite entre fin 2021 et début 2022 par 520 000 démissions par trimestre – dont 470 000 démissions de CDI -, que dit ce mouvement des nouveaux rapports au travail ? Telle est la question posée par une étude de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques). Laquelle estime que le mouvement de la Grande démission, apparu auparavant aux Etats-Unis, a surtout concerné en France des salariés ayant vécu des périodes de chômage partiel dans les mois précédents, du fait de la crise sanitaire. Le contexte de crise a aussi entraîné la non-reprise de CDD dans des secteurs qui ont souvent recours à ce type de contrat. Comme l’hôtellerie-restauration, le tourisme, la culture, les loisirs. Pour autant, ces derniers estiment que le taux de démission est un indicateur cyclique. Il est bas durant les crises et il augmente en période de reprise. Toutefois, d’autres mécanismes sont aussi à l’œuvre derrière ce mouvement.
Les jeunes plus engagés mais…
Les employés sont de plus en plus attentifs aux conditions de travail, aux perspectives de carrière, au niveau de salaire et à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Ils souhaitent donner du sens et de la valeur à leur activité professionnelle et ils n’hésitent plus à quitter leur entreprise si ces conditions ne sont pas satisfaites. C’est notamment le cas des jeunes générations qui sont promptes à changer d’emploi en cas d’insatisfaction. En effet, pour 80 % des jeunes, il est important, voire prioritaire que leur employeur ait des engagements environnementaux et sociétaux forts. Pour autant, cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne sont pas engagés dans le travail. « En réalité, les jeunes le sont plus que la moyenne des actifs, notamment en termes d’état d’esprit avec un taux d’engagement de 30 % pour les 18-29 ans contre 24 % pour la moyenne des actifs interrogés », pointe Pierre-Etienne Bost, directeur conseil chez OpinionWay qui a sorti l’étude Le Travail en France entre mythes et réalités. Laquelle a été présentée à Paris le 19 octobre dernier durant les 2èmes Assises Sens et Travail organisées par l’entreprise de Relations publiques Aromates.
Parmi les nombreux intervenants, citons Jean-Claude Mailly, vice-président de Synopia, un Think Tank français qui vise à améliorer, la gouvernance des institutions privées et publiques. L’ancien secrétaire général de FO estime qu’avec « l’évolution du travail, les salariés et les indépendants sont demandeurs d’autonomie, de respect et de responsabilité. »
… le volet RSE reste d’importance vitale
Un avis que partage Philippe Kunter, directeur RSE à la Banque publique d’investissement (Bpifrance). Lors de son intervention, ce dernier a rappelé aux entreprises « l’importance de miser sur le capital humain, de valoriser les compétences des salariés et de relever les enjeux écologiques et énergétiques. » Tant pour acquérir et fidéliser les talents que pour répondre à leurs obligations réglementaires. En l’occurrence celles qu’impose la directive du 22 octobre 2014 relative à la publication d’informations extra-financières. Les entreprises ainsi visées doivent démontrer leur implication et leurs performances sur les volets social, environnemental et sociétal.
Nouvelle directive en 2024
Rappelons que ce texte transposé en France par l’ordonnance du 19 juillet 2017 concerne pour l’heure les sociétés côtées et non côtées de plus de 500 personnes réalisant des chiffres d’affaires respectivement de 40 millions d’euros et 100 millions de chiffres d’affaires. Ce texte va être remplacé par la nouvelle directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024. L’objectif est de permettre aux investisseurs d’orienter leurs capitaux vers des investissements durables, d’intégrer la durabilité dans la gestion des risques et de favoriser la transparence sur le long terme. Publiée au Journal officiel de l’Union européenne en décembre 2022, la CSRD prévoit un abaissement des seuils afin de s’appliquer également aux entreprises cotées de 250 salariés mais générant malgré tut un chiffre d’affaires de plus 40 millions d’euros.
Les sociétés concernées ont donc intérêt à s’y préparer dès aujourd’hui. Faute de quoi, elles verront leurs actifs se déprécier. « Les entreprises qui ne voudront pas se transformer ni s’adapter à ces différents enjeux ne seront plus financées dans les prochains mois et les prochaines années », avance Philippe Kunter. « Cela va commencer par un désengagement des collaborateurs. Ces derniers ne voudront plus travailler dans les entreprises qui ne font pas les efforts nécessaires d’adaptation », prévient le directeur RSE de la BPI qui se mobilise auprès des entreprises afin de les aider à relever ces différents enjeux.
Eliane Kan
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