Depuis 1989, Gerep, une société de courtage en protection sociale, accompagne les entreprises et leurs salariés dans la gestion des risques sociaux : maladie, décès, retraite… « Cette mission mobilise notre expertise sur les questions du financement des régimes et du niveau des garanties. Mais elle nous a également conduits à analyser l’écosystème qui entoure la maîtrise des risques et la prévention », indique Damien Vieillard-Baron, le président du cabinet qui vient d’éditer Le livre blanc de la qualité de vie au travail, rédigé par l’équipe Gerep Prévention Santé (GPS), un programme spécialisé dans l’amélioration de la Qualité de vie au travail (QVT). Ce livre blanc s’appuie sur une étude de terrain menée auprès de 250 entreprises, représentant plus de 300.000 salariés, qui décrypte les attentes et les projets en matière de prévention santé des entreprises.
Salariés français : entre stress et déprime
Aux États-Unis, 78% des entreprises ont mis en place un programme de santé au travail. Avec un impact positif sur le bien-être de leurs salariés mais aussi sur leurs résultats financiers. En effet, selon une étude menée à Harvard, chaque dollar investi dans la santé et le bien-être des salariés rapporte 3 dollars à l’entreprise. Les sociétés américaines ont constaté une diminution de 6% au moins de leurs dépenses de santé suite à la mise en œuvre d’un programme de bien-être. La même étude révèle que plus de la moitié des entreprises ont noté une réduction de l’absentéisme dans un délai de 2 à 5 ans. En Europe, seules 44% des entreprises ont lancé un programme de santé au travail, principalement dans les grands groupes avec, à chaque fois, de bons retours sur investissement.
Seul un salarié français sur trois se rend au travail avec plaisir
Dans le monde, et particulièrement aux États-Unis, le premier objectif d’une politique de QVT est la réduction des frais de santé. Pas en Europe où les responsables RH visent l’amélioration du moral des salariés. À cet égard, la France est à la traîne : 30% des Français pensent que leur travail est mal reconnu contre 22% en Europe. Seul un Français sur trois se rend au travail avec plaisir. Toutes les strates de l’entreprise sont concernées : 27% des salariés se plaignent du stress sur leur lieu de travail tandis que 50% des cadres ont des troubles du sommeil et 33% d’entre eux estiment que le stress pèse sur leurs relations conjugales. Près d’un salarié sur trois a du mal à trouver son équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. C’est particulièrement vrai pour les cadres qui ont des enfants en bas âge ou pour ceux qui ont un proche dont la santé se dégrade. Conséquence du vieillissement de la population, 15% des salariés s’occupent d’un parent dépendant ou malade et 23% chez les plus de 50 ans.
Absentéisme, turn-over et présentéisme
Le mal-être et le stress au travail touchent l’entreprise directement au portefeuille. Selon une étude de l’European Agency for Safety and Health at Work, plus de la moitié des journées de travail perdues peuvent être imputées au stress lié au travail et aux risques psycho-sociaux. Le turnover n’est pas un problème moins crucial pour les employeurs. Il rime avec fuite des talents, perte d’expérience et de compétences, chute de la productivité… En Autriche, les troubles psychosociaux ont été désignés comme la raison des départs anticipés à la retraite de 42% des « cols blancs ». Mais qu’en est-il du salarié qui n’a pas encore craqué et se rend au travail avec la boule au ventre tous les matins ? Il perd de sa motivation, de sa créativité, de sa productivité. Ses relations avec le management, ses collègues et les clients se dégradent. Il fait émerger de nouveaux risques : altération de l’image de l’entreprise, détérioration de l’ambiance de travail, risque d’incident ou d’accident… C’est le phénomène du présentéisme. « Celui-ci coûterait aux entreprises deux fois plus aux entreprises que l’absentéisme », avance Damien Vieillard-Baron.
QVT : un investissement rentable
Mettre en place une politique de prévention des risques psychosociaux et du stress au travail représente un coût… sans doute bien inférieur aux coûts engendrés par ces risques. Même les investisseurs se rangent à cet avis. Une étude du département d’économie de l’école Polytechnique met en évidence qu’une gestion sociale jugée défaillante est dissuasive pour 50% des investisseurs interrogés. Bref, l’idée de mettre en œuvre une politique de bien-être fait son chemin chez les dirigeants d’entreprises et responsables RH. « 78% des responsables RH interrogés considèrent le bien-être au travail comme un véritable enjeu, reprend Damien Vieillard-Baron. Pourtant, seules 47% des entreprises ont mis en place des actions concrètes. » Quant à ces actions, elles portent principalement sur la formation des managers aux RPS (63%) et la mise en place d’une ligne téléphonique permanente (36%). Pour 81% des entreprises, le principal objectif d’une politique de bien-être est l’amélioration du climat social, pour 55%, il s’agit de maîtriser l’absentéisme et 51% souhaiteraient attirer de nouveaux talents. A peine 11% des organisations mentionnent le fait de répondre aux obligations légales !
Adopter une méthodologie
Concernant les outils du bien-être des salariés, les responsables RH sont 63% à citer les séminaires et formations et 28%, la présence d’un spécialiste dans l’entreprise. Gerep préconise 8 règles d’or. A commencer par viser loin et juste, ce qui réclame de ne pas agir dans la précipitation suite, par exemple, à des cas de suicide, de harcèlement ou de condamnation. De même, il ne faut pas non plus entamer cette démarche de façon ponctuelle. Autre conseil : démarrer quand tout va bien. Seconde règle : associer les salariés et partenaires sociaux dès le début du projet. De même, il faut réaliser un audit exhaustif en faisant appel à un organisme extérieur et identifier les indicateurs de réussite aussi bien quantitatifs que qualitatifs (réduction de l’absentéisme; amélioration de la qualité, baisse du taux d’accidents du travail…). Cinquième règle : élaborer une stratégie structurée en fonction d’objectifs définis : habitudes de vie, pratiques de gestion, environnement de travail, conciliation entre vie privée et vie professionnelle… Enfin, il convient également de désigner un porteur de projet motivé qui aura l’aval de la direction générale. A partir de là, les éléments sont réunis pour structurer un plan de communication : flyers, affiches, sites internet, mailing…
Erick Haehnsen
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