Avec un chiffre d'affaires d'environ 1,3 milliard d'euros, ce secteur est constitué d'une myriade de points de vente indépendants. Fragilisés par les fermetures imposées par la crise du coronavirus, ces TPE pourraient céder aux sirènes des groupements.
Le coronavirus affectera-t-il la bonne santé du marché des équipements de protection individuelle (EPI) ? La question se pose pour ce secteur qui bénéficie depuis de longues années d’une croissance soutenue. Soit 2,5 % par an en moyenne pour ces quatre dernières années. En 2019, cette croissance s’est élevée à près de 3 % pour un chiffre d’affaires (CA) de 1,3 milliard d’euros, selon une étude que le cabinet d’études Xerfi lui a consacrée l’an dernier.
Rénovation normative, puissant facteur de développement
La progression du marché repose sur différents facteurs. Parmi lesquels, la politique Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui promeut la sécurité et la santé au travail. A cela s’ajoute le besoin exprimé par les jeunes générations de salariés de porter des EPI de qualité. Autre facteur de croissance, le renouvellement des produits atteints par la date de péremption. Enfin, le plus gros moteur conjoncturel concerne la rénovation des normes pour toutes les familles de produit. Cette mise à jour a contribué à une montée en gamme des EPI. « Cette rénovation a eu aussi pour conséquence de pousser vers la sortie les articles bas de gamme du marché », rapporte Remy Vicente, directeur d’études chez Xerfi.
VAD contre boutiques en dur
C’est la seconde fois que le cabinet s’intéresse aux EPI. La nouvelle étude porte aussi sur les fabricants et distributeurs du marché. Ces derniers regroupent les acteurs qui ont pignon sur rue et les spécialistes de la vente à distance (VAD). Dont font partie Manutan et le géant Lyreco (2,2 milliards d’euros de CA en 2018) spécialisé dans les fournitures de bureaux. Le groupe fondé en 1926 veut devenir un acteur important du marché des EPI. Il a d’ailleurs racheté le néerlandais Intersafe et Elacin France. Lequel est spécialisé dans la protection auditive (6 millions d’euros CA pour 2018). Avec ces deux experts, l’activité EPI de Lyreco représente quelques 125 millions d’euros de CA pour 2018.
Offensive attendue des distributeurs traditionnels
La VAD se développe notamment auprès des collectivités locales et des entreprises du tertiaires. Lesquelles n’ont pas nécessairement besoin d’EPI de niveau 2 ou 3. A la différence du bâtiment ou de l’industrie lourde. Ces activités ont besoin aussi de conseil, de formation et de maintenance. C’est d’ailleurs ce qui fait la force des acteurs historiques ayant pignon sur rue. A commencer par RG Safety qui vient de racheter EPI Center. Citons aussi PLG (Pierre Le Goff), Protecthoms et France Sécurité. Sans oublier l’enseigne Prolians. Propriété du groupe Descours & Cabaud, celle-ci distribue notamment des EPI auprès des acteurs de la construction.
180 points de vente recensés en France
Ces acteurs de la vente traditionnelle dominent un marché où Xerfi a recensé 180 points de vente. Il s’agit en majorité de TPE indépendantes de moins de 9 salariés. Représentant entre 30 et 35 % du marché, elles sont situés majoritairement à proximité des grands bassins industriels. Notamment en Rhône-Alpes et Île-de-France. En plus de leur expertise et des conseils qu’ils prodiguent, ces TPE délivrent de nombreux services. Entre autres, la formation, la gestion des achats et la maintenance. Autant de services qui intéressent une clientèle d’artisans, travailleurs indépendants et de PME. Cette clientèle ayant pour habitude de consommer des produits techniques, ces TPE vivent avec des marges confortables, de l’ordre de 4,5 %.
Conditions plus avantageuses
Or, avec la crise du coronavirus, l’activité de ces points de vente pourrait se trouver fragilisée. Certains établissements auront peut-être la tentation de rejoindre la bannière d’un groupement. Avec, à la clé, la possibilité de bénéficier notamment de conditions d’approvisionnements plus avantageuses. Selon Xerfi, les réseaux comptent aujourd’hui une centaine d’adhérents. Parmi les principaux acteurs, citons le groupe Cofaq. Lequel réunit 773 points de ventes en bricolage, quincaillerie pour les particuliers et les professionnels. Ces derniers peuvent, entre autres, se procurer des EPI dans les 34 points de vente Securom. Cette enseigne se positionne comme le spécialiste de la santé et de la sécurité de l’homme au travail.
4 à 5 points de vente d’ici 2022
Citons par ailleurs EPI Center. Dirigé par Serge Collomb. Ce groupement revendique 50 adhérents et 66 points de vente. Son chiffre d’affaires consolidé s’élève à environ 90 millions d’euros. L’objectif est d’atteindre 100 millions d’euros d’ici deux ans. Pour y parvenir, quatre à cinq points de vente supplémentaires devraient rejoindre l’enseigne qui vient de changer de main. EPI Center est en effet passée en janvier dernier du giron d’Adeo à celui de RG Safety, le leader du marché implanté à Saint-Priest (Rhône).
Chacun garde ses couleurs
Créée en 1987 et devenu propriété de LBO France en 2017, ce groupe est spécialisé dans la vente d’EPI auprès des grands comptes. Dirigé par Pierre Manchini, il affiche un CA de plus de 200 millions d’euros réalisés avec 460 collaborateurs. Lesquels se répartissent dans ses 27 agences en Europe et Tunisie. Dont près de 20 en France. Sans compter les 66 points de vente d’EPI Center. Pour l’heure, chaque entité garde ses couleurs respectives. Par ailleurs, EPI Center et RG Safety veulent accélérer leurs travaux liés à la modélisation d’un dispositif phygital. Ce dernier combine vente physique en magasin et sur Internet, indique RG Safety dans un communiqué.
Acquisition en Espagne
Le rachat d’EPI Center survient après l’acquisition en 2019 du français Veltis (5,5 M€ de CA). Cette entreprise familiale créée en 1955 compte deux magasins d’EPI à Calais et à Arques, dans le Nord-Pas-de-Calais et deux autres à Paris. RG Safety se renforce en France mais aussi en Europe. Il a d’ailleurs racheté l’an dernier l’espagnol Joysa Proteccion Laboral (6 M€ de CA). De quoi poursuivre sa conquête européenne avec ses 94 points de vente et près de 300 millions d’euros de CA.
Objectif : 100 millions d’euros en 2025
Cette politique de concentration est aussi menée par Protecthoms. Créé en 1993, le groupe mayennais basé à Chateau-Gonthier a réalisé en 2018 un CA de 39 millions d’euros avec 181 collaborateurs. Son activité est en forte hausse puisqu’elle s’élevait à 32 millions d’euros en 2017. Pour 2025, Laurent Lairy son dirigeant et fondateur, vise un CA de 100 millions d’euros. Dans cette perspective, il compte étoffer encore son réseau. Lequel regroupait l’an dernier près d’une quinzaine de sites sur l’Hexagone et en Belgique.
Fabrication des masques en tissu
Ses dernières acquisitions se situent d’un côté dans l’ouest de la France, plus précisément à Saint-Thuriau dans le Morbihan. Et de l’autre côté, dans les Hauts-de-France, à Boulogne-sur-Mer, Coudekerque-Branche, Lille et Roubaix. Ce qui vaut à Protecthoms d’étoffer sa gamme de services, notamment avec des ateliers de sérigraphie, broderie mais aussi de contrôle d’EPI de classe 3, et de mieux maîtriser ses circuits courts de distribution. Enfin, en cette période de coronavirus, Laurent Lairy a pris la décision de fabriquer 70 000 masques d’hygiène en tissu lavables et réutilisables. Ces EPI seront réalisés par une des ses filiales, l’Ascenseur Confection, qui produit des vêtements de travail à Merville (Nord). La fabrication des masques commencera dès cette semaine afin de répondre aux besoins des industriels.
Eliane Kan
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