Pourquoi s’intéresser à la biométrie côté consommateurs ?
En juillet, Apple lançait son système de paiement sans contact en France, Apple Pay, basé sur les technologies de communication sans fil NFC (Near Field Communication) et de capture d’empreintes digitales. Samsung vient d’annoncer un scanner d’iris sur son prochain smartphone Galaxy Note 7. L’usage de la biométrie représente-t-il une révolution ? Pas si sûr. Ces lancements et leur acceptation par les consommateurs sont révélateurs d’une nouvelle façon de percevoir et d’adopter des technologies qui , jusqu’ici, suscitaient des réticences voire des craintes.
La biométrie s’apprête alors à débarquer dans toutes les poches…
En effet. Les annonces d’Apple et de Samsung illustrent la démocratisation et la banalisation de la biométrie dans les produits grand public. Idriss Aberkane, professeur à Centrale Supelec et chercheur à Polytechnique, a bien résumé le parcours que traverse une innovation avant d’être acceptée par l’opinion publique : elle est tout d’abord considérée comme ridicule, puis dangereuse, avant d’aller de soi. Il semblerait donc que la biométrie appliquée aux usages quotidiens ait atteint cette dernière phase.
En quoi les Etats limitent-ils l’usage de la biométrie ?
Malgré les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la sécurité de nos pays et de leurs habitants, des réticences tenaces continuent de freiner l’utilisation des technologies biométriques pourtant susceptibles de faciliter grandement la recherche des individus dangereux présents dans les fichiers sensibles des états. Alors que des solutions très performantes intégrant toutes ces technologies sont disponibles et susceptibles d’apporter une aide précieuse aux policiers en charge des contrôles aux frontières ou inopinés, certains chantres des libertés fondamentales continuent de rejeter l’utilisation des empreintes digitales considérées comme faisant partie du patrimoine privé des individus, fussent-ils de dangereux terroristes potentiels. L’enjeu pour nos sociétés démocratiques va être de trouver le juste équilibre entre la garantie des libertés individuelles des citoyens et leur sécurité.
Qu’est-ce que les technologies biométriques vont changer dans les usages ?
Apple Pay utilise la reconnaissance d’empreintes digitales qui équipe les nouvelles générations de smartphones. Ce procédé sert notamment à déverrouiller l’appareil sans saisir de code. Sont également concernés les achats en ligne effectués dans un cadre limité comme la carte iTunes ou l’AppleStore. L’utilisation généralisée en magasin est prévue pour dans quelques mois. La biométrie sera donc dans toutes les poches. Et ce, pour des usages de plus en plus fréquents et basiques. À l’instar des données personnelles qui alimentent le Big Data, les empreintes digitales deviennent des éléments d’identification que nous partagerons de plus en plus facilement dans notre quotidien. Dès lors qu’un service leur est utile, les utilisateurs de smartphones se préoccupent finalement assez peu de l’usage qui est ou pourrait être fait de leurs empreintes digitales et des traces qu’ils sont amenés à laisser via une puce NFC.
Les réticences ont-elles disparues comme par miracle ?
Non. Certains chantres des libertés fondamentales continuent de rejeter l’utilisation des empreintes digitales, considérées comme faisant partie du patrimoine privé des individus. Fussent-ils de dangereux terroristes potentiels…
Pourtant vous semblez persuadé que la biométrie va être massivement adoptée…
En effet, cette attitude va à l’encontre d’une récente enquête réalisée par OpinonWay pour le compte de Coppernic qui révèle que la plupart des Français (76%) sont favorables aux dispositifs de contrôle utilisant les capteurs d’empreintes digitales. Plus généralement, cette enquête démontre que, face à la menace terroriste et à la montée de la violence dans la société, beaucoup de citoyens sont prêts à sacrifier une partie de leurs libertés individuelles pour améliorer la sécurité de leurs proches et de leurs biens. Il ne s’agit pas de sombrer dans la psychose sécuritaire mais au contraire d’en revenir aux fondements du contrat social : les instances régaliennes de l’État assurent la protection des individus, en échange d’une part de contrôle.
En matière de sécurité et de sûreté ainsi que d’usages professionnels, que vont apporter les technologies biométriques ?
Elles vont permettre d’authentifier les documents d’identité sécurisés de nouvelle génération (passeports, cartes d’identité, visas biométriques) et de comparer très rapidement et de manière quasi infaillible les empreintes et les photos saisies sur le terrain avec celles qui figurent sur ces documents et sur les bases de données sensibles dédiées à l’immigration clandestine, la sécurité publique et la sûreté de l’État. Lorsqu’une concordance biométrique ou photographique sera détectée entre l’empreinte ou la photo capturée lors du contrôle et l’une des empreintes ou photos enregistrées dans ces fichiers centraux interrogés à distance (ou dans la « black list » embarquée dans un terminal mobile), alors le policier sera immédiatement alerté sur la dangerosité de l’individu contrôlé et il pourra déclencher les mesures permettant de l’intercepter et de le neutraliser.
La généralisation de la biométrie aura-t-elle des relents de Big Brother ?
C’est vrai que cette crainte persiste. On l’a vu lors des débats relatif à la loi Renseignement l’année dernière. Pour se prémunir de ce risque, il est primordial d’être transparent tant sur les ressorts de la technologie que sur l’utilisation des données. C’est à ces conditions seulement que les innovations seront considérées comme socialement acceptables et opérationnellement efficaces.
Propos recueillis par Erick Haehnsen
Commentez