Partout dans le monde le phénomène des inondations s’intensifie et s’accélère en raison du réchauffement climatique. Ce qui remet en cause les missions des assureurs. Pour concevoir non seulement une politique de prévention et des systèmes d’alerte mais aussi des contrats adaptés, scientifiques et assureurs ont besoin d’une part de nouveaux modèles mais aussi de données fiables et précises.
Tsunamis, pluies torrentielles, orages, typhons, cyclones, crues… les causes d’inondation sont multiples. Cependant, à chaque fois, ces risques naturels se révèlent parmi les catastrophes naturelles les plus préoccupantes et dévastatrices. On se souvient, entre autres, des terribles inondations de la Thaïlande de juillet 2011 à janvier 2012 qui ont affecté 13,3 millions de personnes sur 2 millions d’hectares. Au sud de la Russie, en juillet 2012, dans la région de Krasnodar, 5 mois de pluie sont tombés en une seule nuit ! On se souvient aussi des crues record de l’Elbe et du Danube en juin 2013 qui ont paralysé l’Europe du nord et l’Europe centrale. Au début de l’année 2014, de terribles inondations ont ravagé le sud de l’Angleterre, l’ouest et le sud de la France. Afrique, Amériques, Asie… la liste ne cesse de s’allonger, mettant en exergue le réchauffement climatique.
Constat alarmant. Une calamité que certains groupes d’assurance voudraient passer à la loupe. Objectif : développer des politiques de prévention en collaboration avec les pouvoirs publics ainsi que des processus d’alerte en direction des citoyens et des entreprises afin de limiter l’impact de ces catastrophes sur les personnes et les biens. Voire développer des produits ou services spécifiques adaptés au changement climatique. Avant d’en arriver là, le constat est alarmant. « Nos connaissances actuelles concernant le changement climatique sont inadaptées. Les pluies torrentielles, comme celles qui se sont abattues cet hiver dans le sud du Royaume-Uni, sont de plus en plus fréquentes. Nous ne savons pas les modéliser, souligne le chercheur britannique Colin Prentice, qui dirige la chaire biosphère et changement climatique à l’Imperial College of London. Ces tempêtes n’ont rien à voir avec des orages exceptionnels. Ce serait trop simple. Car il va y en avoir de plus en plus. »
Besoin de nouveaux modèles scientifiques. Bref, les inondations sont des phénomènes non seulement complexes mais surtout extrêmement difficiles à modéliser. « En fait, nous avons besoin de nouveaux modèles scientifiques », reconnaît Mathieux Choux, climatologue, analyste du risque catastrophes naturelles au Group Risk Management d’Axa. Une opinion partagée par Dr. Uwe Ulbrich, directeur général de l’Institut de météorologie, du diagnostic climatique et des événements météorologiques extrêmes à l’Université libre de Berlin : « Météorologique, géologie, atmosphère… chacune de ces disciplines se cantonne à ses propres intérêts. Résultat, leurs données sont fausses car elles sont parcellaires. Or, c’est en travaillant ensemble, en échangeant leurs données que nous parviendrons peut-être à inventer de nouveaux modèles. » Les besoins sont pressants. Il devient nécessaire de trouver les modèles pour mieux comprendre les phénomènes physiques mais aussi pour anticiper les problèmes. « A cela ajoute le besoin d’augmenter la profondeur des modèles d’une part pour évaluer l’impact des inondations mais aussi pour disposer de modèles locaux d’inondations – ce dont nous manquons en France, explique Mathieux Choux. Or nous avons besoin de données locales très précises. Un appartement au 3ème étage ne présente pas les mêmes risques d’inondation que celui qui est au rez-de-chaussée. » Ajoutons que la disponibilité de donnée précise aideraient les autorités publiques ou bien les assureurs à mettre en place des systèmes d’alerte précoce (SMS, mail, appel téléphonique, réseaux sociaux…) à) destination des citoyens et des entreprises. De même, ces données pourraient faciliter aux entreprises la mise en place de mesures de prévention.
Les rez-de-chaussée à 1 m plus haut.On en est à des années-lumière ! « Autant les agences gouvernementales qui gèrent les tremblements de terre communiquent assez facilement leurs données, un peu dans l’esprit de l’Open Data, autant nous rencontrons des blocages politiques pour obtenir des données de la part des agences publiques qui traitent du changement climatique. Tout spécialement en Europe », constate le géologue Kerry Sieh, professeur à l’Observatoire de la terre de Singapour. Tout n’est pas si noir. « Dans le cadre de leur association professionnelle, les assureurs allemands ont décidé de mutualiser leurs données afin de les fournir aux scientifiques », informe Uwe Ulbrich. Un exemple que d’autres pays devrait suivre car le temps presse. « Avec le réchauffement climatique, le niveau des mers s’élève. Dès 2100, certaines zones à forte densité de population vont disparaître sous les eaux, notamment les deltas à l’embouchure des grands fleuves, reprend Kerry Sieh. Cette anticipation nous a amenés à conseiller le gouvernement de Singapour d’imposer que, dorénavant, le rez-de-chaussée des nouvelles constructions se trouve à 1 m de hauteur supplémentaire. »
Erick Haehnsen
Fonds Axa pour la recherche : 12 millions pour 38 chercheurs dans le monde
Pour la 7ème année consécutive, l’initiative internationale de mécénat scientifique du groupe Axa, le fonds Axa pour la recherche a attribué 12 millions d’euros de dotations à 38 chercheurs de haut niveau sélectionnés en 2013 qui se répartissent dans une quinzaine de pays. Depuis son lancement en 2007, ce fonds aura ainsi engagé 114 millions d’euros et financé 410 initiatives. Heureux lauréats. Car ils ont été sélectionnés à partir de 4.100 projets issus de plus de 1.000 institutions dans 64 pays.
Pollution de l’air et santé humaine, neuro-ergonomie et sécurité des vols aériens, impact du changement climatique sur les risques côtiers… ces projets explorent différentes thématiques au cœur des défis de nos sociétés. Il s’agit aussi, pour le bancassureur, de mieux identifier les prochaines menaces auxquelles seront confrontés les professionnels du risque et, éventuellement, anticiper certaines réponses.
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