Alors que les esprits s’échauffent suite aux violences survenues durant les manifestations de “gilets jaunes”, le gouvernement a décidé de faire amende honorable. Mardi 22 janvier, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a ainsi annoncé devant une commission de l’Assemblée nationale que les forces de l’ordre équipées d’armes non létales devront, à partir de samedi, porter une caméra-piéton. Dans le viseur, l’arme dite de force intermédiaire LBD (lanceurs de balles de défense) de calibre 40 mm a été jugée responsable de multiples blessures et mutilations.
79 victimes de flashball
A ce titre, un rapport remis le 10 janvier 2018 par Jacques Toubon, le défenseur des droits, allait jusqu’à réclamer l’interdiction pure et simple de l’usage des LBD dans le cadre du maintien de l’ordre, du fait de leur « dangerosité » et des « risques disproportionnés ». Et pour cause, selon le décompte du journal « Libération », rien que dans le cadre du mouvement des gilets jaunes, 109 manifestants ou journalistes ont été blessés, dont 79 par des tirs de flashball. Parmi ces victimes, on dénombre pas moins de 15 personnes éborgnées.
La caméra-piéton devient obligatoire
Parmi les mesures prenant effet ces prochains jours, l’obligation du port d’une caméra-piéton depuis samedi 26 janvier soulève quelques interrogations. Notamment du fait des conditions précises de son utilisation. A cet égard, Eric Morvan, le directeur général de la Police nationale (DGPN) a publié mardi 22 janvier un télégramme illustrant ce fait.
Une mesure pas si efficace ?
Il est question des modèles Allwan, déjà bien connus des forces de l’ordre qui s’en servent dans le cadre de contrôles d’identité. Policiers et CRS devront donc accrocher ces caméras au niveau de leur ventre. Toujours est-il que, pour Thomas Toussaint, le délégué national de l’Unsa Police qui s’est confié au « Parisien », ce positionnement va « poser un problème technique ». Le CRS précise : « Quand vous faites usage d’un LBD, vous ne tirez pas de face, mais en position trois quarts. C’est une arme d’épaule qui oblige à prendre des appuis décalés et qui est équipée d’appareils de visée. » En d’autres termes, la caméra ne sera pas située face à la cible ! Pour résoudre ce problème, le DGPN pense à faire intervenir les policiers en binôme, l’un équipé du LBD, l’autre de la caméra. Or, vu le manque d’effectifs, cette consigne pourrait être difficilement applicable…
Un atout limité
Et ce n’est pas tout : il faut aussi compter avec la faible autonomie des batteries des caméras-piétons (seulement trois heures). En cas de maintien de l’ordre lors d’une manifestation, c’est clairement insuffisant. Pour pallier ce problème, la caméra ne devrait donc être activée qu’en cas de tir de flashball. Il s’agit donc de se coordonner pour anticiper le geste de son binôme.
Pas d’obligation de filmer
Au regard de ces contraintes, la DGPN assure que « l’absence d’enregistrement » ne pourra « constituer un motif invalidant le recours au LBD ». Ce qui signifie que les policiers ou gendarmes ne sont pas dans l’obligation de filmer leurs tirs et qu’il n’existe aucune sanction à ce jour. Poudre aux yeux ou réelle mesure ? Il n’en demeure pas moins qu’à l’avenir, certaines armes pourraient être conçues avec une caméra directement intégrée.
Une loi anti-casseurs à l’Assemblée
Dans la nuit du 29 au 30 janvier, les débats à l’Assemblée nationale sur le texte « anti-casseurs » ont été particulièrement animés. Marietta Karamanli, députée PS de la Sarthe, y voit un « risque pour la liberté ». Jean-Luc Mélenchon a, pour sa part, estimé que Christophe Castaner devait « démissionner ». Pour le ministre de l’Intérieur, il s’agissait surtout de « stopper les brutes ». Cette proposition de loi à l’initiative des Républicains est, pour l’heure, soumise à l’examen des députés jusqu’à mercredi, avec plus de 200 amendements. Un vote solennel devrait avoir lieu le 5 février.
Ségolène Kahn
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