Forts de développements internes, les opérateurs de plates-formes de gestion de crise multiplient les services en mettant l’accent sur l’étendue des fonctionnalités, l’ergonomie des interfaces et la protection de l’information.
Avec l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen qui a eu lieu la semaine dernière, les opérateurs de gestion de crise reviennent sur le devant de la scène. Et ce ne sont pas les exposants du Village Start-up d’APS 2019 qui diront le contraire. En témoigne Baptiste Maulion, responsable grands projets de Cedralis, créée en 2002 à Bron près de Lyon, qui réalise un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros en 2018 avec douze personnes : « L’usine Lubrizol est à cheval sur les communes de Rouen et du Petit-Quevilly qui s’est équipée de notre solution. Ses agents ont pu mobiliser leurs ressources pour sauver des gens. » Incendies, explosions, inondations, ouragans, attaques terroristes… tout l’enjeu des systèmes de gestion de crise consiste à prévenir les populations avec un envoi massif de messages pour, en l’occurrence, inciter les citoyens gens à se calfeutrer chez eux mais aussi pour notifier et mobiliser les membres de la cellule de crise. Bien sûr, ces systèmes intéressent également les entreprises afin de mettre en sécurité leurs salariés.
Communication unifiées
Streamwide, Cedralis, F24, Crisisoft… les éditeurs de solutions de gestion de crise partent généralement d’une plate-forme de communication unifiée afin de récupérer les signaux et messages de différents canaux et surtout d’alerter les cibles par tous les médias nécessaires. « Nous avons commencé par développer notre propre application de messagerie instantanée de type Whatsapp, capable de communiquer entre autres avec les réseaux numériques sécurisés Tetra et Antares, explique Lobma Hermi, directrice marketing de la société parisienne Streamwide, créée en 2001 qui réalise 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 140 salariés en France, aux États-Unis, en Chine, en Malaisie, en Roumanie et en Tunisie. Puis nous avons étendu nos fonctionnalités au partage de documents et de fichiers, à la gestion des appels privés et de groupes, aux alertes manuelles et automatisées, par exemple en provenance des systèmes de protection du travailleur isolé (PTI), la géolocalisation et le tracking des personnes à partir de smartphones ou de PTI. »
Extension et intégration de fonctionnalités
Pour sa part Cedralis inclut également des capteurs secs, par exemple pour la surveillance des glaciers ou pour alerter d’une rupture de la chaîne du froid. A ces fonctionnalités de communication, s’ajoutent celles de gestion des processus : rapport d’incidents, main courante électronique, fiches réflexes. De son côté, Streamwide se rend compatible avec les boutons d’alerte, les caméras de vidéoprotection et les drones. Chez l’allemand F24, créé en 2001 qui emploie 180 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros, la cartographie numérique permet en un clic d’alerter tous les citoyens d’une zone qui se seront enregistrés sur l’application. Au fil du temps, l’opérateur, qui fournit entre autres BNP Paribas, Groupama,EDF, OCDE et la Banque de France, a étendu les fonctionnalités de sa plate-forme en intégrant celles des sociétés qu’il a acquises. Comme le norvégien One Voice, le luxembourgeois Alarmtilt et le britannique Criticall. « Cela nous a conduits à refondre l’interface graphique de notre système qui était perçue comme trop complexe pour les utilisateurs sur PC », souligne Marc Rapilly, responsable commercial de la filiale française de F24.
Protection de l’information
Point important, les plates-formes de gestion de crise mettent l’accent sur la sécurité. « Tous nos échanges sont sécurisés et cryptés de A à Z. Nous avons soigné l’interface d’administration qui donne les droits et régule les accès des utilisateurs. Toutes les informations restent au sein de l’application et rien n’en sort, précise Benjamin Lamour, responsable grands comptes de Streamwide qui compte parmi ses clients le ministère de l’Intérieur, le GIGN, le RAID, la BRI, Enedis. Si un utilisateur perd le smartphone sur lequel est installée l’application ou si on le lui vole, l’administrateur peut le désactiver en temps réel désactiver l’accès à l’application et supprimer toutes les données. » La localisation des serveurs a également son importance. « A cet égard, nos serveurs sont chez le français OVH dont les Data Centers se trouvent à Roubaix, Strasbourg et Gravelines mais nous en avons aussi en secours chez Amazon Web Services (AWS) », précise Baptiste Maulion de Cedralis dont les clients sont, entre autres, le ministère de la Santé, un certain nombre de préfectures, des Sdis, des mairies mais aussi BASF France, Borealis ou Sanofi.
Continuité de service
Pour sa part, F24 architecture sa démarche sécuritaire notamment autour de la certification ISO 27001 pour la protection de données et d’ISO 22301 pour la continuité de service. « Cela permet de passer des contrats de garantie de service de disponibilité de 99,99 %, soit une interruption maximale de 42 minutes sur un an, assure Marc Rapilly de F24 dont les serveurs, les lignes télécoms et les serveurs de SMS sont hébergés en Allemagne dans trois Data Centers de Mnet et T System. En fait, sur les 12 mois écoulés, nous n’avons pas eu d’interruption. »
Gérer les interventions médicales
De son côté, la plate-forme Menkorn de la start-up française CrisiSoft, basée à Yzeure dans l’Allier, s’attache à raccourcir les délais d’intervention sur site de catastrophe faisant beaucoup de victimes et accélérer leur prise en charge médicale. « Ce système a été imaginé par mon frère, Davy, qui est médecin urgentiste et auditeur en management de crise à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), indique Loïc Murgue, directeur général. Il a constaté que les victimes souffraient d’attendre trop longtemps et que l’information les concernant ne circulait pas jusqu’à l’hôpital. » Première chose, sa plate-forme alerte tous les acteurs qui doivent intervenir (SDIS, préfecture, Samu, hôpitaux…) et liste tous les moyens disponibles : « Si l’hélicoptère du Samu 03 ne suffit pas, on peut demander par exemple au Samu 69. Ce dernier peut en suivre l’utilisation et le récupérer dès qu’il en a besoin pour, éventuellement, le remettre à disposition. Ainsi de suite, poursuit Loïc Murgue. De même, nous voyons en ligne l’actualisation si des lits d’hôpital que l’on réserve. »
Dès qu’un intervenant voit une victime, il lui pose un bracelet avec code barre. Il scanne ce dernier avec son application smartphone, renseigne si possible l’identité de la victime, décrit et localise à l’aide d’un mannequin virtuel ses pathologies et leur intensité puis il précise le degré d’urgence de la victime, par exemple « urgence absolue ». Ce dossier, généré automatiquement, permet de réserver un lit d’hôpital. « Avant de partir, les ambulanciers savent qui prendre en priorité, à quel endroit, quels équipements ils doivent embarquer et à quel hôpital conduire la victime », souligne Loïc. Si des médecins administrent des soins ou des médicaments, ils le renseignent sur l’application afin d’enrichir le dossier du patient et de prévenir l’équipe médicale de destination. » A la cellule de crise, un bilan consolidé indiquera le nombre de victimes, les modalités et l’avancement de leur prise en charge, leur affectation et les moyens engagés.
Erick Haehnsen
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