Investir sur le bien-être physique et mental des salariés est une affaire rentable pour les employeurs. Surtout si cette démarche s’inscrit dans le cadre de la RSE. De quoi séduire les nouvelles générations Y et Z.
Montée de l’absentéisme, des troubles musculosquelettiques (TMS), des risques psychosociaux (RPS) ou encore du turnover… autant de signes d’un mal-être au travail. Pour endiguer ces phénomènes, de plus en plus d’entreprises entament une démarche pour améliorer la Qualité de vie au travail (QVT). Selon la définition donnée par l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 intitulée Vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle, « la qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises ».
On comprend pourquoi, pour 73 % de Français, la QVT est aussi importante que le salaire, selon une étude menée par le cabinet Interface en 2019. Cette démarche peut s’avérer payante pour les employeurs car elle leur permet de conserver leurs collaborateurs en bonne santé et d’attirer de nouveaux talents.
235% de ROI selon Opinion Way
« En plaçant le bien être au cœur de leur vision, les entreprises ont obtenu +235% de ROI, selon une étude d’Opinion Way de 2018 », rapporte de son côté Cindy Dauvin. fondatrice et dirigeante de XXL Happyness, une entreprise spécialisée dans la QVT. Créée il y a deux ans l’entreprise propose à ses clients un ensemble d’actions (séances de sports, potagers d’entreprise, pauses gourmandes, etc) qui contribuent à améliorer le bien-être au travail. Les résultats de cette démarche peuvent d’ailleurs être mesurés grâce à un baromètre personnalisé.
Depuis 2019, la QVT fait partie des grands thèmes des négociations annuelles obligatoires (NAO). Mises en œuvre dans les entreprises de plus de 50 salariés, elles concernent aussi la rémunération et l’égalité femmes-hommes. Instaurer la QVT n’est pas nouveau pour les organisations qui s’intéressent à la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises). Rappelons que le mouvement en faveur de la RSE a pris son essor dans les années 1990. Selon We Can, un cabinet conseil spécialisé en RSE, cette démarche portée par la norme ISO 26 000 s’articule autour de sept piliers. Dont font partie l’environnement, les droits de l’homme, les relations et conditions de travail.
Miser sur la RSE pour séduire les générations Y et Z
Sur ce point, il s’agit pour l’entreprise de respecter l’intégrité de ses collaborateurs en favorisant les relations qu’ils entretiennent avec les autres en leur donnant les moyens pour effectuer leur travail tout en faisant progresser leur bien-être physique et mental. Ce pilier s’intéresse, entre autres, à la protection de la santé et de la sécurité des collaborateurs et à la qualité de vie au travail. « La demande en faveur d’entreprise socialement responsable est particulièrement forte du côté des générations X et Y (nées après 1980) », constate Marjolaine Devic, consultante en prévention santé et sécurité au travail. Le départ des Papy-boomers a mis un coup d’arrêt à la transmission des compétences. Cette rupture amène les jeunes à se construire différemment. Plutôt que d’avoir des salaires élevés, une voiture de fonction ou une grosse équipe à diriger, ils cherchent à privilégier leur bien-être. « Cela signifie qu’ils veulent être reconnus dans leur compétences, être autonomes et s’épanouir au travail », rapporte Marjolaine Devic.
Faire converger RSE et QVT
Cette recherche du bien-être va aussi amener les nouvelles générations à choisir leur nouvel employeur en comparant les politique santé, l’index égalité homme-femmes. Autant de sujets en lien avec la RSE et la QVT. D’où l’intérêt de faire converger ces deux démarches. Et ce d’autant qu’il existe déjà des formes de convergence, souligne Vincent Jacquemond, directeur de Secafi, un cabinet spécialisé dans l’expertise, l’assistance et le conseil auprès des CSE (Comité social et économique). « Nous voyons dans la norme iso 26000 des thèmes de RSE qui sont communs à la QVT, comme la gouvernance de l’organisation ou les relations et conditions de travail. Plus globalement une démarche RSE sincère peut participer, comme la QVT, à l’engagement des salariés et au sens qu’ils donnent à leur travail, », rappelle le directeur de Secafi. En faisant converger ces deux approches, les dirigeants vont contribuer à ce que les salariés se sentent bien et qu’ils participent à la performance économique et environnementale de l’entreprise.
Coconstruire les actions avec les salariés
Dans ce contexte, Vincent Jacquemond recommande aux entreprises de coconstruire les actions à mener avec les représentants du personnel et avec les salariés sachant qu’en général ils ont une bonne vision des axes d’amélioration. « Mais attention à ne pas vouloir fusionner les deux approches car le risque est d’avoir une qualité de vie au travail tronquée ou d’oublier les autres piliers qui constituent la démarche de la RSE », met en garde le dirigeant de Secafi.
Bien identifier les pistes de progrès
Dans cette perspective, Marjolaine Devic nous invite à prendre son temps et d’accepter de remettre à plat l’organisation de l’entreprise afin de comprendre son fonctionnement et voir comment l’améliorer tout en prenant en compte ces nouveaux enjeux. « Il faut du temps car cette démarche implique de mener de multiples actions. La difficulté est de bien identifier les pistes de progrès et d’être conscient qu’il va falloir maintenir les résultats dans le temps », souligne Marjolaine Devic qui suggère aux dirigeants de communiquer à toutes les étapes de la démarche. Mais comment faire converger RSE et QVT ? « Si on commence par la RSE, cela permet de se questionner sur les tous sujets d’un coup, de les relier et de donner une logique à la démarche », fait valoir Marjolaine Devic. En revanche, si on commence par la QVT on a déjà accompli 50 % du chemin.
ISO 26000 plus importante qu’ISO 9001
De son côté, Vincent Giraudeaux dirigeant Yseis, une PME de 90 consultants spécialisée dans le conseil en prévention observe que ses clients, essentiellement de grands groupes de l’industrie et du BTP, s’intéressent de plus en plus à la RSE. « Pour l’instant ils sont plus sur la QVT qui est la partie émergée de la RSE », explique le consultant qui constate que, pour ses clients, la norme ISO 26000 est devenue plus importante qu’ISO 9001. « Pour mettre en place cette démarche, il faut miser sur le dialogue qui doit être construit car chaque salarié a ses attentes, ne serait-ce que pour le télétravail où chacun a des conditions de travail différentes que l’employeur ne maîtrise pas », soulève Vincent Giraudeaux. Ce dernier recommande aux dirigeants d’expliquer en amont les objectifs visés, d’impliquer les salariés le plus largement et le plus tôt possible. Soit en communicant directement auprès d’eux, soit en s’appuyant sur des relais lorsqu’il s’agit d’une grande entreprise. « Il ne faut pas hésiter à effectuer des retours d’expérience », conseille le préventeur qui souligne le paradoxe de la situation. « On demande à la fois aux chefs d’entreprise d’être plus impliqués dans la QVT des collaborateurs et d’un autre côté, on leur oppose le droit à la déconnexion pour marquer la frontière entre vie professionnelle et vie privée », relève le consultant qui suggère aux dirigeants de mettre leur égo de côté et de faire preuve d’abnégation. Et ce, dans la mesure où les retombées seront multiples en termes de QVT mais aussi de performances, d’efficacité et de rentabilité.
Eliane Kan
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