Rejet, violence, discrimination, peur de la contagion, pitié ou simple gêne… les personnes souffrant de maladies psychiques ne laissent pas indifférent. Surtout lorsqu’il s’agit de travailler avec elles au quotidien. Or, pour ces personnes, le travail est un élément essentiel à leur réinsertion sociale ainsi qu’à leur rétablissement. En toile de fond, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la situation semblerait même bien plus urgente qu’il n’y paraît : un tiers de la population française en 2020 sera touchée au moins une fois dans sa vie par un trouble psychique (dépression, burn-out, bipolarité pour ne citer qu’eux). A cet égard, l’Institut Randstad et l’association Clubhouse France, qui a pour mission la réinsertion sociale des personnes souffrant de maladies psychiques, se sont alliés afin de publier un guide sur le sujet.
Détricoter les idées préconçues sur le handicap psychique
«La santé mentale est aujourd’hui un enjeu majeur des politiques de prévention des entreprises. Les troubles psychiques font peur parce qu’ils interrogent notre capacité à maîtriser notre comportement et nos actions. La stigmatisation des salariés souffrant de troubles psychiques s’ajoute à la trop longue liste des stéréotypes discriminatoires qu’il y a lieu de combattre en milieu professionnel. Et, malgré la reconnaissance juridique des maladies psychiques au titre du handicap, les mentalités peinent à évoluer. En cohérence avec les valeurs humaines d’égalité des chances portées par l’Institut Randstad, ce guide a l’ambition de déconstruire les préjugés liés aux maladies mentales, en donnant aux managers et aux équipes quelques clés à leur compréhension. Il fournit aussi des pistes permettant aux salariés en souffrance mentale de conserver ou retrouver une vie sociale et professionnelle digne », insiste Laurent Morestain, secrétaire général du groupe Randstad France et président de l’Institut Randstad.
« Il est important de rappeler qu’une personne en situation de handicap psychique ne se réduit pas à sa maladie ! Chacun a des talents qui peuvent s’exprimer si l’opportunité se crée. Pour cette raison, le guide que nous présentons à l’occasion de Journées européennes contre la dépression (du 21 au 27 octobre) ambitionne d’accompagner les salariés et les responsables d’entreprises à porter un nouveau regard sur les personnes souffrant de troubles psychiques. Un regard de compréhension, d’encouragement et de reconnaissance des talents et de la profondeur personnelle de chacun », poursuit Céline Aimetti, déléguée générale de l’association Clubhouse France.
Entre précarité et exclusion
De nos jours, selon le guide, plus de 2 millions de personnes en France ont été diagnostiquées comme souffrant d’un sévère trouble psychique. Sans compter la menace qu’une personne sur 3 en souffrira au moins une fois au cours de sa vie. Ces chiffres illustrent bien tout l’enjeu social à venir. D’autant que les conséquences entraînées par un trouble psychique (perte d’autonomie, exclusion, marginalisation..) sont extrêmement graves puisqu’elles peuvent même entraîner la personne jusqu’au suicide. N’oublions pas que selon l’Institut français des fondations de la recherche et de l’enseignement supérieur (Iffres), un suicide aurait lieu en France toutes les 40 minutes !
En témoigne la cruauté et l’intolérance qui se dégagent derrière les chiffres de l’étude d’Ipsos en 2014 à la demande de la Fondation fondamentale et du groupe de protection sociale Klesia : pour les 3/4 des Français, un malade psychique est une personne dangereuse. Plus d’un Français sur deux serait même gêné à l’idée de partager son toit avec une personne ayant une maladie psychique. Pire encore, 1/3 des Français éprouve des réticences à l’idée même de travailler dans la même équipe et de partager son repas avec une telle personne. Et pourtant, en réalité, moins de 1% des crimes sont commis par une personne souffrant de troubles psychiques. D’ailleurs, aucune corrélation entre diagnostic psychiatrique et passage à l’acte violent n’a pour l’heure été prouvée scientifiquement.
Sensibilisation et dispositif de prévention en interne
Pour mieux défaire les tabous, tout doit commencer par une démarche de sensibilisation et d’information en entreprise contre la stigmatisation professionnelle. Selon le guide : « Mieux informées, les personnes seront ainsi en mesure de dissiper leur perception négative et de combattre les préjugés. » Ensuite, l’ouvrage recommande de repenser le cadre du travail par des dispositifs de prévention. Et ce, en aménageant des postes adaptés aux personnes souffrant de handicap mental. Par exemple en définissant un rythme de travail, avec des ajustements d’horaires, ou encore un temps partiel. Il s’agirait aussi de mieux définir l’environnement professionnel en attribuant selon la situation soit un bureau individuel soit un bureau en Open Space soit encore les conditions du télétravail, avec un niveau sonore ou une luminosité personnalisés. Cela pourrait aussi passer par encourager les relations interpersonnelles avec la personne, par exemple en favorisant le travail en équipe ou au contraire, en suggérant plus d’autonomie.
Nommer un référent
Selon les situations, le document préconise de désigner une personne référente destinée à devenir l’interlocuteur principal entre la personne et les autres membres du personnel. Notons que ce rôle est primordial mais pas suffisant. Il nécessitera en complément l’intervention d’acteurs extérieurs à l’entreprise afin de conserver l’équilibre émotionnel de la personne. Quoi qu’il en soit, le guide insiste sur l’importance de stimuler, de provoquer l’échange avec la personne, et bien sûr, de l’encourager à un suivi médical. Enfin, l’ouvrage souligne l’importance de acteurs internes et externes à l’entreprise pour le rôle qu’il auront à jouer dans la mise en place d’un dispositif d’intégration. Avec pour principal enjeu la qualité du dialogue entre les différents interlocuteurs et la personne concernée. Bienveillance et empathie y seraient de mise.
Ségolène Kahn
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