Odeurs nauséabondes, déchets, eaux croupies, bactéries en tous genres… Le métier de ces égoutiers qui oeuvrent dans l’ombre de nos sous-sols figure parmi les plus insoutenables. Avec une surmortalité particulièrement élevée (25% selon un rapport de l’INRS en 2004), liée à des maladies digestives et à des cancers, les enjeux sanitaires sont plus que jamais importants pour ces travailleurs d’égouts. A ce titre, et au terme d’une longue investigation, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) vient de publier une campagne de mesures menée de mars 2015 à juin 2016, visant à obtenir des données microbiologiques sur l’atmosphère des égouts.
Endotoxines et flores microbiennes
L’Anses n’en est pas à son premier coup d’essai. En juin 2016, l’agence publiait un rapport dénonçant la nocivité à long terme sur la santé des employés exposés à de nombreux agents chimiques et biologiques présents dans l’air ou dans l’eau, par inhalation de gaz, de vapeurs ou d’aérosols, par contact cutané ou encore par ingestion. Mais ce n’est qu’au bout d’un an d’analyses que l’agence a pu fournir des données précises sur ces agents toxiques. Les résultats de cette enquête confirment que « le réseau de collecte dans lequel évoluent quotidiennement les égoutiers est un milieu insalubre » En cause, des concentrations élevées, « parfois préoccupantes », d’endotoxines et de flores microbiennes (dont Aspergillus Flavus) importantes dans l’air des égouts. Certaines opérations exposant particulièrement les égoutiers à ces agents bactériologiques. Notamment lors des travaux d’extraction de bassin de dessablement ainsi que de nettoyage à haute pression.
Ventiler les réseaux
Face à cette catastrophe sanitaire, l’Anses a publié une série de recommandations visant à limiter les risques pour la santé des égoutiers. Première urgence : repérer les circonstances les plus risquées, « en analysant et cartographiant les différentes situations de travail, de manière à prioriser et adapter les mesures de prévention à mettre en place ». Le but étant que des démarches pour caractériser la nature des agents pathogènes et des risques biologiques (infectieux, immuno-allergiques, toxiniques et cancérogènes) soient délivrées pour chaque situation de travail. Face à de telles concentrations de polluants chimiques et microbiologiques, « il est nécessaire que les travailleurs au contact des eaux usées puissent a minima avant toute descente dans le réseau, ventiler de façon naturelle ce dernier », martèle l’Anses. Voire d’installer un dispositif de ventilation mécanique par soufflage d’air neuf en ce qui concerne les tâches réalisées dans des ouvrages fixes.
Equipements de protection
Au niveau du management des équipes, l’agence propose des mesures organisationnelles chargées de réduire les expositions. A commencer par une meilleure coordination des équipes qui permettrait « d’éviter la coactivité au même endroit dans le réseau de collecte ». Mais aussi en augmentant la fréquence du curage afin de baisser les niveaux en microorganismes et en endotoxines. En guise de protection, le port d’EPI semble indispensable afin de protéger les égoutiers. Toujours est-il que l’agence précise que ces équipements de protection individuelle ne doivent pas non plus surexposer les égoutiers à d’autres risques, avec « l’utilisation d’un appareil de protection respiratoire pouvant par exemple gêner la communication indispensable entre les égoutiers pour prévenir d’un danger potentiel ». L’agence ajoute que ces équipements doivent également être « portés et changés selon les recommandations du fabricant, régulièrement nettoyés et entreposés en dehors des ateliers, si possible dans des locaux spécifiques ». Enfin, l’Aneses demande la mise en place de campagnes de sensibilisation auprès des acteurs notamment du BTP et de la restauration, afin de les informer de l’impact des rejets et déversements de déchets de chantier dans les égouts.
Ségolène Kahn
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