Les enjeux de la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP) gagnent du terrain. A commencer, suite aux amendements du député PS Benoît Hamon rejetés en mai dernier, par la reconnaissance du burn out qui devrait aboutir dans l’année à des projets de texte sous l’égide du premier secrétaire du PS, Jean Christophe Cambadélis. Ces enjeux trouvent aussi un écho dans le récent projet de loi porté par le ministre du Travail François Rebsamen qui soulève le mécontentement du patronat au sujet du compte pénibilité. Dans ce contexte, et à l’instar de la réforme sur les AT/MP du 1er janvier 2010, une étude a été réalisée sur l’état des pratiques des entreprises en matière de gestion des AT/MP, durant la période d’avril à juin 2015 sur un échantillon de 200 entreprises de plus de 50 salariés en France. Menée par un cabinet de conseil opérationnel en gestion des risques professionnels, Atequacy, et par un cabinet d’avocats experts en droit social, Singer Avocats, cette étude fait figure de baromètre de la gestion des AT/MP. On y observe que l’information sur les risques psycho-sociaux a eu un effet concret sur les entreprises, que les procédures administratives en matière d’AT/MP sont mieux connues et mieux appliquées. En revanche, on apprend aussi qu’une meilleure formation des salariés à la sécurité au travail permet de réduire les risques.
Tout d’abord, cette étude fait état d’une prise de conscience des entreprises vis-à-vis des différences entre un arrêt maladie classique et un AT/MP depuis cette année. Ainsi la majorité des dépressions au travail débouchaient-elles l’année dernière sur un arrêt maladie classique alors que, cette année, 40% d’entre elles ont occasionné la déclaration d’un accident du travail ou de maladie professionnelle. Ce qui pourrait s’expliquer par une augmentation des condamnations d’entreprises pour faute inexcusable suite à un AT/MP. Quoi qu’il en soit, il est certain que l’information sur les risques psycho-sociaux n’est plus sans incidence pour l’entreprise. De même, la connaissance des procédures applicables est meilleure. Il faut savoir qu’il a fallu quatre ans aux entreprises pour s’approprier et maîtriser les principes de la réforme sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Entrée en vigueur le 1er Janvier 2010, cette réforme a pour objectif de réduire le nombre de contentieux initiés par les employeurs, de simplifier la tarification des risques professionnels et d’inciter les entreprises à s’engager dans une démarche préventive et réactive.
Cela implique une bonne connaissance des risques, des démarches administratives et une prise de conscience de l’importance des conséquences des facteurs psycho-sociaux. A ce niveau, les entreprises françaises sont meilleures élèves que l’année dernière. Par exemple, une entreprise sur deux déclare maîtriser chaque étape de la procédure menée par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), une légère progression comparée à l’année dernière. Seules 7% d’entre elles reconnaissent ne pas parfaitement maîtriser ces procédures contre 11% en 2014. Près d’une entreprise sur deux émet systématiquement des réserves motivées lorsqu’elle estime que l’AT/MP n’est pas lié au travail alors qu’elles étaient représentaient un tiers en 2014. Mais la progression la plus visible se situe au niveau des mécanismes de tarification. En effet, les deux tiers des entreprises maîtrisent ces démarches alors qu’elles ne représentaient qu’un tiers en 2014. Même si 41% éprouvent plus de difficultés à compléter le questionnaire de maladie professionnelle, contre 33% en 2014.
Face à cette situation, il n’est pas aisé de bien cibler et de prouver au niveau administratif qu’un cas de trouble psychosocial résulte d’une situation de malaise professionnel. « La question des risques psychosociaux comme maladie professionnelle doit nécessairement faire l’objet d’un encadrement. Les demandes se multiplient en dehors de tous critères de reconnaissance. A l’heure où cette question semblait être enfin débattue au Parlement, les sénateurs l’ont tout simplement supprimée du projet de loi », déplore le directeur gestion des risques professionnels chez Atequacy, Nicolas Delannoy. « Idéalement, le projet de loi Rebsamen devrait imposer que chaque étape de la procédure de reconnaissance de la pathologie d’épuisement professionnel soit véritablement contradictoire. L’employeur devrait être ainsi convoqué à chacune d’entre elles », développe son collaborateur, l’avocat du cabinet éponyme, Franck Singer.
Néanmoins, il résulte de l’étude qu’une des solutions aux problèmes d’accidents du travail serait de bien former les salariés à la sécurité et à la santé au travail. Ici les chiffres sont parlants. Alors qu’elles étaient 53% en 2014, seules 10% des entreprises du panel d’aujourd’hui ont été confrontées à un accident du travail lorsque le salarié n’utilisait pas les équipements de protection individuelle mis à sa disposition. Ce qui sous-entend une meilleure connaissance des risques d’accident de la part des salariés. De fait, les sanctions appliquées par l’employeur en 2015 ont été plus fréquentes et plus sévères. Quant à la proportion d’entreprises qui remplacent le collaborateur victime d’AT/MP, elle est passée de 77% en 2014 à 35,5% en 2015, soit une diminution de moitié. Enfin, les reclassements suite à un accident du travail ou maladie professionnelle restent toujours aussi peu nombreux, les possibilités de reclassement étant souvent limitées…
Ségolène Kahn
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