Interview de Didier Baptiste, directeur scientifique de l'INRS, en charge de la politique de recherche de l'institut qui regroupe 600 personnes dont 300 chercheurs et techniciens à Nancy.
Sur quels domaines phosphorent vos chercheurs ?
Notre centre de recherche basé à Nancy couvre tous les aspects de la prévention des risques au travail qu’ils soient physiques, chimiques et psychosociaux. Nous menons notamment des recherches sur l’exposition des salariés aux rayonnements, aux produits chimiques ou encore au bruit. A titre d’exemple, nous avons inventé un système qui localise la source de bruit dans une salle afin de lutter contre cette nuisance. Dans le même esprit, nous avons conçu un autre équipement qui cartographie les polluants dans un atelier de manière à isoler les sources de pollution et les traiter.
L’INRS a initié il y a une quinzaine d’années des recherches afin d’étudier les effets des nanoparticules sur la santé des utilisateurs. Où en êtes vous ?
Les nanoparticules comptent parmi nos sujets prioritaires, sachant qu’elles concernent en France au moins une dizaine de milliers de salariés qui les produisent ou les utilisent. Une trentaine de chercheurs et de techniciens travaillent sur cette question. Nous avons d’ailleurs inventé, conçu et développé en interne un banc de tests unique en Europe qui va être dupliqué de manière à être utilisé par nos homologues allemands, danois, etc. La particularité de Caiman, du nom de l’équipement, est de générer des aérosols de nanoparticules (NDLR : particules suspendues dans l’air ambiant). Nous avons démarré avec le dioxyde de titane, la silice et les nanotubes de carbone qui comptent parmi les produits les plus couramment utilisés.
Quel est l’intérêt d’un tel équipement ?
L’objectif est de caractériser les propriétés des nanoparticules, d’étudier leur dangerosité et de développer des systèmes de protection adaptés. Nous serons ainsi en mesure d’indiquer aux entreprises quelle est la quantité de nanoparticules tolérable dans un atelier et à leur donner des consignes de prévention. Nous nous appuyons d’ailleurs sur les Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) afin de faire des tests chez les producteurs et les utilisateurs. A l’avenir, les préventeurs disposeront d’appareils portables et précis pour mesurer les nanoparticules en suspension dans les ateliers. Ils sauront exploiter les résultats afin d’évaluer les risques auxquels les salariés sont soumis.
Vous déposez chaque année des brevets. En quoi consiste votre politique en matière de licences d’exploitation ?
Chaque année nous déposons en moyenne deux brevets. Le dernier en cours d’étude concerne un indicateur de durée de vie des cartouches pour les masques de protection. Il s’agit d’un système adaptable sur la plupart des produits du marché. Il repose sur des capteurs et des diodes qui indiquent l’état de saturation des filtres et prévient les salariés quand ils ne sont plus efficaces. A l’heure actuelle, ce dispositif en est au stade de prototype. Si une entreprise souhaite l’industrialiser, il lui faudra contacter notre service de valorisation qui lui accordera, sous certaines conditions, le droit d’exploiter le brevet à titre gratuit. En tant qu’organisme public financé par les cotisations patronales, nous ne demandons pas de royalties car notre vocation est de travailler pour le bien public. Nous avons par exemple cédé le droit d’exploitation d’un brevet portant sur un appareil qui diagnostique et quantifie la fatigue auditive avant qu’une perte de l’audition s’installe. Le produit vient d’être lancé sur le marché sous le nom d’Echoscan.
Propos recueillis par Eliane Kan
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