Plus précoces, plus pertinents, mais aussi modulables et mieux adaptés à leurs milieux pour bien différencier une fausse alarme d’un vrai incendie, les systèmes de détections s’affinent.
Dans le secteur de la détection incendie, le marché très réglementé et normé oscille entre les nouvelles fonctionnalités, une tendance à s’affranchir des alarmes injustifiées et une meilleure sensibilité des capteurs. En cette rentrée 2014, une des principales actualités réglementaires réside dans l’interdiction, à terme, des détecteurs de fumée à chambre d’ionisation (DFCI).
Si ces appareils sont efficaces, ils devront être progressivement démantelés et détruits selon des procédures sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) car leur chambre d’analyse contient une source de radioactivité.
Inventaire pour fin 2014.L’arrêté ministériel du 18 novembre 2011, paru au Journal officiel le 3 décembre 2011, impose aujourd’hui le recensement de tous ces détecteurs avant leur retrait progressif et leur remplacement. Ou bien leur reconditionnement dans l’attente de leur retrait, le tout étant réglementé par l’ASN.
De nombreux professionnels du secteur, agréés par l’ASN, aident ainsi les Établissements recevant du public (ERP) et les industriels à préparer au mieux cette mutation technologique en les assistant, notamment, sur le recensement de l’ensemble de leurs installations à chambre d’ionisation. Détail important, cet inventaire doit être communiqué à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avant le 31 décembre 2014. Bref, ça urge !
Éviter le reconditionnement des DFCI. Pour Christophe Bonazzi, directeur général de Finsecur, cette migration est ce qui occupe principalement les exploitants, les professionnels de la maintenance et les fabricants comme les installateurs.
« Fin 2017, il sera interdit d’utiliser, et même de détenir des DFCI, précise-t-il. Une dérogation sera possible pour les établissements ayant établi un plan de migration et dont leurs détecteurs ioniques seront passés par une phase de vérification et de reconditionnement. Mais nous déconseillons ce reconditionnement initial car il consiste à reculer pour mieux sauter puisqu’il faudra finir par changer de technologie, Cette solution est souvent plus coûteuse que de remplacer immédiatement les DFCI par d’autres détecteurs optiques. »
Finsecur est un fabricant de dispositifs de détection incendie dont le groupe emploie 250 salariés pour un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros. La fin de l’année sera pour lui l’occasion de présenter un nouveau service très pratique pour les dispositifs complexes.
Alors que le groupe réalise de grandes installations en Île-de-France, dont un bâtiment d’Airbus Group avec plus de 3.000 détecteurs, il s’apprête à lancer une nouvelle gamme de matériels de détection incendie dont une des spécificités consiste à disposer d’un socle universel.
Ce socle unique permettra de connecter différentes technologies à la fois : détecteurs, mais aussi alarmes sonores, flash visuels… Le fabricant français mise également sur des systèmes modulaires plus faciles à combiner entre eux et à faire évoluer en fonction des besoins.
S’affranchir des saignées dans les murs. Autre tendance du marché de la détection, les transmissions radio sont de plus en plus souvent sollicitées par les clients. Avec la nouvelle norme EN54-25, les communications sans fils se révèlent fiables et apparaissent bien réglementées dans les dispositifs incendie. En effet, cette norme autorise à s’affranchir de câbles pour établir des échanges d’information entre les détecteurs et la centrale de détection incendie.
« Les premiers systèmes de détection incendie par ondes radio électromagnétiques certifiés sont apparu en 2009. Depuis lors, ils se sont développés, souligne Bruno Petit, chef de service du laboratoire électronique incendie du Centre national de prévention et de protection (CNPP) qui certifie les équipements sous la marque NF de l’Association française de normalisation (Afnor) pour tout ce qui concerne la sécurité incendie. Cette technologie évite les câbles apparents dans des ERP comme les hôpitaux ou les musées. Elle simplifie aussi l’installation des dispositifs. »
En effet, la norme facilite le déploiement des équipements de détection incendie car les installateurs n’ont plus besoin de creuser des saignées dans les murs et plafonds pour laisser passer des câbles. Dans d’autres pays européens, l’installation de systèmes de sécurité incendie utilisant les transmissions radio dans les bâtiments est bien plus développée que chez nous.
A côté du sans fils sécurisé, émergent les systèmes adressables au sein des Systèmes de sécurité incendie (SSI). « Avec ces systèmes, on arrive à localiser très précisément une alerte incendie alors qu’il y a plusieurs capteurs sur différents niveaux du SSI, explique Fabrice Morton, responsable marketing produits chez Ura, spécialiste de la gestion durable de la sécurité (groupe Legrand). C’est pourquoi l’on observe de fortes demandes pour ce type d’installation. »
Différencier finement ce qui est détecté. Selon les spécialistes, on observe également la montée en puissance des dispositifs de haute sensibilité. Avec ces détecteurs, l’air est aspiré et filtré pour en éliminer les particules dues à l’activité industrielle ou technologique de l’environnement. L’air passe ensuite par une chambre d’analyse optique qui va déterminer ou non la présence des phénomènes caractéristiques propres à la fumée d’incendie.
Dans des milieux industriels dégageant de nombreuses particules, ces détecteurs sont particulièrement précieux car ils savent différencier la pollution industrielle d’une éventuelle fumée due à un départ de feu. Ils évitent ainsi des alarmes non justifiées propres à des détections optiques classiques.
« Ces détecteurs intelligents sont également très indiqués en cas de besoins de très grande précocité de détection, souligne Bruno Petit du CNPP. Des besoins que l’on observe dans les salles blanches ou les data center qui réunissent des équipements de grandes valeurs dans de petites surfaces et pour lesquels il s’agit de réduire le risque au minimum. »
Systématiser la lutte contre le CO. Le CNPP évoque aussi de plus en plus de capteurs de monoxyde de carbone (CO) sur les dispositifs SSI. Initialement dédiées aux installations domestiques, ces capteurs commencent à se développer également dans les ERP et les milieux industriels.
« C’est l’une des technologies que l’on voit le plus se développer sur le marché, observe Emmanuel Gabreau, en charge du marketing produit de détection incendie chez Siemens. Le capteur de monoxyde de carbone est associé aux autres capteurs thermiques et optiques pour contribuer à la prise de décision d’une alarme feu avéré. Le CO est souvent présent avant les premières particules de fumée. Mais les normes concernant ces détecteurs n’ont pas encore été publiées. »
Selon les observations de Siemens, les exploitants de site exigent désormais que les alertes incendie soient avérées. C’est pourquoi les systèmes de détection doivent être toujours adaptés au risque à surveiller et évoluer en cas de modification du risque ou de l’environnement. D’où l’intérêt de détecteurs comme les Sinteso du fabricant allemand. Car ils utilisent des algorithmes intégrés à la détection incendie, en l’occurrence l’ASAtechnology. Ces algorithmes analysent les composantes transmises par les différents capteurs, les comparent aux valeurs modèles pour évaluer au mieux le niveau de danger réel en fonction des influences ambiantes (vapeur de stérilisation, gaz d’échappement de véhicule d’intervention…).
Traitement du signal sophistiqué. « Ce traitement du signal assure une grande fiabilité de détection et une protection contre les alarmes injustifiées, estime Emmanuel Gabreau. Cette technologie nous permet de proposer un « contrat d’alarme authentique », soit une garantie de remboursement des dégâts causés par les alarmes injustifiées, celui de l’intervention technique (pièces et main d’œuvre) et la remise en état de l’installation dans la limite d’une annuité du contrat. » Enfin, concernant les alarmes, la parution de la norme EN54-23 ouvre désormais la voie à la validation des dispositifs de flash lumineux installés en complément des dispositifs sonores pour alerter les personnes sourdes ou malentendantes.
Florence Pinaud
Extrême complexité du contexte réglementaire
Michel Garcin est architecte – urbaniste et président de l’Agrepi, association des ingénieurs et cadres spécialistes de la maîtrise des risques agréés par le CNPP. Il regrette qu’un manque de cohérence des textes parfois contradictoires génère de réelles difficultés sur site lors de l’exécution des travaux.
« Les ERP, comme les bâtiments industriels ou tertiaires, relèvent généralement de différentes réglementations suivant les zones qui reçoivent ou non du public, abritent du patrimoine ou génèrent des risques. Aujourd’hui, l’extrême complexité du contexte réglementaire et du contexte technique qui s’impose dans tous les domaines du bâtiment, y compris dans celui de la sécurité, entraînent parfois des procédures très difficiles à mettre en œuvre. Devant l’absence de réflexion globale des partenaires sur le sujet, le marché se voit inondé de normes et de textes parfois contradictoires pour un même chantier.
« Paradoxalement, nous n’avons jamais disposé d’autant de matériels de bonne qualité. Mais leur installation et leur entretien connaissent parfois des défaillances. La complexité des règlements imposerait le recours à des corps de métier très bien formés. Ce qui n’est pas toujours le cas, les budgets globaux des chantiers (études, travaux et maintenance) étant souvent insuffisants. Rappelons enfin le rôle clef de l’encadrement sur les chantiers (entreprises et maîtrise d’œuvre), souvent mieux pris en compte chez nos voisins européens et anglo-saxons. »
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