Malgré un recours encore vraisemblablement massif au télétravail, le ministère du Travail indique les règles à suivre dans son « Protocole de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés ». Au menu, pas de masques ni campagne de dépistage mais une jauge de 4 m² par personne.
Avec un document de référence, publié ce 3 mai, le ministère du Travail indique les mesures de déconfinement. En une vingtaine de pages, ce protocole fournit un précieux cadre de travail. Mise en place dans chaque organisation, la démarche de déconfinement établit trois priorités. À savoir éviter les risques d’exposition au virus. Puis, évaluer les risques qui ne peuvent être évités. Et enfin privilégier les mesures de protection collective par rapport aux protections individuelles.
Un complément aux guides
« La reprise essentielle de l’activité doit nécessairement s’articuler avec la protection des salariés », a justifié le ministère du Travail. Ces règles « transverses », qui s’appliqueront à « tous les secteurs », viennent en complément des guides déjà disponibles sur le site du ministère. Lesquels détaillent les mesures d’hygiène métier par métier.
Télétravail encore massif
Interrogée lundi 4 mai sur franceinfo, Muriel Pénicaud estime qu’un télétravail massif aura lieu au moins jusqu’à cet été. Pour la ministre du Travail, « on organise la reprise du chemin vers le travail. Mais pas à n’importe quelles conditions. Et on ne va pas travailler comme avant pour un moment. » Pour réussir le déconfinement, le télétravail est un maillon crucial. « Je crois qu’il y a aujourd’hui cinq millions de Français qui travaillent en télétravail. Certains le faisaient déjà un peu et le font maintenant beaucoup. Dans le contexte du déconfinement progressif, il est important que ceux qui télétravaillent continuent à le faire. Afin d’éviter d’être trop nombreux sur le lieu de travail. » La ministre invoque aussi les règles qui régissent le télétravail.
Du reste, le Premier ministre, Édouard Philippe, appelle toutes les entreprises qui le peuvent, à maintenir leurs salariés en télétravail. Au moins pour les trois prochaines semaines à venir. « Pour les personnes qui ne pourront pas télétravailler, la pratique des horaires décalés dans l’entreprise doit être encouragée » a-t-il précisé durant la présentation de son plan de déconfinement. Une mesure qui pourrait concerner tout particulièrement les salariés qui n’ont pas à prendre les transports en commun. Ou pour lesquels le confinement a engendré une souffrance, rapporte France Bleu.
Éviter d’être trop nombreux au même endroit
« Depuis les ordonnances Travail de 2017, le télétravail est un droit du salarié. Donc, le salarié peut demander à rester en télétravail. Néanmoins, l’employeur peut lui demander de venir si c‘est pour des raisons de service. » À condition d’expliquer pourquoi il ne peut faire autrement. Dans la pratique, l’immense majorité des salariés qui télétravaillent vont poursuivre le travail distant. Pour Muriel Pénicaud, l’idéal est que les salariés viennent par rotation. Pas tous en même temps. « Là aussi, pour éviter d’être trop nombreux en même temps dans les transports ou sur le lieu de travail. »
4 m² par personne
De fait, le protocole passe au crible les mesures de gestes barrières et de distanciation sociale. Sur l’avis du Haut conseil de la santé publique, chaque salarié devra occuper en permanence 4 m². Soit une distanciation minimale de 1 m dans les toutes les directions. En clair, seules deux personnes pourront se tenir dans un ascenseur de 8 m². Dans un open-space de 700 m², on trouve en moyenne 50 bureaux de 2 m² de surface chacun. Chaque poste nécessitera alors 2 m² au sol supplémentaires pour que le salarié puisse vaquer normalement à ses occupations.
Il faudra déduire les armoires de vestiaires et de dossiers qui comptent pour 1,5 m² par bureau. Par ailleurs, cet open-space peut comporter une salle de réunion de 100 m². Ainsi que trois petites salles d’isolement de 30 m² chacune. De plus, la surface dédiée aux circulations est généralement de 100 m². La surface résiduelle sera donc de 135 m². La jauge maximale est donc égale à 33 personnes. Il faudra donc organiser le travail pour que cet open-space n’accueille, non plus 50 salariés comme auparavant. Mais seulement 33 personnes au maximum.
Gestion des flux de personnes par goulet d’étranglement
L’accessibilité du lieu de travail conditionne l’ensemble du processus de gestion des flux. Illustration avec le siège d’une entreprise en immeuble de grande hauteur (IGH). Pour respecter les distanciations physiques, les trois cabines d’ascenseur ne transportent que deux personnes. Cette contrainte conditionne l’organisation : horaires, début de réunion pour avoir le temps de rejoindre le lieu de la réunion… Il faudra donc identifier toutes les phases du processus d’arrivée dans l’entreprise pour prévenir les goulets d’étranglement. Les mêmes questions se posent pour quitter l’entreprise. Chaque étape du processus de sortie devra prévenir les risques de rupture de la distanciation physique.
EPI et protections collectives
Par ailleurs, selon la ministre, les équipements de protection individuelle sont un complément aux mesures de protection collectives. Elles ne sauraient s’y substituer. Ainsi, on ne préconise les masques individuels que si l’on ne peut garantir la distanciation sociale d’un mètre. En outre, le protocole précise que l’employeur n’a pas l’obligation de fournir des masques FFP2 ou chirurgicaux. Lesquels « sont destinés aux professionnels médicaux ». Quant aux masques FFP1 et aux masques grand public, ils sont jugés suffisants. Reste que l’employeur doit s’assurer de leur bonne utilisation. Or le fait d’équiper son personnel en équipements de protection ne l’exonère pas de son obligation de réorganiser le travail. Pour leur part, les gants sont tout simplement déconseillés. En effet, ils se révèlent « vecteurs de transmission ». Sauf s’ils sont nécessaires à l’exercice d’un métier spécifique.
Gel hydroalcoolique en libre service
Côté sanitaire, les entreprises devront veiller à la désinfection des locaux, toilettes et poignées de porte. Et ce, plusieurs fois par jour. Pour plus d’hygiène, les portillons de sécurité devront être condamnés et du gel hydroalcoolique mis en libre service. Un marquage au sol pourrait participer à une meilleure circulation. Enfin, il faudra ouvrir régulièrement les fenêtres pour aérer les pièces. Au moins 15 minutes trois fois par jour.
Les campagnes de dépistage interdites
Certaines entreprises organisent des campagnes de dépistage du Covid-19 en prenant la température des salariés. Ce que déconseille le ministère du Travail. De fait, la fièvre n’est pas toujours signe de la maladie. De plus, elle peut aussi être masquée par une prise de médicament. L’autosurveillance par chaque salarié est bien plus efficace. D’ailleurs, le protocole interdit les campagnes de dépistage du personnel.
Ségolène Kahn et Erick Haehnsen
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