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Santé et qualité de vie au travail

De nouveaux décrets pour rendre le compte personnel de prévention de la pénibilité pleinement effectif

Créé par la loi du 20 janvier 2014 sur l'avenir et la justice du système de retraites et mis en place depuis le 1er janvier 2015, le compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP) a vu son dispositif simplifié par la loi du 17 août 2015. Il vient d'être complété par les décrets du 31 décembre 2015 indiquant les six derniers facteurs de pénibilité qui seront suivis à partir du 1er juillet prochain.

Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, et Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, saluent la publication au 31 décembre 2015 d’une série de textes qui parachèvent la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP). Créé par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites et mis en place depuis le 1er janvier 2015, ce compte constitue, aux yeux du gouvernement, une mesure forte de justice sociale qui permet de prendre en compte une des inégalités les plus criantes entre salariés : l’espérance de vie plus ou moins longue des salariés en fonction des travaux et des tâches qu’ils auront effectués au cours de leur carrière.
De son côté, la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi avait simplifié le dispositif du CPPP. En effet, elle avait pour but de faciliter l’application effective du compte pénibilité dans les entreprises en prévoyant notamment la suppression de la fiche individuelle de suivi de l’exposition à la pénibilité. Et ce, au profit d’une approche plus collective, à travers des référentiels de branche, sortes de modes d’emploi donnés aux entreprises pour suivre l’exposition des salariés. Les décrets d’application du 31 décembre 2015 tirent les conséquences de ces simplifications. Grâce à eux, les six facteurs de risque (postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes, bruit) qui ne sont pas encore suivis pourront l’être à compter du 1er juillet 2016. Les salariés se verront alors reconnaître des droits au titre de toute l’année 2016. Ces textes précisent également le fonctionnement opérationnel des points pour les salariés. Menées par les partenaires sociaux, les concertations sur ces textes avaient permis de prendre en compte plusieurs ajustements demandés sur la définition des seuils de pénibilité. Désormais, il appartiendra aux organisations patronales de branche de se saisir de ces dispositions pour mener à bien l’élaboration des référentiels de branche, permettant aux entreprises de tirer pleinement profit des marges de souplesse ouvertes par la loi du 17 août 2015.
On s’en doute, il s’agit d’un enjeu stratégique pour les entreprises et pour les salariés. A cet égard, le gouvernement annonce vouloir organiser un suivi approfondi de la mise en œuvre du CPPP en y associant étroitement les représentants des entreprises et des salariés. Ce suivi devrait identifier les difficultés éventuellement rencontrées et valoriser, voire diffuser les bonnes pratiques répertoriées dans les travaux menés dans certaines branches. « Il permettra également de s’assurer d’une part de l’impact de la mise en œuvre du CPPP sur les démarches de prévention et, d’autre part, de sa bonne insertion parmi les dispositifs existants de cessation anticipée d’activité », lit-on dans un communiqué des deux ministres.
Comme on pouvait s’y attendre, les nouveaux décrets cristallisent le mécontentement des organisations patronales et salariales. A commencer par le Medef qui estime qu’il est « encore temps d’éviter une erreur économique historique » et dénonce un dispositif « des plus complexes et antiéconomiques imaginés depuis la mise en place des 35 heures [qui] va sans aucun doute accélérer les destructions d’emplois ». Même son de cloche du côté de la CGPME qui « condamne sans réserve ce texte ». Pour sa part, Force ouvrière avait déjà voté contre le projet d’arrêtés : « Non seulement ils ne rectifient pas les insuffisances des décrets de l’année dernière mais, pire, ils les renforcent, estime le syndicat. En effet, ces derniers relèvent certains seuils d’exposition qui durcissent donc l’entrée des travailleurs exposés au sein du dispositif  »pénibilité ». Le CPPP tel qu’imaginé par les projets d’aujourd’hui ne compense pas les conditions de travail difficiles : les salariés usés et dont la santé a été dégradée directement par le travail ne jouiront pas d’une retraite décente : le dispositif échoue. »

Erick Haehnsen

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