Forte d'une vingtaine de personnes, la société Tricky est spécialisée dans les Escape Game (en français jeu d'évasion) au service de la prévention des risques. Créée en 2017, l’entreprise compte aujourd'hui une dizaine de jeux à son actif et une centaine de clients. Interview de David Labrosse, médecin en santé publique et fondateur de la startup.
David Labrosse, médecin en santé publique et dirigeant fondateur de Tricky. © Tricky
En tant que médecin, comment en êtes-vous arrivé à concevoir et développer des Escape Games ?
Dans le cadre de ma thèse en santé publique consacrée à la « Gamification du jeu dans la thématique santé », j’ai travaillé avec l’unité mixte de recherche (UMR 1219) de l’Inserm et de l’université de Bordeaux. Nous avons utilisé l’Escape Game de façon méthodologique pour en faire un premier outil de prévention. Il s’agissait d’un jeu consacré aux troubles dépressifs qui a été testé par des étudiants. La couverture médiatique qui s’en est suivie a suscité l’intérêt de la Satt Aquitaine, une société spécialisée dans le transfert technologique de la recherche académique vers les entreprises. Elle nous a accordé un financement de 107 000 euros pour nos recherches et créer de nouveaux outils. Le premier porte sur la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) en Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) co-produit avec la Carsat Aquitaine (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail) et le second sur le burnout que nous avons conçu avec le service de santé de Périgueux.
En quoi vos jeux sont-ils des Escape Games et comment sont-ils conçus ?
Nous reprenons tous les codes de l’Escape Game. D’abord, il s’agit d’un jeu d’équipe qui se déroule dans un lieu clos. Par exemple nous avons reconstitué à l’identique dans un container une chambre d’Ehpad avec des dispositifs de lève-personne sur rails. A l’intérieur de cet espace, les participants doivent résoudre une série d’énigmes dans un temps imparti pour accomplir leur mission. Ces jeux collaboratifs sont conçus sur le principe de la coconstruction. En amont, nous constituons un comité de pilotage et un comité scientifique où nous faisons intervenir des experts sur la thématique ciblée. De notre côté, nous apportons nos compétences en matière de gamification et en sciences du comportement. Nous pouvons ainsi traiter n’importe quelle thématique de prévention afin d’aider les joueurs à acquérir de la connaissance sur le savoir-être ou le savoir-faire.
Tricky a reconstitué dans un container une chambre d’epahd à des fins de formation. © Tricky
Concrètement, comment se déroule une séance ?
L’Escape Game dure deux heures. La première étape consiste à évaluer la problématique afin de savoir si les salariés ont conscience du sujet et quelles représentations ils en ont. Ils sont placés ensuite pendant une heure en situation réelle et ludique de travail par groupes de quatre. A charge pour eux de résoudre les problèmes qu’ils mettent en scène. Ensuite, ils sont réunis à une table avec un formateur qui va dérouler un questionnaire afin de comprendre les freins au changement en déconstruisant les idées reçues. Tout au long du jeu, nous encapsulons des messages de prévention qui sont distillés pendant les différentes phases.
A quels types de public s’adressent vos produits et quel est leur impact ?
Nos solutions ciblent les secteurs où on observe une sinistralité importante comme le médico-social et ou l’industrie. Après chaque intervention, nous envoyons chaque trimestre un questionnaire afin de faire une étude d’impact. En moyenne, nous constatons une réduction allant de 10 à 20 % sur le port de charge et de 5 à 10% sur l’absentéisme mesuré. Du côté de la direction, elle dispose des données pour vérifier par exemple si ses collaborateurs sont alignés sur les directives de l’entreprise. Elle peut ainsi identifier les freins à l’organisation du travail. Notre approche permet aussi d’alimenter le document unique sur ce qui ne fonctionne pas et de lever les obstacles à l’adoption des bonnes pratiques.
Quatre ans après le lancement de votre premier jeu, où en êtes-vous ?
Nous disposons aujourd’hui d’une dizaine d’Escape Games. Plus d’une centaine d’entreprises les ont utilisés à des fins de prévention. Le jeu qui remporte le plus de succès est un outil pour la gestion émotionnelle. Cela permet de comprendre en quoi nos émotions aiguillent nos comportements. Nous montrons ainsi qu’une même stimulation peut générer des émotions différentes. Par exemple, l’annonce d’une charge de travail peut induire des effets positifs ou au contraire des effets négatifs qui peuvent aller jusqu’à l’épuisement professionnel.
Propos recueillis par Eliane Kan
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