Mettre en place une telle démarche est indispensable à la sécurité et au bien-être des salariés. Mais, encore faut-il qu'elle soit soutenue par l'ensemble des salariés et des dirigeants. Et que tous soient mobilisés pour veiller à sa réelle efficacité sur le long terme, en adoptant les bons indicateurs.
On ne le dira jamais assez : la performance opérationnelle d’une entreprise dépend de la santé physique et mentale de ses salariés. Dans ce contexte, la politique de prévention devient un levier stratégique pour l’entreprise. Mais, pour que cette démarche soit efficace et durable, il est indispensable de prendre en compte le bien-être des salariés. Or, pour être plus heureux, ces derniers veulent savoir pourquoi ils travaillent et quel est le sens de leur activité. Partant de ce principe, une bonne politique de prévention doit décrire ce qu’est un travail bien fait, les procédures, les bonnes pratique et les réflexes à mettre en œuvre. L’entreprise doit aussi fournir à ses salariés les outils et les compétences techniques adéquates pour effectuer leur travail. Mais pas uniquement : « Sachant que le temps de travail procure des émotions aux salariés, une bonne politique de prévention doit aussi leur fournir des compétences émotionnelles pour les aider à faire face aux situations rencontrées tout le long de la journée », soulève David Mahé, président de Stimulus, un cabinet de conseil spécialisé dans le bien-être au et la santé au travail depuis 1989.
Savoir utiliser les indicateurs opérationnels
Créée par le docteur Patrick Légeron, l’entreprise propose notamment des missions d’évaluation de la santé psychique des salariés, des prestations de conseil et d’accompagnement des salariés ainsi que des prestations de formation au développement des compétences émotionnelles et relationnelles. Par exemple : que faire en cas de harcèlement, de conflit ou de suicide ?
Pour qu’une politique de prévention soit efficace, elle doit aussi savoir identifier des signaux faibles. Ainsi, des salariés qui ne se réunissent plus ou une brusque dégradation émotionnelle ou relationnelle dans l’entreprise constituent des signaux faibles qui doivent être croisés avec des indicateurs opérationnels tels que la baisse de la production, de la qualité des produits ou encore du taux de satisfaction des clients. Autant d’indicateurs qui peuvent contribuer à mesurer le bien-être des salariés. « En effet, les études montrent qu’il existe une corrélation entre la santé au travail et la performance opérationnelle », rappelle David Mahé. Ce dernier conseille aussi de s’intéresser aux indicateurs spécifiques à la qualité de vie au travail, comme l’absentéisme, les arrêts maladie ou le turnover.
Miser sur la transparence
Qu’en est-il du suivi des accidents du travail ? Les indicateurs de taux de fréquence TF1 (accidents avec arrêts), TF2 (accident avec arrêts + accidents sans arrêts) et TF3 (accident avec arrêts + accidents sans arrêts + soins) sont-ils pertinents pour évaluer le niveau de sécurité et de prévention d’un établissement ? A cette question, Elsa Giordanengo, dirigeante de Comes Consultants, un cabinet de formateurs spécialisés dans la sécurité et le management, répond de manière mitigée. « Ces indicateurs peuvent s’avérer fiables à la condition que l’entreprise et tout le personnels jouent le jeu de la transparence et que tous les accidents, même les plus bénins sortent de dessous le tapis », estime la formatrice en nuançant encore son propos. « Si l’indicateur n’est plus un outil de mesure mais un objectif en lui-même, les chiffres ne refléteront que les accidents que l’on ne peut pas cacher. Dans ce cas, les TF seront alors des indicateurs « d’image » marketing et non de prévention », met en garde Elsa Giordanengo.
Replacer l’humain au cœur de la prévention
La consultante suggère d’ailleurs de se pencher sur les analyses d’accident. L’enjeu est de savoir si l’on recherche des pistes de progrès en termes d’organisation, d’implication et de formation. Ou plutôt des coupables, avec des mesures techniques et matérielles. « Par ailleurs, il faut se poser la question de savoir si nous intégrons suffisamment les dimensions comportementales et organisationnelles dans ces analyses », pointe la dirigeante de COMES Consultants. Le cabinet préconise de replacer l’humain au cœur de la prévention en adoptant une approche systémique de la sécurité, qui doit s’intéresser au comportement en sécurité, santé et prévention de l’ensemble du système. Cela passe par le diagnostic du système de sécurité, les méthodes, les outils de la prévention ainsi que par la mesure de l’implication de la direction, des cadres de proximité et des opérateurs. En effet, pour être efficace, « la politique de prévention doit être active et partagée par tous dans un climat de confiance et de transparence », rappelle Elsa Giordanengo, pour qui la politique de prévention est efficace lorsque l’ensemble du système est organisé pour faciliter l’anticipation collective et individuelle. C’est, notamment, le cas lorsqu’une majorité de personnes, encadrants ou opérationnels, interviennent spontanément pour corriger une situation insatisfaisante. Même si celle-ci ne les concerne pas forcément. Ainsi, ramasser un objet qui traîne sur le sol ou ré-enrouler un tuyau que l’on n’a pas utilisé sont autant d’actions spontanées motivées par la seule envie de faire de la prévention. Un état d’esprit bénéfique, tant au plan professionnel que personnel.
Eliane Kan
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