Le burn-out, tout le monde connaît ce terme, pour avoir vécu ce mal ou pour avoir vu un de ses proches dans cette situation. Alors que ce mal est en passe de devenir l’un des principaux enjeux de santé publique, il est, pour l’heure, encore bien difficile d’en définir les contours. « Sujet à débats et à controverses, le syndrome d’épuisement professionnel peut avoir des conséquences graves sur la vie des personnes et nécessite une prise en charge médicale », avance ainsi la Haute autorité de santé (HAS) qui vient de publier une « fiche mémo » destinée aux médecins pour les aider à repérer et à prendre en charge le burn-out.
Définir l’indéfinissable
Difficile de quantifier ce syndrome auprès de la population car les données sont peu fiables. L’agence Santé publique France a tenté de décrire « la répartition des différents troubles relevant de la souffrance psychique en lien avec le travail ». Selon l’agence, la part du burn-out représentait 7% des troubles psychiques comptabilisés par les médecins du travail en 2012. « Si une extrapolation est faite sur les 480.000 salariés potentiellement concernés par la souffrance psychique en lien avec le travail en France, cela représenterait environ 30.000 cas », poursuit l’agence.
Face à ce syndrome, qui peut souvent passer inaperçu, comment est-il réellement possible de repérer un travailleur en situation de souffrance ? Dans sa définition, la HAS est restée très prudente : « Le syndrome d’épuisement professionnel, équivalent en français du terme anglais burn-out, se traduit par un épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel. » D’autant que de nombreuses tentatives pour définir ce terme ont déjà échoué. Ainsi l’Académie de médecine avait-elle reconnu l’année dernière, l’importance de se pencher sur le burn-out sans pour autant réussir à définir clairement ce mal. D’où la fiche mémo de la HAS qui avait été sollicitée par la ministre de la Santé sous Marisol Touraine.
Le cas par cas
Tout d’abord, il s’agit pour la HAS d’écarter « l’hypothèse d’une maladie physique, juger de sa sévérité et évaluer en priorité le risque suicidaire. » Pour cela, la HAS a réalisé une liste de signes qui « s’installent de manière progressive voire insidieuse et sont parfois les mêmes que pour d’autres troubles psychiques ou maladies. » Parmi ces manifestations, il y a tout d’abord les symptômes d’ordre émotionnel (stress, tristesse, hypersensibilité ou, au contraire, absence d’émotions), sans compter les symptômes cognitifs (troubles de la mémoire, de l’attention, de la concentration). A cela, peuvent s’ajouter les changements de comportement (isolement social, comportement agressif ou violent, diminution de l’empathie, comportements addictifs…), ou de motivations (désengagement, remise en cause professionnelle, dévalorisation…). De l’autre côté du spectre, le burn-out peut aussi se manifester par troubles physiques (troubles du sommeil, troubles musculo-squelettiques, gastro-intestinaux…).
Collaboration entre médecins traitants et médecins du travail
Parmi ce fleuve de symptômes qui ne sont pas forcément caractéristiques du burn-out, il n’est pas aisé de repérer l’épuisement. La HAS penche donc pour une étude au cas par cas : « il faut analyser les conditions de travail et les facteurs individuels afin d’établir le bon diagnostic.» D’autant que la HAS craint le recours systématique aux médicaments. Si la prise en charge doit être individualisée, « elle repose principalement sur un arrêt de travail, la combinaison d’interventions psychothérapeutiques ou psychocorporelles, et un éventuel traitement médicamenteux », enfin « l’intervention d’un psychiatre pour les cas complexes ou sévères ». La HAS insiste également pour que le médecin traitant et le médecin du travail travaillent de concert. « La confrontation de ces différentes analyses permettra alors d’établir ou non le diagnostic de burn-out. Cela permettra en effet de le différencier d’autres troubles psychiques ou d’établir qu’ils coexistent avec lui. »
Une fois le syndrome défini et soigné, la HAS a ajouté un volet important sur l’accompagnement et le retour au travail. « Avant le retour au travail, il est recommandé d’organiser une ou plusieurs visites de pré-reprise avec le médecin du travail. » Ou encore : « Un suivi régulier impliquant le médecin du travail, le médecin traitant et, le cas échéant, le psychiatre, est indispensable pour aider au maintien dans l’emploi du patient. » En toile de fond, des initiatives favorables à la santé mentale des travailleurs sont très attendues du nouveau gouvernement d’Emmanuel Macron. D’autant que la nouvelle ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, dirigeait jusqu’alors la HAS et supervisait justement la fiche sur la définition du burn-out.
Ségolène Kahn
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