Jusqu’alors, les procédés de décontamination radioactive de la peau se bornaient à des opérations de rinçage par des détergents. Or, une innovation pourrait bien changer la donne ! Des chercheurs du laboratoire de radiochimie de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont découvert une molécule, le calixarène, capable de neutraliser les substances radioactives déposées sur la surface de la peau. Et ce avant qu’elles ne traversent les tissus et ne contaminent les organes vitaux.
Agir avant transfert des molécules radioactives dans le sang
Les chercheurs de l’IRSN planchent sur le sujet depuis 2009 grâce, notamment, à un investissement d’1 million d’euros financé en partie par la Direction générale de l’armement (DGA). Au terme de ces expériences, c’est le laboratoire pharmaceutique Cevidra, basé à Grasse (06), qui a été choisi pour commercialiser ce tout nouveau traitement en Europe. Objectif : fournir un traitement médical d’urgence aux opérateurs du secteur du nucléaire susceptibles d’avoir été contaminés par des matières radioactives avant que le foie, les reins ou encore les os ne soient attaqués.
Une nanoémulsion brevetée
Cette crème, qui a fait l’objet d’un brevet ainsi que de neuf publications scientifiques, se présente sous la forme d’une nanoémulsion. C’est-à-dire d’un mélange de deux substances liquides (huile et eau) constituées de particules dont la taille n’excède pas le millionième de millimètre. En outre, cette émulsion contient un complexe moléculaire de la famille des calixarènes.
Alourdir et neutraliser les éléments radioactifs
Résultat d’une réaction entre le phénol et l’aldéhyde, le calixarène est une macromolécule qui a la faculté de neutraliser les éléments radioactifs tels que le plutonium, l’uranium, le cobalt, le césium ou encore l’américium. Pour cela, la molécule crée des liaisons physico-chimiques entre les atomes radioactifs et le produit actif (le calixarène). Une fois la liaison effectuée, les molécules deviennent trop volumineuses pour pénétrer dans le sang en traversant la barrière cutanée. Après application, le traitement se rince simplement à l’eau. Pour éprouver l’efficacité de ce traitement, les chercheurs ont réalisé des expériences ex vivo montrant que cette nanoémulsion empêche jusqu’à 98% la diffusion de l’uranium à travers les tissus cutanés. Même si elle est appliquée une demi heure après la contamination, la crème reste efficiente à 80%.
Ségolène Kahn
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