Cette analyse complète la démarche quantitative à partir de laquelle le cabinet d’étude des risques professionnels avait estimé fin janvier que 12,6% des actifs occupés (3,2 millions de personnes) étaient exposés à un risque élevé d’épuisement professionnel.
Le document intitulé « L’épuisement, une maladie professionnelle », mis en ligne ce mois-ci par le cabinet Technolgia, propose un tableau clinique du syndrome d’épuisement professionnel. « Nous voulons ouvrir le débat sur la reconnaissance de la dépression d’épuisement et du stress post-traumatique au tableau des maladies professionnelles », affirme Jean-Claude Delgènes, fondateur et directeur général de Technologia.
Quatre étapes jusqu’à l’effondrement. L’étude détaille notamment les quatre phases du processus psychopathologique, illustrées par des témoignages qui ont été retenus comme significatifs parmi les nombreux cas étudiés par le cabinet. Dans un premier temps, la phase d’engagement, qui est celle du plaisir au travail : « Tout allait bien, mon activité était reconnue », se souvient Marion, 58 ans, manager. La phase d’alarme, ensuite, est le surengagement : « J’ai fait une syncope de 15 mn. Pour moi, c’était davantage un épuisement : vous êtes fatigué et c’est le corps qui lâche », raconte Michel, 55 ans, chercheur dans l’industrie pharmaceutique. La troisième phase est une période de résistance : l’acharnement frénétique. « Je voulais terminer ce projet. J’ai demandé à mon médecin des antidépresseurs, au moins pour six mois, afin de pouvoir finir », avoue Marie, ingénieur projet de 32 ans. Enfin, l’étape finale, l’effondrement. « M’ouvrir les veines à mon bureau : je n’avais pas envie de me suicider mais de marquer le coup », confie Raphael, 57 ans, ingénieur aéronautique.
« Nous distinguons deux facteurs d’épuisement professionnel, explique Jean-Claude Delgènes. Les exigences démesurées de la part de l’employeur d’une part, avec le système DPO (Direction par objectifs), couplé à un processus d’évaluation individuelle. Et un travail compulsif, d’autre part. » Mais en France, la reconnaissance des maladies psychiques principalement liées au travail comme maladies professionnelles se fait très difficilement. « Nous avons recensé 800.000 cadres exposés à un risque élevé d’épuisement professionnel. On peut par ailleurs estimer que 20.000 à 30.000 personnes sont effectivement atteintes d’une maladie de ce type. Or, en 2010, seules 74 personnes ont vu leur pathologie reconnue en tant que maladie professionnelle et un peu moins de 100 en 2011 », argumente le directeur général de Technologia.
La pétition lancée le 22 janvier dernier par le cabinet d’études sur le site www.appel-burnout.fr a déjà recueilli près de 6.000 signatures. Technologia compte donc continuer à sensibiliser l’opinion, les partenaires sociaux, les représentants de l’Etat, la communauté médicale et les pouvoirs publics à la nécessité de favoriser une culture de prévention. La création de nouveaux tableaux de maladies professionnelles y participe.
Caroline Albenois
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