Depuis le 13 novembre 2015, de nombreuses personnes victimes des attentats revivent leur cauchemar en boucle : flash backs ultra-violents, silences déchirés par des tirs d’armes à feu, visions sanglantes, cauchemars, incapacité à sortir de chez soi… Dans ces cas, les symptômes d’un stress post-traumatique (SPT) sont évidents.
Ce trouble psychiatrique croît dans les semaines ou les mois suivant l’épisode traumatique. A cet égard, les personnes souffrant de stress post traumatique en France vont bientôt pouvoir bénéficier d’une nouvelle thérapie développée par le professeur canadien Alain Brunet, dans le cadre d’une étude lancée en partenariat avec l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Selon ce spécialiste des SPT, ce phénomène est un trouble de la mémoire, notamment »émotionnelle ». Grâce à des recherches récentes sur les champs de la mémoire et des neurosciences, le professeur a découvert que lorsqu’un souvenir se grave dans la mémoire, il stimule deux parties du cerveau qui s’activent simultanément. L’hippocampe retient les faits, c’est la mémoire »épisodique ». Tandis que l’amygdale, la mémoire »émotionnelle », mémorise les émotions reliées aux événements.
Lors d’un événement violent, « le stress post-traumatique génère une hypervigilance continuelle et entretient de fausses alarmes », expliquait jeudi dernier sur France Info, le professeur canadien.
Du coup, la méthode Brunet propose d’atténuer la charge émotionnelle d’un souvenir traumatique grâce à un traitement de six semaines, associant une psychothérapie, nécessaire dans tous les cas, à un médicament bêtabloquant, le propanol.
« Le patient prend le médicament, il le laisse agir pendant une heure puis on lui demande d’écrire le souvenir traumatique en employant le temps présent et le recours au « je » », souligne le chercheur.
La semaine suivante, le patient devra avaler un autre comprimé, puis sera invité à relire son récit et ce, pendant les six semaines de traitement. A l’issue de cette thérapie, le texte ne correspondra plus au ressenti inital.
Autrement dit, au fil du temps, le caractère traumatique du souvenir sera perçu avec moins d’intensité et de violence. Avec pour résultat une réduction du trauma certes, graduelle, mais aussi plus fiable sur le long terme : l’aspect émotionnel s’érodera au fil des ans, tandis que le souvenir factuel restera intact.
Il faut savoir que cette thérapie a déjà fait ses preuves au Canada depuis le début des années 2000. Le chercheur ajoute que cette méthode peut être appliquée à tous les types de stress post-traumatique. « On a montré que cela fonctionnait bien sur environ deux tiers des patients, c’est-à-dire 65% à 70% des personnes prises en charge. »
Cette thérapie est amenée a être développée à grande échelle dans de nombreux centres et hôpitaux français. Déjà depuis décembre 2015, une centaine de cliniciens de l’AP-HP a été formée à cette méthode. Quant aux patients (principalement des personnes touchées par les attentats de novembre dernier), ils seront répartis dans deux groupes. Le premier recevra le nouveau traitement. Le second continuera à recevoir des traitements classiques.
D’ici à trois semaines, cette expérimentation « portera sur 400 personnes dès que les autorisations seront données », précisait mercredi dernier à Paris le professeur Bruno Millet. Lequel, exerçant à la Pitié-Salpêtrière, sera en charge de la coordination de ce nouveau traitement dans cet hôpital.
D’ailleurs, une dizaine d’autres centres, dont plusieurs hôpitaux de l’AP-HP (Saint-Antoine, Tenon, Ambroise Paré, Créteil…) se sont déjà engagés dans ce projet, baptisé Paris MEM. Pour obtenir des précisions et un rendez-vous d’évaluation, les patients peuvent d’ores et déjà appeler le 01 42 16 15 35.
Ségolène Kahn
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