En France, il n’y a pas que les journaux satiriques qui soient la cible d’attentats meurtriers. L’industrie tricolore en fait désormais partie depuis ce vendredi 26 juin à 10 heures du matin où l’usine Air Products de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), un site classé Seveso, a été victime d’une attaque terroriste. En effet, une voiture-bélier a foncé sur des bonbonnes de gaz industriels disposées à l’entrée du site. Ce qui a déclenché une explosion, provoquant deux blessés. L’auteur présumé des faits, Yassin Salhi, serait ensuite entré en brandissant un drapeau islamique, avant d’être arrêté par un pompier et interpellé par les gendarmes. L’homme aurait aussi assassiné Hervé Cornara, le directeur commercial de Colicom/ATC à Chassieu (69), l’entreprise qui l’employait, pour ensuite le décapiter avant d’accrocher sa tête au grillage de l’enceinte de la société le long de la RD311 dans une mise en scène macabre. Yassin Salhi serait entré sur les lieux avec son propre badge de prestataire fournisseur de l’usine. Ce dernier a été arrêté par un pompier du Service départemental d’incendie et de secours de l’Isère (SDIS38) qui, « avec beaucoup de courage et de sang-froid, a procédé à la mise hors d’état de nuire » du suspect interpellé, a déclaré à la presse Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur.
Très rapidement, le procureur de Vienne, le préfet de l’Isère ainsi que des techniciens en identification criminelle de la Gendarmerie de Grenoble sont arrivés sur les lieux qui ont été immédiatement « gelés ». « Les employés du site Air Products à Saint-Quentin-Fallavier sont tous sains et saufs, déclare le service de communication du groupe Air Products, selon nos confrères du Dauphiné Libéré. Par ailleurs, l’explosion de ce matin n’a entraîné aucun risque sanitaire pour les populations riveraines du site. » De fait, 40 des 87 salariés de Saint-Quentin-Fallavier travaillaient sur la partie conditionnement et stockage de gaz industriels, visée par l’attentat de ce vendredi matin. Très choqués, ces salariés ont été pris en charge sur place par une cellule psychologique du Samu. Alors que la zone de l’attentat n’est accessible que par les seuls enquêteurs, l’autre partie du site, dédiée à la production de gaz (oxygène, azote et argon), fonctionne normalement. Suite aux dernières directives de l’État, le site d’Air Products, comme tous les sites classés Seveso sur la région, vont renforcer leurs mesures de protection.
Vers 15 heures 30, l’épouse de l’auteur présumé de l’attentat a été interpellée près de Lyon, selon une dépêche de l’ADP de source judiciaire. Il s’agit de la troisième interpellation, après celles de Yassin Salhi et d’un autre homme qui avait été repéré en train de faire des allers-retours suspects aux abords du site de gaz industriels où a été commis l’attentat. Au même moment, un Conseil restreint présidé par François Hollande a débuté à l’Élisée. Il s’agit de « faire le point des derniers éléments connus sur l’attentat », a indiqué l’entourage du président de la République, ajoutant que sera également évoquée lors de cette réunion l’attaque à Sousse, en Tunisie, qui a fait le même jour 38 morts, dont des touristes étrangers. Dans la journée, les attentats djihadistes ont tué 156 personnes à Kobane (Syrie), 24 personnes dans une mosquée chiite à Koweït City (Koweït), et 30 personnes en Somalie. Soit Près de 240 personnes dans la journée.
Le chef de l’État, qui est revenu précipitamment de Bruxelles après l’attentat, a convié à ce Conseil le premier ministre Manuel Valls (en visio-conférence depuis la Colombie) ainsi que les ministres Laurent Fabius (Affaires étrangères), Christiane Taubira (Justice), Jean-Yves Le Drian (Défense). Bernard Cazeneuve (Intérieur). Lequel s’est rendu sur les lieux de l’attaque dans la matinée. Il a participé au Conseil par téléphone. Dans la matinée, M. Hollande a estimé depuis Bruxelles que cet attentat était « de nature terroriste dès lors qu’il a été retrouvé un cadavre décapité avec des inscriptions ».
« L’intention ne fait pas de doute » puisqu’il s’agissait pour son ou ses auteurs de « provoquer une explosion », a souligné le président de promettant « d’éradiquer les groupes et les individus qui sont responsables de tels actes ». Le premier ministre a décidé d’écourter son déplacement en Amérique latine et est attendu samedi matin à Paris.
De son côté, le ministère de l’Énergie a demandé vendredi aux exploitants de sites industriels sensibles Seveso de renforcer leur vigilance. « Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, a mobilisé dès vendredi matin ses services pour mettre en état de vigilance maximale les exploitants des sites Seveso, explique un communiqué mis en ligne sur le site du ministère. Les directions régionales [du ministère, NDLR] ont pris contact avec les sites Seveso » en leur donnant pour consigne « de renforcer la présence humaine sur les sites de stockage, de restreindre les entrées, de faire des rondes de sécurité, et d’être plus attentifs aux mouvements sur les sites, tels que les livraisons, les travaux… », a détaillé auprès de l’AFP un porte-parole du ministère.
Par ailleurs l’UIC rappelle que, en matière de sûreté, un site classé Seveso impose la surveillance d’accès (personnes, véhicules et colis), l’identification des zones interdites en fonction de leur sensibilité, la tenue des stocks, la mise en place d’un plan d’organisation interne (POI) à mettre en œuvre en cas d’accident. Pour prévenir et protéger les citoyens face à la malveillance sur les sites industriels, les mesures clefs consistent à sécuriser l’accès au site (personnes, véhicules et colis) et à identifier des zones d’accès interdit en fonction de leur sensibilité. La profession a défini au niveau européen un guide de bonnes pratiques sur la sûreté, dans le cadre de l’initiative volontaire Responsible Care (définition d’une politique de sûreté, sensibilisation des équipes, ..). Enfin, dans le cadre du nouveau plan Vigipirate, l’UIC a également diffusé à ses adhérents une note technique pour mentionner les modalités d’application (surveillance des accès, livraisons, supervision de la circulation interne, contrôle et filtrage, accès limités si nécessaire).
Erick Haehnsen
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