Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

Alain Juillet (CDSE) : « Nous ouvrons aux PME la possibilité d'être membres du CDSE »

Dans la série ''Bilan 2016-Perspectives 2017'', Alain Juillet, président du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE) qui compte 115 adhérents, nous livre son analyse et ses réflexions en matière de sécurité et de sûreté des entreprises.

Quel bilan tirez-vous de l’année 2016 au niveau de la sécurité des entreprises ?
Tout d’abord, 2016 a été une bonne année pour nous. Bien sûr, certains de nos adhérents ont subi des problèmes de sécurité mais aucun d’entre eux n’a pris une ampleur nationale ou internationale. Cela ne signifie pas que nous n’avons eu aucun incident mais que les problèmes ont été résolus rapidement. Ensuite, l’année dernière, les entreprises se sont trouvées en proie à la radicalisation de certains de leurs salariés alors que, l’année précédente, elles n’en tenaient pas compte. Désormais, la mobilisation à ce sujet s’est généralisée au niveau des grandes entreprises
Comment s’est déroulée cette mobilisation ?
Le CDSE comporte une commission  »Radicalisation » qui réunit plusieurs dizaines de membres. C’est un véritable groupe de travail qui réfléchit aux moyens de traiter ce problème au niveau des entreprises. Nous avons même organisé un colloque à ce sujet le 15 décembre dernier à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il faut faire attention : il n’y a pas que la radicalisation islamique. Nous assistons à une montée en puissance des incivilités allant jusqu’à l’ultra-violence. Parmi les radicalisations, je voudrais citer l’écoterrosisme, ou terrorisme écologique, que l’on commence à voir apparaître. C’est vrai que certaines personnes peuvent devenir extrémistes pour défendre leurs idées jusqu’au terrorisme. D’ailleurs, au Royaume-Unis, l’écoterrorisme est devenu, malheureusement, une réalité. Il y a aussi des terroristes qui commettent des attentats pour la défense des animaux. Reste que la composante islamique de la radicalisation est, aujourd’hui, la plus importante. Cependant, qu’il s’agisse du radicalisme islamique ou écologique, les méthodes de détection, de prévention et de protection sont les mêmes.
Comment se rendre compte qu’un collaborateur se radicalise dans l’entreprise ?
En premier, il faut rappeler que la radicalisation n’aboutit pas systématiquement au terrorisme. On peut porter une tenue de salafiste sans faire exploser de bombes. En revanche, lorsqu’un salarié refuse de serrer la main d’une femme, il n’est pas pas forcément terroriste mais son degré de radicalisation semble déjà assez élevé. Il faut apprendre à gérer ce type de problèmes. Sur ce terrain, beaucoup de progrès restent à accomplir car les entreprises ne sont pas prêtes.
Que conseillez-vous à vos adhérents de faire ?
Il faut prendre le problème dès le départ et ne pas attendre. De sorte à éviter les regroupements de radicalisés. A la première dérive, il faut rappeler aux candidats à la radicalisation qu’il y a un règlement intérieur et qu’il existe des lois. Il faut rappeler que ce message a été clair dès l’embauche. En effet, si on laisse les mauvaises habitudes s’installer, on aura d’autant plus de difficultés à les enrayer. Notamment lorsque certains collaborateurs se radicalisent en cours de route. Inversement, si l’on applique les bonnes méthodes dès le début, l’émergence des problèmes se réduit.
Où sont les principaux problèmes ?
Dans les entreprises à fort taux de main d’œuvre ainsi que dans celles qui sont dans des zones géographiques particulières. Il faut faire attention, certaines personnes, barbues en tenue particulière, sont susceptibles également d’être de très bons éléments. Il faut faire attention aux amalgames. C’est une tâche qui incombe aux directeurs de la sûreté et aux responsables de ressources humaines DRH qui doivent travailler main dans la main.

Le cyberterrorisme a-t-il mobilisé le CDSE en 2016 ?
L’arrivée en force des cybermenaces est le second grand volet de l’année 2016 aux CDSE. Mais il faut aussi rendre hommage aux fournisseurs et installateurs d’équipements et de services numériques de sécurité qui permettent de mieux travailler : robots rondiers, caméras de vidéosurveillance, systèmes de protection périmétriques, logiciels d’identification des salariés et de gestion des accès…
L’évolution des métiers de la sécurité a-t-elle constitué un grand thème de réflexion ?
Oui, tout à fait ! C’est d’ailleurs notre troisième grand volet. La sûreté et la sécurité recouvrent de plus en plus de domaines différents. En quelques années, nous sommes passés de la protection matérielle, avec des services comme le gardiennage, la sécurité incendie, la sécurité des sites… à l’immatériel avec la protection numérique. Cela exige de la part des équipes de sécurité d’avoir des connaissances plus larges qu’autrefois. Il y a là un enrichissement qualitatif des métiers. Résultat, le généraliste de la sécurité doit maintenant travailler avec davantage d’experts qu’auparavant.
Cette pluralité de compétences est-elle difficile à maîtriser ?

Oui. Les problèmes sont de plus complexes et techniques. Ce qui génère de nouvelles exigences en formation continue ainsi qu’en formation initiale pour les nouvelles recrues. A cet égard, le CDSE a passé des accords avec des écoles d’État, comme l’École nationale supérieure de la police (ENSP), l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) qui dispose désormais d’un MBA de sécurité. Citons également l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) ainsi que l’École pour l’informatique et les techniques avancées (EPITA).
N’assistez-vous pas, chez vos adhérents, à une confusion des genres dans les métiers de la sûreté-sécurité ?
Dans certaines sociétés, les dirigeants souhaitent que les agents de sûreté ainsi que leurs responsables s’occupent aussi de l’incendie. Mais il y a des lois à respecter. Or celles-ci définissent le rôle de chacun. Il faut à la fois évoluer, notamment dans le sens du numérique, mais sans aller trop vite. Il faut s’adapter en permanence.
Quelle est votre position en ce qui concerne l’Intelligence artificielle (IA) et la robotique ?
La prise de contrôle de robots industriels par des gens extérieurs peut poser d’énormes problèmes dans une usine. Ce risque existe déjà. Avec les directeurs de sécurité du CDSE, nous mettons en place des systèmes de protection mais il y a toujours un risque de voir des pirates très malins capables de franchir les différentes barrières de sécurité logique. Nous travaillons avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et avec des sociétés spécialisées afin de disposer des outils et des parades qui empêchent le cyberpiratage.
Travaillez-vous sur la notion de terrorisme d’État ?

Non. La récupération d’information par des services d’État existe depuis longtemps. Nous sommes dans un monde où chacun  »écoute » l’autre. Nous avons donc appris à nous protéger.
L’internet des objets et ses failles de sécurité sont-ils pour vous des sujets d’importance ?
Des milliards d’objets connectés vont se mettre à travailler les uns avec les autres. Cela peut ouvrir des failles et conduire à des catastrophes. Rappelez-vous ces caméras de vidéosurveillance dont les failles ont permis à des pirates de bloquer une partie de l’Internet américain…. Aujourd’hui, les pirates savent utiliser des objets connectés pour remonter où ils veulent dans un réseau informatique.
Quels sont vos grands chantiers pour 2017 ?

Nous allons poursuivre les travaux dans les domaines que nous venons d’évoquer : la radicalisation, les cybermenaces et les parades. Mais il va aussi falloir augmenter nos efforts de sensibilisation et de formation dans les entreprises pour que chacun comprenne comment se protéger. Encore faut-il que les gens en aient envie. En période de crise, les dirigeants ont tendance à tailler dans les dépenses de sécurité. Donc pour former et sensibiliser les collaborateurs, il faut un minimum de moyens et d’investissements. C’est un des grands chantiers de 2017. Nous allons organiser des conférences et réaliser des films. Par exemple, nous en avons un sur la fraude au président, qui a été réalisé en collaboration avec le ministère de l’Intérieur. Ce film est gratuitement distribué à toutes les PME-PMI qui en ont besoin. Un peu comme une chaîne Youtube.
D’autres chantiers ?
Oui, nous voulons organiser de petits séminaires et réunions de travail pour sensibiliser nos adhérents et les autres acteurs concernés. En particulier, nous ouvrons aux PME la possibilité d’être membre du CDSE. C’est un véritable mouvement de démocratisation. La culture de la sécurité évolue en France mais doucement. Les gens comprennent qu’il faut se protéger mais n’en ont pas le réflexe. En Israël, en Chine ou aux Etats-Unis, les entreprises sont plus en pointe que chez nous. En clair, l’Europe continentale peut mieux faire !

© Propos recueillis par Erick Haehnsen

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