Alors que de nombreux employés sont soumis quotidiennement à des produits nocifs présents dans leur environnement de travail, le risque de contracter un cancer est plus que jamais élevé. Cancer du poumon, de la plèvre, des voies aérodigestives supérieures, de la vessie sont autant de pathologies qui peuvent résulter d’une exposition prolongée à des substances telles que les produits chimiques, les pesticides ou encore l’amiante. Or, réussir à faire reconnaître son cancer comme une maladie professionnelle s’apparente généralement à un véritable parcours du combattant pour les patients. Afin de mieux identifier la source des cancers professionnels, le centre Léon Bérard, qui fait partie d’un des vingt centres de lutte contre le cancer a réalisé une étude basée sur la prise en charge d’un millier de patients en quatre ans. Objectif : améliorer le repérage et le diagnostic des cancers professionnels en démontrant l’influence du travail sur la contraction de cette maladie.
15.000 à 20.000 nouveaux cas de cancer par an
Cette étude a été réalisée par le docteur Béatrice Fervers, coordinatrice du département Cancer et environnement au sein du centre Léon Bérard et professeur à l’université Claude Bernard Lyon 1, en collaboration avec le docteur Barbara Charbotel, médecin de santé au travail au centre de consultation des pathologies professionnelles des Hospices Civils de Lyon. Pour le Dr Béatrice Fervers, cette étude intervient alors que “l’origine professionnelle des cancers reste largement sous diagnostiquée en France”.
Pourtant les études qui ont déjà été réalisées sur le sujet, en particulier celle de Sumer 2010 délivrent des chiffres pour le moins inquiétants : un salarié sur 10 en France serait exposé à un ou plusieurs agents cancérogènes, soit plus de 2 millions de salariés. Dans ce cadre, les employés les plus exposés sont les ouvriers (70% des expositions aux substances cancérogènes) ainsi que les salariés à statut précaire. Or, “près d’un salarié sur cinq exposé aux agents cancérogènes, l’est dans des conditions de prévention non réalisées” déplore le docteur.
Selon l’étude Sumer, 15.000 à 20.000 nouveaux cas de cancer (5%) par an en France seraient la conséquence d’une exposition à des agents cancérogènes dans le cadre du travail. Mais seuls 2.500 cas sont reconnus chaque année. Pour expliquer cette grave lacune, le docteur Béatrice Fervers estime qu’aux inégalités d’exposition s’ajoutent très souvent des inégalités de repérage et de reconnaissance des origines professionnelles.
Le dispositif Propoumon
D’où l’idée de réaliser une étude approfondie sur le lien entre le travail et les cancers. En particulier en ce qui concerne le cancer du poumon, l’un des plus dévastateurs, et des plus courants lorsqu’il s’agit d’exposition à des agents chimiques. Le centre a réalisé une étude baptisée Propoumon. Pour cela, un questionnaire professionnel a été soumis aux patients pris en charge dans sa structure afin d’identifier le lien entre les cancers du poumon et les substances cancérogènes auxquelles ils ont été soumis. Et ce en vue, de leur proposer une consultation spécialisée.
Dans ce cadre, le dispositif a permis d’accueillir plus de 440 patients entre 2014 et 2015, parmi lesquels 234 d’entre eux (53%) ont accepté de répondre au questionnaire. Parmi les enjeux de ce dispositif, celui d’aider les patients à faire reconnaître leur cancer comme une maladie professionnelle. Pour cela, une consultation cancers professionnels a été réalisée pour 97 patients (42%). Cette visite a donné lieu à une démarche de reconnaissance pour 42% des patients. Cette démarche a porté ses fruits pour 19 d’entre eux. Mais 5 autres patients ont vu leur dossier rejeté, tandis que le reste des personnes concernées sont toujours en attente d’une réponse.
Une évaluation médico-économique
A cela, s’ajoute une autre démarche, celle d’évaluer le coût du dispositif de repérage, mais aussi celui de la prise en charge des cancers d’origine professionnelle. Il en ressort que le coût moyen du dispositif de repérage s’élèverait à 62,65 euros par patient. Ainsi, la première année de prise en charge d’un patient atteint d’un cancer broncho-pulmonaire reviendrait à 15.137 euros. Plus globalement, si l’on considère qu’il existe 40.000 cas de cancers du poumon en France, le montant transférable de la branche Assurance Maladie à la branche Accidents du Travail se situerait entre 54 millions d’euros et 108 millions d’euros.
Ségolène Kahn
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