Un procès citoyen a accusé le géant américain Monsanto de violation des droits de l’Homme, d’impact négatif sur l’environnement ainsi que du crime d’« écocide » le 18 avril à La Haye. Si ce tribunal informel réunissant cinq juges professionnels mais aussi une trentaine de témoins ainsi que des centaines de groupes citoyens, n’a pas le pouvoir de sanctionner la firme, il représente toutefois une première démarche conséquente pour aider les victimes, mais aussi pour faire entrer le terme « d’écocide » (crime contre la nature) dans le droit international. Une décision qui pourrait, on l’espère, influencer le département de la Justice américain qui est en train d’étudier la fusion à 66 milliards de dollars prévue entre Monsanto et l’allemand Bayer.
La prévisible réaction de Monsanto
Alors que le tribunal informel a estimé que « les activités de Monsanto causent des dommages aux sols, à l’eau et de manière générale à l’environnement », la réaction du géant de l’agrochimie et des OGM ne s’est pas fait attendre : accusant le tribunal d’être un vaste complot organisé par l’agriculture bio « mis en scène par un groupe sélectionné de critiques anti-technologie agricole et anti-Monsanto qui ont joué les organisateurs, le juge et le jury » et de nier « les preuves scientifiques existantes et les résultats judiciaires sur plusieurs thématiques ». Il « détourne l’attention de discussions essentielles sur les besoins en alimentation et en agriculture du monde entier ainsi que la pleine mise en œuvre des droits de l’Homme », estime l’entreprise, qui rappelle qu’elle développe actuellement des solutions plus durables relatives au biocontrôle et des outils d’aide à l’agriculture de précision. Même si l’on peut fortement douter de sa bonne foi.
Donner des arguments juridiques aux victimes de Monsanto
Certes le tribunal citoyen n’a aucune valeur juridique. Néanmoins, il peut donner quelques clés aux victimes du géant de l’agrochimie. En effet, basés sur des textes législatifs internationalement reconnus, ses arguments juridiques forment un corpus documentaire tout à fait exploitable pour les victimes mais aussi pour faire pression sur les entreprises peu soucieuses de leurs pratiques. Pour ses juges, « des règles liées aux investissements et au commerce rendent de plus en plus difficiles la possibilité pour les Etats de maintenir des politiques, des lois et des pratiques protectrices des droits humains et de l’environnement. Il y a un besoin urgent pour les organes des Nations Unies d’agir, faute de quoi le recours aux tribunaux arbitraux résoudra des questions fondamentales en dehors du système onusien. »
Reconnaître le « crime d’écocide »
Mais la véritable priorité pour ces citoyens réside dans la volonté de faire reconnaître le « crime d’écocide » par le droit international, en « considérant les multinationales comme sujets de droit » et « qu’elles puissent, dès lors, être poursuivies en cas d’atteintes aux droits fondamentaux et à l’environnement ». Le tribunal estime également que « si le crime d’écocide devait être érigé, à l’avenir, au rang du droit international, les faits rapportés pourraient relever de la compétence de la Cour pénale internationale » (CPI). Basée à La Haye (Pyas-Bas), la CPI a en effet les compétences pour poursuivre des auteurs présumés de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis depuis le 1er juillet 2002. Le tribunal citoyen jugeant notamment que Monsanto s’est rendu coupable de complicité de crime de guerre pour avoir conçu et produit le défoliant Agent Orange utilisé par les forces armées américaines durant la guerre du Vietnam.
Ségolène Kahn
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