Avec 87,2% des entreprises de 1 à 9 salariés majoritairement tournées vers le BTP et l’agriculture, l’Occitanie réunit les conditions pour atteindre un taux record d’accidentologie. Ce que confirme le bilan publié jeudi 7 février par la Direction des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (Direccte). On y apprend notamment que la région a enregistré 54 825 accidents du travail entraînant un arrêt, rien qu’en 2016, dont 3 013 considérés comme graves, 51 mortels et 6 720 accidents de trajet.
Une accidentologie très élevée
Avec 38,8‰ de fréquence des accidents du travail avec arrêt, l’Occitanie est largement au-dessus de la moyenne nationale (33,9‰ au niveau national en 2015). Concrètement, le rapport estime que les trois quarts des arrêts de travail sont liés à des mouvements du corps (porter ou soulever des charges, se baisser, etc.) ou des chutes. Les secteurs employant le plus de salariés, à savoir l’hébergement médicalisé pour personnes âgées, la grande distribution et les activités des agences de travail temporaire sont les plus concernés. « Il ne se passe pas un jour sans que je reçoive le compte rendu d’un accident du travail grave sur le territoire et, en moyenne, un accident mortel par semaine, a confié Christophe Lerouge, directeur régional de la Direccte, le 24 janvier, lors de la présentation d’un bilan à mi-parcours du Plan Régional Santé Travail (PRST) 2016-2020. Derrière chaque accident, il y a un drame personnel et cela a un impact sur la vie de l’entreprise. Il y a nécessité d’une vraie prise de conscience. »
La moitié des décès liée aux accidents de la route
Dans le collimateur, le directeur pointe du doigt le risque routier, responsable de 50% des accidents mortels. Plus précisément, les accidents liés aux trajets domicile-travail sont en hausse de 2,4% en 2016. Toutefois, les accidents graves et mortels ont diminué de 2,1% et 8,9% respectivement. Autre facteur, la taille des entreprises : sur les 189 096 sociétés, 164 914 (soit 87,2%) sont des TPE de 1 à 9 salariés. « On sait que dans ces très petites entreprises, on a plus d’accidents du travail, déplore Christophe Lerouge. S’il y a autant d’accidents du travail en Occitanie, c’est aussi lié au tissu économique du territoire où les secteurs du bâtiment et de l’agriculture sont importants. Il y a des risques supplémentaires, des accidents plus fréquents. »
Une région majoritairement agricole
Viticulteurs, arboriculteurs, professionnels des grandes cultures… tous ces cultivateurs sont littéralement éclaboussées par les produits phytopharmaceutiques. Ainsi, le rapport note-t-il qu’en 2016, pas moins de 10 775 tonnes de substances actives ont été commercialisées en Occitanie, entre le Gard, l’Hérault, l’Aude et le Gers. Et c’est sans compter le soufre et le glyphosate (1 321 t), qui sont les substances actives les plus vendues. Sachant que 77% de ces substances présentent un risque pour la santé et que 12% d’entre elles sont classées cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR). Concernant les maladies professionnelles avec arrêt (87% de TMS), l’indice de fréquence est, en revanche, moins important que dans les reste du pays. En 2016, les 2 492 maladies suivies d’un arrêt ont diminué de 1,2% en 2016, et les 1 247 avec incapacité permanente de 6,7%, selon l’Assurance retraite Carsat. Seules les maladies mortelles, au nombre de 19, ont augmenté de 5,5%.
21 mesures phares
Face à l’urgence de la situation, la Direccte a mis en place des mesures dans le cadre du Plan Régional Santé Travail Occitanie (PRST) initié en 2016. Une feuille de route qui réunit de nombreux acteurs tels que des partenaires sociaux, des experts de la prévention, la Carsat, l’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract), l’Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP) et les services de santé au travail. L’objectif étant de s’attaquer à ces accidents au « coût humain insupportable mais aussi économique », selon Christophe Lerouge. Ce plan comprend 21 mesures à décliner auprès des petites entreprises du territoire jusqu’en 2020. En priorité, les mesures concernent notamment la prévention des risques liés aux produits phytopharmaceutiques dans le milieu agricole, le risque amiante, la qualité de vie au travail et le risque routier. « Il y a encore beaucoup à faire en termes de prise de conscience dans les petites entreprises, admet Christophe Lerouge. Plus l’entreprise est petite et moins les processus sont cadrés. Il faut leur faire comprendre que les accidents du travail ou les maladies professionnelles ont un coût pour l’entreprise. »
Ségolène Kahn
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