« Nous allons vous traquer, comme nous avons pu le faire depuis les attentats de Charlie Hebdo. Attendez-vous donc à une réaction massive d’Anonymous. (…) Nous allons lancer l’opération la plus importante jamais réalisée contre vous. Attendez-vous à de très nombreuses cyberattaques, la guerre est déclenchée », profère un internaute dissimulant ses traits derrière le masque de Guy Fawkes dans une vidéo publiée samedi, suite aux attentats qui ont fait 132 morts et 352 blessés à Paris. Massivement relayés sur les réseaux sociaux et dans les médias, il est devenu pratiquement impossible de passer outre les messages des Anonymous, ce mouvement de cyberpirates citoyens qui, depuis les attentats, a fait de la vengeance civile son porte-étendard. Si l’opinion publique émet quelques réserves sur la crédibilité de ce genre de vidéo amateur, les internautes se réclamant d’Anonymous revendiquent déjà sur le compte Twitter #OpParis, la mise hors service de près de 4.000 comptes Twitter considérés comme djihadistes depuis hier. De même en mars dernier, une liste de 9.200 comptes Twitter reliés à l’El avait été dévoilée par ce groupe, suite aux attentats de Charlie Hebdo.
A l’instar de cette initiative, l’économie numérique tend elle aussi à prouver qu’elle peut s’attaquer au terrorisme. On retient notamment le service Safety Check de Facebook, demandant à chaque utilisateur se trouvant dans les zones visées par les attentats de se manifester comme étant sain et sauf. Près de 5,4 millions de personnes auraient utilisé cet outil, d’après un communiqué émanant de Facebook. C’est ce qui a donné l’idée au fondateur du site internet CommentCaMarche, Jean François Pillou, d’encourager les start-up à développer leurs propres moyens de lutter contre ce type d’organisations terroristes. Ainsi publiait-il sur les réseaux sociaux un appel à créer un incubateur ou un fond d’investissement gouvernemental dédié aux start-up qui seraient prêtes à en découdre avec Daech. En précisant : « Ce type d’initiative ne peut être porté que par des instances gouvernementales. »
Il se trouve que ce week-end, l’une des collaboratrices de cet entrepreneur était, elle aussi, au Bataclan vendredi 13 novembre. Sauvée juste à temps, elle n’est toutefois pas sortie indemne de cette tuerie. « Passé l’effroi, j’ai vu ce que Facebook avait fait dès le soir même et j’étais impressionné par la rapidité, j’étais aussi mal à l’aise car c’est le rôle de l’Etat de protéger les citoyens », raconte-t-il à notre confrère Les Echos. « Je ne suis pas un expert de la lutte anti-terroriste mais je connais les start-up et ce qu’elles sont capables de faire avec Internet », précise-t-il. Au vu des nombreux commentaires qui ont suivi ce post, il semblerait que l’intuition du fondateur de CommentCaMarche, quant aux capacités d’innovation dont font preuve nos start-up, ne serait pas sans fondement. Du côté des internautes, les propositions fusent déjà : l’un imagine un système de GPS collaboratif sur mobile qui mettrait en garde les utilisateurs de s’approcher d’une zone de danger. L’autre la possibilité pour chacun d’annoncer un événement violent en cours en un click.
De son côté, Jean François Pillou propose quelques pistes afin d’aider les enquêteurs. Telles qu’une application qui serait capable de livrer aux autorités et sans l’accord de l’utilisateur, toutes les photos concernant un événement dans une zone et à une heure donnée. Ainsi pourrait-on peut-être déceler la présence d’un suspect en arrière-plan. Si ces idées semblent, de prime abord, intéressantes, en revanche, elles ne sont pas forcément susceptibles de générer des recettes sonnantes et trébuchantes. « Bien sûr, il n’y a pas d’argent à la clef : de tels outils ne constitueront jamais de Business model », précise l’entrepreneur. D’où la difficulté de financer ce projet sans l’aide de l’Etat.
Toujours est-il que cette proposition a déjà recueilli l’approbation de plusieurs contacts qui ont fait savoir par mail qu’ils souhaitaient obtenir plus d’informations à ce sujet. « J’ai reçu d’autres messages de la part de Business Angels qui seraient prêt à faire du mécénat auprès de l’Etat pour financer cette initiative publique », ajoute Jean-François Pillou qui envisage de financer une part du projet avec son propre portefeuille mais ne souhaite pas aller jusqu’à monter une start-up antiterrorisme.
Ségolène Kahn
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