Dans les villes ou les entreprises, la vidéosurveillance devient incontournable. Mais comment surveiller les objets en déplacement (bus, métros), les lieux qui, comme les chantiers, les lieux de stockage ou d'exposition, sont par définition temporaires, ou ceux où de nombreux objets en constant mouvement masquent les images des caméras ?
Parkings, gares, usines, entrepôts, sièges sociaux et même écoles : la vidéosurveillance s’impose désormais partout. Ou presque. Car jusqu’à récemment, quelques territoires lui échappaient encore : les objets en mouvement par exemple. Car comment surveiller un bus, un train, un tramway ou un métro ? Ou encore un chantier qui, chaque jour, change de configuration, voire de position, comme les chantiers de construction ferroviaire ou autoroutière ? Désormais, cependant, les solutions se multiplient.
Dans les transports, la vidéoprotection plus que la vidéosurveillance
Dans les transports, la vidéosurveillance est en encore l’exception. Ici, on parle plutôt de vidéoprotection : car si les caméras sont désormais livrées en standard dans les nouvelles rames – de bus, de tramway et de métro –, les images qu’elles enregistrent restent en général stockées en interne. Elles sont éventuellement visibles par le conducteur, qui les utilise notamment pour lever les doutes lors d’un signal d’alarme et peut même ainsi éviter de se déplacer.
Mais elles ne sont pas transmises à des postes de commandement « au sol » et ne sont utilisées – et communiquées à qui de droit – qu’en cas d’incident.
Car les obstacles demeurent : « Les bus, par exemple, sont trop instables, trop secoués pour que les matériels de renvoi d’images aient la fiabilité nécessaire », explique Jacques Bajard, responsable de la sécurité au Systral, le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise. Ce problème est moins prégnant pour les tramways et les métros, qui, en outre, pourraient être plus facilement reliés à un PC sécurité. Notamment grâce au réseau de fibre optique qui équipe les lignes. Mais le surcoût reste très important : le renvoi d’images revient souvent beaucoup plus cher que le seul système de prise de vue et d’enregistrement ! « Et il n’est pas certain que nous en tirerions un avantage décisif en termes de sécurité car les plus gros problèmes de sécurité concernent les bus, poursuit Jacques Bajard. Le principal souci reste, pour l’instant, d’équiper les vieilles rames de métro qui n’ont pas été conçues pour être câblées. Mais aussi de mettre au point des systèmes de déchargement régulier des images enregistrées – en station notamment – pour faciliter la récupération des données en cas d’incident. » Car lorsqu’une personne est agressée, et même si elle se souvient à dix minutes près de l’heure de l’incident, ce sont les appareils de stockages de cinq ou six rames différentes qu’il faut inspecter in situ. Ce qui suppose d’arrêter les rames, ou d’attendre qu’elles rejoignent leur dépôt.
In fine, les opérateurs attendent donc souvent de renouveler le matériel pour généraliser la vidéoprotection. Reste à bien négocier avec les constructeurs. « Certes, ils intègrent désormais des caméras en série dans les rames. Mais les équipements qu’ils choisissent et leur positionnement ne nous satisfont pas toujours. Surtout dans les tramways », estime Jacques Bajard. Ainsi, à Lyon, tous les bus et les tramways sont équipés de vidéoprotection. En revanche, le métro, qui date des années 1990, ne l’est pas encore. De la même façon, en Île-de-France, toutes les lignes de bus de la RATP et de la SNCF sont désormais équipées. Idem pour les tramways et les nouvelles rames de la ligne 1 du métro, de la ligne 2 , de la ligne 5 et bientôt de la 9, des RER A et B et du réseau Transilien. Les vieilles rames, elles, demeurent « sans image ». Mais, là aussi, les images restent stockées en interne avant d’être transmises à un PC de sécurité – sauf sur la ligne 14 du métro, qui est automatisée ainsi que sur la ligne 1, qui le sera aussi d’ici la fin de l’année. En tous cas, le nombre de mises à disposition d’images auprès des autorités augmente constamment : elles étaient au nombre de 4 000 en 2009, à la RAPT (dernier chiffre connu) et de 1 092 en 2011, au Systral.
Vidéosurveillance en autonomie pour les lieux en constante modification
Les grands chantiers du BTP en revanche ne peuvent se contenter de stocker les images filmées : l’important ici est bien de détecter en temps réel les intrusions, les actes de malveillance ou les accidents (incendies, etc.). Bref, d’assurer une surveillance permanente des lieux. Mais comment faire puisque les chantiers changent d’allure, voire d’emplacement, chaque jour ? L’alimentation électrique peut également être complexe, sans parler des liaisons informatiques à haut débit pour la transmission des images ! En réalité, la seule vraie solution qui a prévalu jusqu’ici se bornait aux rondes de personnel de sécurité.
Mais la vidéosurveillance commence à prendre ses marques dans ces lieux particuliers. Pour ce faire, les caméras sont placées sur des sortes de grands mâts que l’on peut, en général, tracter et changer de place régulièrement. Grâce à leur hauteur, ces pylônes peuvent contrôler un vaste périmètre de sécurité. La société Gint avec ses Vigitower (lire l’encadré) ou encore la société Sentitech – avec ses Sentibox et Sentinelle – proposent ce type de solutions. Selon la situation, leurs équipements de vidéosurveillance seront plus ou moins spécifiques (caméras IP traditionnelles ou à infrarouge…), reliées à des câbles électriques ou, au contraire, totalement autonomes en alimentation électrique grâce, notamment, à des piles à combustibles rechargeables à l’essence ou au méthanol. Quant à la transmission des images, elle peut, bien entendu, se faire grâce à une liaison ADSL si elle est installée. Sinon, des liaisons Wi-Fi sécurisées sont mises en place pour assurer un quasi-temps réel. Avec, en général, une redondance grâce à la 3G, utilisée dans les réseaux mobiles. Evidemment, ces équipements sont assez coûteux. Mais la gamme des tarifs varie beaucoup en fonction des équipements et de leur degré d’autonomie : la Sentibox de Sentitech coûte ainsi moins de 8 000 euros. Tandis que la Sentinelle est facturée jusqu’à 45 000 euros. Pour sa part, la facture des Vigitowers démarre à 60 000 et culmine à 800 000 euros !
La vidéosurveillance prend de la hauteur
A bien des égards, les Vigitowers développées par le bureau d’études Gint constituent le haut de gamme de la vidéosurveillance mobile. Du reste, la société travaille énormément pour les marchés de la Défense, en France comme à l’étranger, où ses tours-vigie servent notamment à détecter les approches maritimes. En effet, les Vigitowers sont totalement autonomes. Leur alimentation étant fournie tout à la fois par des panneaux photovoltaïques, des éoliennes et des piles à combustible qu’il suffit de remplir de carburant tous les 20 à 30 jours. Leur système de caméra permet de délimiter un périmètre étanche à protéger. Elles sont aussi capables d’analyser les images, de compter les individus présents, de zoomer et dézoomer… Utilisées dans le civil sur les gros chantiers (comme les lignes LGV) ou les aires de stockage du cuivre de la SNCF, elles sont en général louées pour des périodes restreintes. Pour un chantier moyen nécessitant deux Vigitowers, la prestation de protection (tours et surveillance) coûte ainsi environ 3 000 euros par mois. Pour l’accès à la location, la société a noué un partenariat avec l’enseigne Kiloutou.
Robots rondiers
De leur côté, les »robots rondiers » constituent sans doute la dernière tendance sur le marché de la vidéosurveillance. Il s’agit ici d’envoyer des robots équipés de caméras et de systèmes d’alerte pour inspecter un périmètre ou des lieux peu accessibles à l’homme. Typiquement, le robot trouvera par exemple sa place à l’intérieur des entrepôts où les caméras traditionnelles rencontrent de nombreux angles morts. C’est, du reste, le marché que vise le robot e-vigilante conçu par la société Eos Innovation.
A Saint-Pantaléon-de-Larche, près de Brive-la-Gaillarde (Corrèze), la société M-Tecks EAC travaille elle aussi, en partenariat avec la société Effidence, au développement d’un robot rondier. Son allure, en revanche, serait toute différente. La spécialité de M-Tecks EAC, ce sont les robots de petite taille, capables de franchir beaucoup d’obstacles : dénivelés, terrains difficiles… Ils peuvent aussi se faufiler dans les endroits invisibles par une caméra traditionnelle : sous un véhicule ou un rack, voire dans une canalisation. Du coup, ses robots ressemblent à des petits tanks. Son futur robot rondier serait autonome mais ne transmettrait pas les images en continu : il les analyserait à bord, grâce à son intelligence embarquée, étant par exemple capable de distinguer un objet d’une forme humaine. Il ne transmettrait donc les informations qu’en cas d’alerte. Ces robots devraient être disponibles l’an prochain.
« Nous voulons atteindre des prix relativement bas (de 5 000 à 15 000 euros selon le modèle) pour permettre au marché de décoller », explique Fabrice Marsaleix, gérant de la société. Pour l’instant, les robots déjà opérationnels de M-Tecks EAC peuvent servir à la levée de doute : télé-opérés, ils se rendent aux endroits choisis par l’opérateur et lui envoient des images à la demande. Particularité de tous les robots de la PME, ils n’utilisent pour communiquer ni le Wi-Fi ni la 3G, mais transmettent des flux d’images analogiques par un système sans fil propriétaire dans la bande des 2,4 Ghz.
E-vigileante, le gardien des entrepôts
Mis au point par la start-up d’Ivry (Essonne) Eos Innovation, le robot e-vigilante ressemble à une sorte d’aspirateurs. Sa particularité ? Il effectue lui-même la cartographie du lieu à protéger lors d’une première ronde. Nul besoin donc de lui entrer manuellement toutes les spécificités du lieu. Ensuite, il programme de façon aléatoire ses rondes ainsi que la recharge électrique (toujours de très courte durée) de ses batteries. Il détecte les éléments nouveaux, les intrusions et transmet les images – et les alertes – grâce à un réseau Wi-Fi sur l’écran d’un poste de télésurveillance. L’opérateur peut alors demander au robot de se déplacer à un endroit précis où il souhaite lever un doute. En cas de rupture du signal Wi-Fi, EOS enclenche une redondance de la transmission en utilisant le réseau mobile 3G. La contrainte étant alors de réduire au maximum les débits d’images transmis.
© Catherine Bernard / TCA-innov24
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