Même si elle n'a rien de spectaculaire, leur évolution est bien réelle. Comme nous l'avons constaté à travers deux entreprises spécialisées bien différentes...
Dubernard est une entreprise familiale fondée en 1934 par Charles Dubernard. Aujourd’hui dirigée par Michel et Jacques Dubernard, elle est toujours restée très proche des professionnels du feu : depuis quatre générations, tous ses cadres sont d’anciens sapeurs-pompiers de Paris.
Autre spécialiste incontesté de l’extincteur portatif et mobile, Isogard est devenue une filiale de Tyco Fire & Integrated Solutions, ce qui lui a permis de consacrer de nouveaux moyens à son développement technique, logistique et commercial, pour offrir à sa clientèle une gamme renouvelée et un service de proximité renforcé. Yves Renaud est président d’Isogard.*
L’aspect réglementaire et normatif
Dans le domaine de l’extinction portative et mobile, l’expertise française a été et reste un modèle, d’ailleurs souvent en tête des groupes de travaux liés aux révisions de toutes les normes européennes.
La France a aussi imposé en Europe une stratégie d’équité technique et de certification. Pour Yves Renaud : « La France représente un cas un peu particulier, en ce qu’elle est numéro 1 pour tout ce qui est extincteur à pression auxiliaire.
L’aspect normatif (norme européenne EN3) n’a pas connu récemment de grands bouleversements, à l’exception du fait que des accords sont en cours aujourd’hui entre différents pays pour la reconnaissance d’essais mutuels, notamment afin de pouvoir faire homologuer les produits dans chaque pays. »
Michel Dubernard constate que, même si les choses ne semblent pas beaucoup évoluer…, « il y a de plus en plus de réglementations qui exigent des extincteurs. Le texte le plus récent, qui date de juin 2005, impose des extincteurs dans les élevages avicoles.
L’extincteur est un moyen de secours reconnu et qui s’étend. Témoin l’agriculture (je ne parle pas de l’industrie agroalimentaire), qui était peu touchée par les extincteurs jusqu’à une époque récente… Donc, nous avons deux, trois ou quatre règlements qui viennent s’ajouter tous les ans à l’arsenal existant. Cette évolution est constante depuis soixante-dix ans.
Le degré de fiabilité des extincteurs atteint quasiment la perfection aujourd’hui. Le secteur est contrôlé par l’État, puisque c’est un arrêté ministériel de 1984 qui rend obligatoires les extincteurs et notamment leur conformité aux normes (avec essais au CNPP, etc.) De leur côté, les installations sont, elles aussi, correctes, à cause de la prégnance des assurances qui exigent des installations conformes aux textes les concernant. »
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La formation au maniement des extincteurs
« C’est un vrai problème », reconnaît Michel Dubernard, « nous plaçons le bon extincteur au bon endroit, mais nous butons parfois sur l’utilisation. Le combat contre le feu n’est pas si aisé ! Si un utilisateur a un peu peur du feu, ne sait pas se servir de l’appareil et hésite en plus au lieu d’intervenir, cela fait trois bonnes raisons pour que l’extincteur ne remplisse pas son rôle – ou mal.
C’est le seul problème actuel, car on n’entend plus parler aujourd’hui d’extincteur qui ne marche pas. Nous avons aussi fait des progrès dans la simplification du maniement, notamment en élaborant un design didactique, avec un mode d’emploi de plus en plus simplement expliqué.
Il nous arrive d’être mis en cause par des gens, sur des sinistres, qui nous disent que nos extincteurs n’ont pas marché. Et, bien sûr, nous prenons cela très au sérieux. Nous leur demandons de refaire leurs gestes – qui sont les mauvais gestes. Ou bien ceux qui les rechargent eux-mêmes les rechargent complètement, alors qu’il faut réserver au moins un tiers du volume à la chambre d’expansion. Le remède, c’est la formation.
J’ai ouvert, pour mon entreprise, un centre de formation incendie à Bezons, le 24 juin 2005. Il existe aussi des logiciels interactifs, des programmes du CNPP. La formation est donc au centre des préoccupations de la profession. Elle peut être effectuée par l’utilisateur lui-même, mais aussi par nous ou nos confrères, qui assurons la formation théorique et pratique à l’extinction du feu directement sur place ou dans des centres comme le nôtre. »
Yves Renaud fait le même constat : « C’est une question très importante. Nous avons d’ailleurs dans notre entreprise des spécialistes qui sont chargés de former les équipiers de première intervention dans les entreprises, au maniement des extincteurs et à l’évacuation des locaux.
C’est un aspect très important ; d’autant plus que l’on ne se rend pas forcément compte du pouvoir d’extinction d’un appareil, tant qu’on n’en a pas utilisé un. » Un autre fabricant, Desautel, a affrété des camions uniquement dédiés à la formation.
L’équipement des particuliers et le marché
« La formation est encore plus importante, ajoute Yves Renaud, pour les appareils destinés aux particuliers. Nous allons de plus en plus vers un devoir de conseil, qui ne prend pas seulement en compte l’extincteur, mais une protection plus globale contre l’incendie qui passe aussi par le détecteur autonome de fumée et le détecteur de monoxyde de carbone. Une loi vient d’ailleurs d’être votée au Parlement, qui va imposer l’équipement en détecteur autonome de fumée.
La protection contre l’incendie est un ensemble, dont l’extincteur n’est qu’un élément. Ce qui est en amont, en prévention, est tout aussi primordial. Si un feu se déclare la nuit, il est important d’avoir un détecteur autonome de fumée, de même qu’un détecteur de monoxyde de carbone se révèle indispensable en hiver, pour limiter les risques liés à une mauvaise combustion. »
Ce marché du particulier, pourtant, constate Michel Dubernard : « Il est réduit à sa plus simple expression et je dirais même qu’aujourd’hui, avec une vue dynamique du passé, du présent et de l’avenir, on observe une régression de 2003-2004 à 2005. » La nouvelle loi sur l’obligation des Daaf représente peut-être un premier pas vers la généralisation des extincteurs dans l’habitat ?
« Elle va dans le bon sens, mis à part le fait de savoir qui va payer. Cela n’est pas tranché. C’est au Sénat en ce moment et les associations de propriétaires et de locataires se battent pour que ce soit l’autre ». Nous risquons donc d’avoir au dernier moment un arrêt de ce mouvement… Mais, c’est une avancée vers le marché des particuliers.
« Nous ne vendons pas aux particuliers, mais surtout aux collectivités locales ou territoriales et aux plus grandes entreprises. Les ministères et les mairies représentent un potentiel énorme dans l’extincteur, de l’ordre de 40 à 50 % du marché et si on y ajoute les sociétés nationales, on dépasse les 50%. L’armée, par exemple, possède beaucoup d’extincteurs, qu’elle entretient en partie pour elle-même, dans ses camps, dans ses camions et dans ses installations. »
Il en va de même pour la SNCF. « Le marché global est stable. Aujourd’hui, on est passé d’un parc de 14 millions à 15 millions, parce qu’on a pris en compte un certain nombre d’extincteurs appartenant à de grandes entreprises, et non déclarés (parce qu’ils n’avaient pas à l’être). Le marché annuel varie de 2 à 2,4 millions d’appareils.
Aujourd’hui, on est plutôt à 2,4 millions, voire 2,5, mais cela est dû à une recrudescence des plus petits appareils. On observe ainsi des années à 400 000 petits extincteurs et des années à 800 000. Mais le marché des appareils de plus de 4 kilos est stable, lui, à moins de 10 % près. »
Évaluation un peu différente, pour Yves Renaud :
« En nombre d’unités, l’extinction mobile dans son ensemble couvre, de manière assez stable au fil des ans depuis la dernière décade, un marché de 2,2 millions d’appareils par an dans un parc d’environ 20 millions d’appareils qui sont surtout implantés sur les lieux de travail ou recevant du public, qui sont régis par des réglementations elles aussi assez stables (droit du travail, ERP, etc.)
Pour tout ce qui est dans ce domaine réglementaire, il n’y a pas eu de grands changements récents. La progression, assez stable elle aussi, se situe autour de 2 à 3 %. Quant aux particuliers, ils sont toujours, hélas ! assez nettement sous-équipés. La loi qui vient de tomber sur le DAF pourrait peut-être faire évoluer les choses à moyen terme, mais on évalue à moins de 10 % les ménages français qui sont équipés d’un extincteur. »
L’évolution technologique
Pas de révolution dans les trois catégories d’extincteurs, dont les caractéristiques restent assez constantes. > Les extincteurs à poudre, seuls capables d’éteindre des feux de classe A, B et C sur lesquels la poudre bloque les flammes et isole les braises, sont aussi les plus dégradants, à cause du pouvoir de corrosion de la poudre. >
Les extincteurs à eau (plus 1 à 3 % d’émulseurs) réduisent le rayonnement des feux de classe A et B par vaporisation, leurs additifs déposant un film isolant sur le combustible.
> Les extincteurs au CO2, non conducteur d’électricité par nature, restent les plus adaptés aux feux de classe B (notamment électricité, électronique, téléphonie, informatique…).
Ce sont aussi ceux qui provoquent le moins de dégâts. Sur ce sujet, Michel Dubernard constate que cela masque en fait une profonde évolution : » Je n’observe la situation « que » depuis cinquante ans (sourire) et quand je vois apparaître une nouveauté chez un confrère, il s’agit presque toujours d’un ancien procédé amélioré.
Il y a cependant eu une évolution notable, car on parvient à éteindre aujourd’hui un incendie de 300 litres d’essence avec un appareil de même volume que celui qui en éteignait 100 en 1950. C’est dû pour une part aux agents eux-mêmes. La poudre, par exemple… Mais cette efficacité accrue est surtout liée à la finesse de diffusion. Et à la fiabilité. Les entreprises ont toutes fait un gros effort de qualité.
Elles sont certifiées ISO 9000 et les laboratoires sont de plus en plus exigeants. Maintenant, les extincteurs sont testés de – 10 à – 20° C, on les met sur l’équivalent d’un camion qui ferait 40 000 km sur tôle ondulée, on fait tomber un gros poids dessus pour les tester au choc… »
Et, effectivement, on n’entend plus parler d’extincteurs convenablement entretenus et vérifiés qui se seraient montrés défaillants à l’usage.
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Cet article est extrait du Magazine APS 147 – numéro de janvier 2006. (Photos ISOGARD)
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