2.000 milliards d’euros ! C’est le coût estimé des accidents du travail et des pertes liées aux maladies professionnelles et à l’absentéisme, soit 4% du PIB mondial BIT/EU-OSHA). En France, ce chiffre s’élève à 60 milliards d’euros, soit 3% du PIB national. Ces chiffres donnent le ton de la 4ème édition du Baromètre de la prévention des risques professionnels en entreprise mené par Dekra Industrial, un des leaders européens de l’inspection et de la certification (bâtiment, l’industrie, environnement, transports). Une étude qui laisse un goût non pas amer mais salé-sucré.
Des efforts importants malgré la crise. Côté ‘‘sucré’’, les 900 entreprises françaises interrogées (contre 800 en Allemagne, 300 aux Pays-Bas et autant en Pologne) gardent les bons réflexes. En effet, elles sont 92% à utiliser les équipements de protection individuelle, l’affichage interne de consignes (91%), la formation des collaborateurs (90%), la mise aux normes des installations (87%), les procédures, consignes et modes opératoires (86%)… « En 10 ans, d’énormes progrès ont été accomplis en France. Et les résultats témoignent d’habitudes bien ancrées dans les groupes de l’Hexagone, analyse Bernard Le Coupanec, directeur général adjoint de Dekra Industrial SA. S’il est excessif de parler de véritable culture de la prévention, on ne peut qu’applaudir ces bons réflexes désormais intégrés par près de 9 entreprises françaises sur 10. » Bref, en France, on préfère former, notamment au sujet des bons gestes et des bonnes postures plutôt qu’investir dans l’amélioration du poste de travail.
Si la France (74%) est loin derrière l’Allemagne (85%) en matière d’analyse des accidents, elle n’a pas à rougir de sa performance puisqu’elle devance très nettement la Pologne (40 %) et les Pays-Bas (36 %). Même constat concernant la plupart des autres axes de prévention où la France fait presque toujours jeu égal avec son voisin d’outre-Rhin. Les entreprises françaises sont néanmoins en retrait dans un domaine : le suivi des propositions des CHSCT (Comités hygiène, sécurité et conditions de travail). Là où nos collègues allemands affichent un taux d’utilisation de plus de 80 %, la France dépasse à peine les 75 %. « Pourtant, en quelques années cet indice a bondi de 20 points. Il s’agit là d’un très bel effort de la part des groupes français. Surtout en temps de crise, souligne Bernard Le Coupanec. En effet, depuis une dizaine d’années, de plus en plus de dispositifs, comme le DU (Document unique), ont facilité les prises de conscience pour une meilleure santé au travail. « Les entreprises affirment une plus grande volonté de se faire certifier », enchaîne Sébastien Roddier, directeur du développement de Dekra Industrial SA qui note cependant un tassement des certifications Iso 9001 (assurance de la qualité) de 54% en 2011 à 49% en 2014 et d’Iso 14001 (environnement) de 28% à 23% sur la même période. La certification OHSAS 18001 reste stable à 14%. « Certaines entreprises n’actualisent plus leurs certifications car, avec la crise, elles n’ont pas les moyens de financer les mesures d’amélioration requises par le suivi de la norme. »
Pression croissante sur les salariés. Côté ‘‘salé’’, 81% des entreprises interrogées déclarent en 2013 ne pas avoir subi de sinistres au cours des 2 dernières années, contre 89% deux ans plus tôt. Soit un recul de 8 points ! La faute à qui ? Aux salariés, si l’on en croit le panel interrogé. En effet, 84% des entreprises considèrent que le comportement des salariés est un facteur d’accroissement des risques d’accidents dans l’entreprise. « Il convient de modérer ce résultat lorsque l’on considère que 40% des entreprises de plus de 5.000 collaborateurs estiment que la pression croissante mise sur les salariés aggrave le risque d’accident », poursuit Bernard Le Coupanec qui enregistre le même constat auprès de 20% des sociétés de moins de 50 personnes.
Mais, si 79% des entreprises tricolores interrogées affirment utiliser la prévention pour communiquer auprès de leurs collaborateurs (via des campagnes d’affichage, des équipements de protections individuelle, des formations…), le document unique, pourtant obligatoire depuis 2001, n’est à jour que dans 59% des cas. Ce sont surtout les TPE et PME qui, avec 42%, éprouvent des difficultés à l’actualiser – contre 80% dans les grandes entreprises. « Or le DU reste fédérateur dans une stratégie de prévention efficace et pérenne », estime Bernard Le Coupanec.
Françaises : +179,5% de maladies professionnelles. Si les accidents du travail concernent encore aujourd’hui deux hommes pour une femme, il n’en demeure pas moins que les deux populations connaissent, depuis 10 ans, des évolutions diamétralement opposées concernant leur situation face au risque. Le nombre d’accidents concernant les femmes ayant augmenté de 21,8% entre 2001 et 2011 alors que celui des hommes a baissé, sur la même période, de 18,6%. Dans le même temps, les maladies professionnelles affectant les femmes ont augmenté de 179,5% alors qu’elles n’ont augmenté ‘‘que’’ de 92% chez les hommes (Source : Anact/INRS). Ce phénomène s’explique, notamment, par le cumul des charges professionnelles et familiales qui les concerne plus particulièrement. « Par ailleurs, sur cette période, la culture du risque et de la SST a considérablement évolué. On comptabilise aujourd’hui des choses auxquelles on ne pensait pas autrefois », tempère Bernard Le Coupanec.
Jeunes de moins de 20 ans : 3 fois plus exposés que les 50-59 ans. Outre le genre, l’âge reste un facteur de disparité dans les risques encourus. En effet, une étude publiée par la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) indique que, à durée d’exposition égale, les salariés de moins de 20 ans ont trois fois plus d’accidents que ceux de 50 à 59 ans. Les 20-29 ans ne sont guère épargnés avec un taux d’accident deux fois plus élevé que les 50-59 ans. Le manque d’expérience et de maturité et le fait que les jeunes soient affectés à des postes plus exposés sont des facteurs pouvant expliquer ces chiffres. La précarisation des conditions de travail et le rapport des jeunes au risque contribuent également à les exposer davantage à des situations accidentogènes.
Erick Haehnsen
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