Seule, la réglementation ne suffit pas à inciter les entreprises à se préoccuper de la prévention des risques professionnels. La Sécurité sociale et les mutuelles prennent aussi le relais par la mise en place d'incitations aussi bien financières qu’extra-financières. Taux de cotisation, bonus-malus, conseils... les mécanismes sont multiples.
L’Institut national de recherche et sécurité (INRS) a dénombré 36 accidents du travail avec arrêt pour 1.000 personnes en France en 2012. Il s’agit d’un minimum historique, loin des 150 accidents du travail avec arrêt pour 1.000 personnes enregistrés dans les années 1950. « Cette baisse est due pour moitié à la tertiarisation de l’économie et pour moitié aux progrès accomplis par les entreprises dans la prévention des risques professionnels », note Pascal Jacquetin, adjoint du directeur des risques professionnels à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts).
Pour autant, les indicateurs ne sont pas tous au vert. Le nombre de maladies professionnelles augmente sur la dernière décennie, tiré par les troubles musculosquelettiques (TMS) en hausse moyenne de 8% par an. Pour sa part, le baromètre prévention des risques professionnels 2014 de Dekra Industrial, un des leaders européens de l’inspection et de la certification (bâtiment, l’industrie, environnement…), pointe la fin de la baisse des accidents du travail en 2013. Sans être alarmiste, Dekra Industrial observe que, depuis deux ans, les progrès en matière de prévention des risques sont moins visibles et certaines actions lancées avant la crise ne se sont pas concrétisées. Même son de cloche pour Stéphane Bouissou, chef de projet chez Bureau Veritas, organisme TIC (Test inspection et certification): « De gros efforts de mise en conformité des équipements de travail ont été réalisés par les entreprises. Mais il en reste à réaliser sur les facteurs humains : les bonnes pratiques de sécurité et des gestes professionnels sûrs, notamment dans le domaine de la réduction des facteurs de risques et de pénibilité, restent des enjeux important pour les années à venir.»
Prévention des risques : une mission de la Cnamts. Pas question donc de baisser la garde. La réglementation contribue à inciter les entreprises à se préoccuper de la prévention des risques. Mais elle ne suffit pas. Les assureurs ont aussi leur rôle à jouer. Émanation de la Sécurité sociale créée en 1967, la Cnamts compte justement parmi ses principales missions l’assurance contre les risques professionnels. Outre l’indemnisation, cela comprend la prévention des risques professionnels. « Nous n’effectuons pas seuls cette mission, précise Pascal Jacquetin. Nous sommes à la tête de la branche accident du travail – maladie professionnelle (AT-MP), qui regroupe également l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et les Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) présentes en région. »
Bonus-malus. Cette branche AT-MP dispose principalement de mécanismes financiers pour inciter les entreprises à rendre leurs lieux de travail plus sûrs. Le taux de cotisation payé annuellement par l’entreprise de plus de 20 salariés augmente proportionnellement avec leur sinistralité et les coûts qu’elle a engendré. « Nous nous appuyons sur trois modes de tarifications, indique Pascal Jacquetin. La tarification collective s’applique aux entreprises de moins de 20 salariés. La cotisation que paie l’employeur correspond alors à la cotisation du secteur d’activité dans lequel exerce l’entreprise. En revanche, pour les sociétés de 150 salariés et plus, la cotisation est individualisée. Cette fois-ci, la tarification dépend directement de la sinistralité de chaque établissement. Plus l’entreprise aura d’accidents et plus sa cotisation sera élevée. Et inversement. » Pour les entreprises de 20 à 150 salariés, la cotisation est mixte. Elle est un compromis entre le taux collectif de l’activité et le taux individuel de l’établissement. Plus l’effectif de l’entreprise s’approche de 149, plus la part du taux individuel est importante par rapport à celle du taux collectif.
Aides financières simplifiées. La Cnamts accorde également des subventions aux entreprises qui investissent dans l’amélioration des conditions de santé et de sécurité au-delà de ce que leur impose la réglementation. « Il existe ainsi le contrat de prévention passé entre les Carsat et l’entreprise de moins de 200 salariés et pour lequel nous finançons en partie l’investissement en matériel de sécurité », explique Pascal Jacquetin. Mais ce contrat de prévention ne peut être conclu que si au préalable une convention nationale d’objectifs a été conclu entre la Cnamts et l’organisation professionnelle à laquelle appartient l’entreprise.
« L’outil est utile mais lourd pour les petites entreprises, poursuit Pascal Jacquetin. Pour elles, nous avons spécifiquement mis en place les Aides financières simplifiées (AFS) depuis quatre ans. Ces aides permettent à l’entreprise d’acheter son équipement de sécurité puis se faire rembourser tout ou une partie sur présentation de la facture. Cette subvention est plafonnée à 25.000 euros. » La Cnamts consacre une enveloppe annuelle de 50 millions d’euros à ces deux mécanismes de subvention.
700 ingénieurs conseils et contrôleurs sécurités. Plus que des incitations financières, c’est parfois d’accompagnement et de conseils dont l’entreprise a besoin pour sécuriser son lieu de travail. Pour répondre à ce besoin, la branche AT-MP de la sécurité sociale dispose d’un réseau de 700 ingénieurs conseils et contrôleurs sécurité répartis dans les Carsat (vidéo de présentation du rôle des contrôleurs sécurité). « Ils sont autorisés à entrer dans les entreprises de jour comme de nuit et peuvent les inviter à prendre toute mesure de prévention, au-delà même des mesures réglementaires, souligne Pascal Jacquetin. Leur champ d’action est plus large que celui des inspecteurs du travail. » Dans la majorité des cas, les entreprises suivent les conseils de ces ingénieurs conseil. Dans le cas contraire, « nous pouvons majorer le taux de cotisation de l’entreprise jusqu’à 200 % », poursuit Pascal Jacquetin.
L’action des mutuelles. Autre acteur de l’assurance, les mutuelles mettent aussi en place des aides non financières. La Fédération des mutuelles de France (FMF), qui fédèrent 118 groupements mutualistes, dispose même d’un centre de ressources en prévention des risques professionnels depuis mai 2007. « Notre objectif est d’informer et accompagner les adhérents sur les problèmes de santé au travail, précise Carole Hazé, responsable prévention à la FMF. Il est aussi de faciliter le débat entre les différents acteurs de l’entreprise que ce soit la direction, les syndicats ou les Comités hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT), afin d’instaurer une politique efficace de sécurité et de santé au travail. Notre démarche est avant tout globale. Pour éviter les accidents, nous estimons qu’il faut d’abord s’interroger sur la façon dont l’entreprise organise le travail. »
Concrètement, la FMF organise des colloques et des ateliers de travail au sein des entreprises volontaires. « Nous y abordons des thèmes variés, de l’amiante à la souffrance au travail, en passant par les TMS, poursuit Carole Hazé. Nous accompagnons également les entreprises dans l’élaboration de leur document unique, qui doit faire le point chaque année sur leur politique de prévention des risques professionnels. » La FMF édite également des classeurs intitulés Pro risques qui résument les outils de prévention en santé au travail sur des thématiques précises. Comme, par exemple, l’amiante et les TMS.
Fabrice Pouliquen
Quel accompagnement existe-t-il pour l’entreprise lorsque l’accident survient ?
Si la prévention des risques professionnels est couverte par de nombreux acteurs, qu’en est-il de l’accompagnement de l’entreprise lorsque l’accident survient ? « Peu d’assureurs offrent des solutions sur ce point, observe Laurent de Keranrouë, dirigeant de la société de conseil en assurance Pialys. Or, en matière d’accident, le risque zéro n’existe pas même avec la meilleure politique de prévention. »
Des accidents chers pour l’entreprise. Et lorsque l’accident survient, il coûte cher à l’entreprise. « Un accident entraînant une incapacité temporaire de travail de plus de 150 jours coûtera en moyenne 30.000 euros à l’entreprise (selon le barème 2014 fixant les coûts moyens des catégories d’incapacité temporaire et d’incapacité permanente pour le calcul des cotisations AT/MP, ndlr), indique Laurent de Keranrouë.
Ce montant est susceptible d’impacter la rentabilité financière de l’entreprise. Ce courtier en assurance a ainsi lancé la solution d’assurance AT/MP Sérénité qui est opérationnelle depuis janvier 2012. « Cette solution tient compte de la double réforme de 2010 avec, d’une part, la réforme juridique portant sur les accidents du travail et/ou les maladies professionnelles qui a réduit à 2 mois les délais de contestation auprès de la CPAM. Et, d’autre part, la réforme de tarification avec la mise en place des coûts forfaitaires par secteur d’activité à partir de 2012 », développe Laurent de Keranroué.
Trois prestations. Pour sa part, l’offre AT/MP Sérénité intègre trois prestations : « Une plate-forme de gestion des AT, agréée par la CPAM sur laquelle l’entreprise déclare ses accidents du travail ou maladies professionnelles, une assistance juridique pour émettre des réserves ou contester auprès de la CPAM et une assurance qui prend en charge l’augmentation du taux AT si l’accident ou la maladie est reconnue d’ordre professionnel. »
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