A l'occasion de la refonte du Livre VI du Code de la sécurité intérieure, un possible élargissement les rapprocherait les professionnels de sécurité des forces de l’ordre.
Verra-t-on un jour les agents de la sécurité devenir des auxiliaires des forces de l’ordre ? C’est la question que se posent les acteurs de la sécurité privée qui, après avoir beaucoup œuvré pour la refonte du Livre VI du Code de la sécurité intérieures (CSI), attendent impatiemment la version définitive de ce projet. Laquelle joue l’Arlésienne.: « Le mutisme de la délégation interministérielle chargée de la rédaction du projet de loi est probablement dû au calendrier des élections municipales qui reporte toutes les décisions », s’efforcent de croire Danièle Meslier, déléguée générale de l’Association des métiers de la sécurité (ADMS) et Pierre-André Testard, délégué général du Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes).
Services privés et publics : quelles synergies ? En vérité, douchés par les expériences antérieures, tous deux s’inquiètent d’éventuelles mauvaises surprises : « Nous avons toujours le sentiment d’essuyer les plâtres des nouvelles mesures, proteste Danièle Meslier. En 2005, le décret sur les aptitudes professionnelles est paru sans qu’aucune formation n’ait été prévue. En 2014, les entreprises doivent renouveler la Carte professionnelle de leurs salariés, créée en 2009, alors que certaines entreprises n’ont toujours pas obtenu leur agrément des autorités. Or, faute de pouvoir exercer, elles subissent un cruel manque à gagner. » C’est pourquoi, si Pierre-André Testard se dit favorable à l’amélioration de la collaboration avec les forces de l’ordre souhaitée par l’État, il s’interroge sur la portée de cette collaboration : « Services publics et privés pourraient développer des synergies pour la sécurité événementielle, la sécurité mobile et l’intervention ou dans la lutte anti-cambriolage, admet-il. Mais cela suppose de créer un système de qualification des entreprises privées selon les missions demandées. » Particulièrement si, comme le projet de loi paraît l’envisager, la compétence des services privés s’élargit à la recherche d’explosifs dans les lieux privés. La sécurité privée devra-t-elle s’adjoindre des équipes cynophiles, s’équiper d’appareils à faire sauter les colis suspects ou se munir d’armes ? Toutes ces questions restent, pour l’heure, sans réponse.
Nouvelles exigences. Et c’est bien ce qui préoccupe les professionnels de la sécurité privée. Lesquels ont le sentiment qu’ils financeraient ainsi une part non négligeable de la sécurité publique du pays sans frais ni embauche pour l’État. Une donnée qu’ils ne négligent pas dans leurs négociations sur la refonte du Code de la sécurité intérieure et qui les pousse à augmenter leurs exigences : « Nous sommes favorables à la refonte du Code de la sécurité afin qu’il réponde à l’évolution des métiers, des technologies et des réglementations, assure Danièle Meslier. Mais nous souhaitons que le nouveau Code intègre également l’incendie, à savoir les Services de sécurité incendie et d’assistance aux personnes (SSIAP). Ainsi que l’ensemble des installateurs d’alarme, électriciens compris. Si ce projet aboutit, les entreprises et salariés entrant dans le champ d’application du CSI (Code de la sécurité intérieure) devront faire face à de nouvelles démarches. Notamment, l’obtention de la carte professionnelle et de l’aptitude professionnelle. Ils devront aussi prévoir de contribuer au Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), soit 0,5% du chiffre d’affaires correspondant aux activités mentionnées dans cette nouvelle réforme. »
Demandes de contrôle. Et Pierre-André Testard de renchérir : « Les personnels qui mettent en service et règlent les systèmes d’alarme et de vidéo ont accès aux codes de sécurité. De même, toute l’informatique des systèmes de sécurité dépend d’eux. Imposer la carte professionnelle à ces techniciens garantira leur moralité et leurs compétences. » Autre contrôle voulu par le Snes, celui des titres accordés par les organismes de formation : « Sur le plan de la sécurité privée, nous avons quelques doutes en ce qui concerne la qualité d’un certain nombre d’organismes de formation et, donc, sur la compétence de leurs diplômés, commente le délégué général du Snes. Nous voudrions être certains que la refonte entérine la présence d’un intervenant extérieur aux examens afin de contrôler la qualité de ces formations. Une chose semble acquise : c’est le Cnaps qui devrait nommer ces tiers de confiance. » Clairement, les professionnels de la sécurité privée prennent leur nouveau rôle au sérieux.
Michel Grinand
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