Conseiller-maître à la Cour des comptes, ancien président de la Commission des relations du travail au Medef et, à ce titre, ancien président de l’Unedic, Michel de Virville s’était vu confier en novembre dernier par le gouvernement une mission de facilitation et de concertation permanente sur le nouveau droit nouveau du Compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP), ouvert par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Promesse de simplicité. A l’issue d’une première phase de consultation, Michel de Virville a présenté ce matin aux partenaires sociaux des propositions concrètes pour la mise en œuvre du CPPP. On en ignore le contenu. Cependant les deux ministres concernés, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, et Michel Sapin, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, « se félicitent de la qualité du dialogue mené avec les partenaires sociaux dans le cadre de cette mission », annonce un communiqué officiel. Les ministres saluent en particulier le souhait partagé par l’ensemble des parties prenantes de mettre en place le CPPP dans des conditions de simplicité maximale, tant pour les entreprises (mécanisme de recensement et de déclaration des situations de pénibilité), que pour les salariés (barème d’acquisition et règles d’utilisation des points).
Calendrier serré. Le travail suit son cours selon la méthode et le calendrier impartis. Michel de Virville va désormais soumettre ses propositions à la concertation avec l’ensemble des parties prenantes (représentants des salariés et des employeurs au niveau national et au niveau des branches, DRH, médecins du travail, etc. ). Le gouvernement annoncera cet été, après concertation des partenaires au niveau ministériel, les modalités pratiques retenues pour la mise en place du compte ainsi que les seuils d’exposition à la pénibilité, pour une ouverture du dispositif au 1er janvier 2015 comme prévu par la loi.
Erick Haehnsen
Synthèse de la première étape établie par M de Virville pour permettre le recueil des contributions dans une deuxième étape de la concertation
Remarque : ce document ne préjuge pas du dispositif qui sera retenu par le gouvernement, il a été établi par M de Virville pour recueillir de façon cohérente et concrète les réactions des partenaires sociaux au niveau national et dans les branches.
Il vous est proposé de formaliser vos positions en réagissant à chacun des paragraphes de ce document identifiés par une lettre et un chiffre. Bien sûr vous pouvez, si vous estimez que certains sujets ont été omis, les introduire dans votre réponse.
A. Un référentiel interprofessionnel, déployé dans les entreprises et les branches
A1. Pour chacun des 10 facteurs de pénibilité, les seuils associeraient systématiquement l’intensité de l’exposition et sa temporalité. Pour être au delà du seuil, il faudrait un niveau suffisant apprécié conjointement sur ces deux dimensions.
A2. Le mois pourrait être à la fois le moment où serait recensée l’exposition dans la situation habituelle de travail (décrite forfaitairement par une moyenne mensuelle) et où serait versée la cotisation spécifique. Cette appréciation mensuelle pourrait être déterminée en une seule fois si cette valeur moyenne est stable dans l’année. Si l’employeur le souhaite, la mesure mensuelle pourrait résulter d’une description plus analytique des situations de travail des salariés concernés.
La cotisation spécifique serait perçue sur l’assiette de droit commun du régime général. La cotisation ne serait pas due pour les absences de longue durée et les périodes de chômage partiel au delà d’un certain délai.
A3. Pour les contrats précaires infra mensuels, l’exposition serait appréciée en proratisant le critère de
temporalité des seuils appliqué pour les CDI en fonction de la durée du contrat. Dès lors que l’exposition à la pénibilité apparaitrait supérieure à un ou plusieurs seuils ainsi proratisés :
– La cotisation correspondante serait versée sur l’assiette du contrat ;
– Les durées d’exposition seraient sommées et un point serait acquis dès lors que la durée d’exposition dépasserait une période de référence.
Pour les contrats d’intérim, l’EU fournirait à l’ETT dans le contrat qui les lie les éléments prévisionnels nécessaires à la déclaration qu’il reviendra à l’ETT de faire en tant qu’employeur. Les informations relatives à l’exposition effective seraient actualisés si besoin en fin de contrat.
A4. Pour les contrats à temps partiel, l’exposition serait appréciée en utilisant les mêmes seuils que pour les CDI. Pour les salariés à temps partiels multi – employés, le seuil d’exposition pourrait être proratisé.
A5. Les règles précédentes et la définition opérationnelle des facteurs et des seuils constitueraient le référentiel national interprofessionnel pour l’appréciation de l’exposition à la pénibilité.
Mais la façon dont ce référentiel s’appliquerait pour évaluer la situation habituelle de travail et son éventuelle exposition au delà des seuils dépendrait, sur le terrain, de l’activité de l’entreprise, des métiers et des postes et des mesures de prévention mises en œuvre. Il est probable que les entreprises, au moins au delà d’une certaine taille, déploient des modes d’emploi adaptés dans le respect du référentiel interprofessionnel.
A6. Il serait très utile que de tels modes d’emploi adaptés soient également développés par les branches au bénéfice des entreprises ; ces modes d’emploi pourraient faire l’objet d’une vérification de conformité au référentiel, voire, comme la loi l’envisage, d’un accord étendu. Ceci favoriserait la vitesse et l’homogénéité de déploiement du référentiel. Dans le cadre de la concertation qui a été engagée, un effort particulier sera fait pour que de tels modes d’emploi soient développés par les branches. Ces modes d’emploi pourraient également favoriser le développement de mesures de prévention
A7. S’agissant des mesures de prévention individuelles et collectives susceptibles de faire passer l’exposition du salarié en – deçà des seuils, leur identification s’appuierait tout particulièrement sur les documents élaborés par les entreprises en application de la réglementation pour l’appréciation des risques et l’application de mesures de prévention (document unique, plan de prévention, mais aussi accords collectifs, etc… ). Une forte cohérence devrait être recherchée entre ces documents et l’évaluation de l’exposition individuelle à la pénibilité.
A8. Pour l’application de l’obligation de négocier prévue par la loi de 2010, le décompte des salariés dont l’effectif déclenche l’obligation de négocier a changé (salariés exposés au delà des seuils ouvrant droit au bénéfice du compte et non plus ensemble des salariés déclarés comme exposés par l’employeur). Pour tenir compte de ce changement, le seuil de 50% pourrait être revu à la baisse.
B. Ouverture et abondement du compte personnel de prévention de la pénibilité
B1. Le nombre de points susceptibles d’être acquis par un salarié sur l’ensemble de sa vie professionnelle serait plafonné au nombre de points qui permette la mise en œuvre de 8 trimestres de retraite ou de passage à temps partiel ainsi que des points ne pouvant être utilisés que pour le financement d’une formation (2 trimestres). L’employeur continuerait de cotiser une fois le plafond atteint.
B2. Pour ce qui est des générations âgées de plus de 59,5 ans au 1er janvier 2015, la réserve de points pour la formation ne serait pas appliquée et l’acquisition des points se ferait à un rythme doublé. Pour les générations ayant entre 55 et 59,5 ans au 1er janvier 2015, la réserve pour la formation ne serait pas appliquée. Elle serait appliquée, mais pour un montant divisé par deux, pour les générations âgées de 52 à 55 ans au 1er janvier 2015.
C. Contrôle Contentieux Gouvernance
C1. Le contrôle opéré par la CARSAT porterait sur l’exhaustivité de la déclaration des expositions, mais vérifierait également que les expositions déclarées ne sont pas surestimées.
C2. Faut-il prévoir une participation des partenaires sociaux à la commission qui examine les recours pré-contentieux ? Comment assurer la cohésion des décisions des commissions ?
C3. La gouvernance du fonds serait tripartite.
D. Les facteurs et les seuils
D1. Manutention manuelle de charges
Deux situations pourraient être distinguées:
– Levé/porté : des poids de plus de 15kg un temps de manutention de plus de 80h par mois
– Poussé/tiré : des poids de plus de 250kg un temps de manutention de plus de 80h par mois
Les seuils de 15 ou de 250kg pourraient être légèrement minorés en cas de prise au sol ou en l’air et de déplacement en charge.
Par ailleurs serait également prise en compte la manutention de 7,5t et plus par jour avec un temps de manutention d’au moins 10 jours dans le mois
Seraient prises en compte les postures suivantes : accroupi, à genoux, bras au-dessus des épaules, torsion du torse et torse fléchi.
Pour l’ensemble de ces postures un temps de plus de 80h par mois
D3. Travail répétitif (répétition des même gestes à cadence contrainte, cf code du travail)
Deux seuils pourraient être utilisés :
– Soit un temps de cycle à 1mn ou moins ou 20 gestes techniques par minute ou plus
– Pour un temps de travail répétitif d’au moins 80h par mois
D4. Travail de nuit
il y aurait travail de nuit au sens de la prise en compte de la pénibilité dès lors que tout ou partie de l’horaire se situerait entre 0h et 5h, avec le cas échéant un quantum minimum de durée sur cette plage. Cette situation devrait intervenir au moins 15j par mois
D5. Equipes alternantes
Ne seraient pris en compte que les horaires alternants impliquant des périodes de nuit (même plage que pour le travail de nuit) au moins 6 jours par mois
En revanche seraient pris en compte non seulement les équipes, mais aussi les horaires irréguliers
D6. Températures extrêmes
Ne seraient prises en compte que les températures inférieures à 0° ou supérieures à 30°
Pour une durée de 80h par mois et plus
D7. Bruit
Pourrait être retenu la valeur d’action obligatoire de 85dB (A) et 137dB (C) pour une durée de 80h par mois
D8. Vibrations
Pourraient être retenues les valeurs d’action obligatoires (2,5 m/s2 pour les mains et les bras, 0,5m/s2 pour le corps entier) pour une durée de 80h par mois
D9. Risque hyperbare
Un critère simple de nombre de plongées ou de nombre d’évènements par mois pourrait être retenu
D10. Risque chimique ACD, CMR et poussière
Pourraient être prises en compte les expositions à des substances sélectionnées au vu de leur impact sur la santé (CMR, ACD susceptibles d’effets chroniques,… ). Le critère retenu pourrait combiner :
– Pour les substances pour lesquelles il existe une VLEP, le seuil pourrait être défini par un pourcentage de celle – ci; l’utilisation d’un équipement de protection individuelle (EPI) peut notamment permettre de passer sous ce seuil par application du facteur de protection assigné (FPA) de l’EPI.
– Pour les autres, le recours à une méthodologie d’évaluation du risque à fixer permettant une cotation sans mesurage, intégrant la prise en compte de l’efficacité des moyens de protection
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