Pendant quelques années, nombreux étaient ceux qui prenaient Ludovic Le Moan pour un doux dingue. « Compteurs intelligents, traçabilité logistique, capteurs environnementaux, capteurs de sécurité… il faut bien un réseau informatique et télécoms pour remonter les milliards de milliards de données produites par des milliards d’objets connectés », explique le fondateur de Sigfox, une start-up basée à Toulouse, Paris, Madrid et Mountain View (Californie).
Pourquoi créer un nouveau réseau informatique et télécoms à l’heure du satellite, du GSM, de la 3G ou même de la 4G ? Trop chers ! « J’ai remis au goût du jour une technologie Low Cost qui servait aux sous-marins lors de la première guerre mondiale. C’est l’Ultra Narrow Band qui servait à transmettre les signaux du Morse, reprend cet ancien titulaire d’un CAP de tourneur devenu ingénieur diplômé de l’école d’informatique Ensimag. Avec cette technologie, on traite des signaux très faibles au milieu d’un énorme vacarme ambiant. » Bref, l’idée centrale de Ludovic Le Moan consiste à refaire dans les transmissions de données ce que Twitter a fait dans les réseaux sociaux : réduire au maximum la taille des messages pour obtenir la meilleure efficacité énergétique et économique.
Mais comment cette simple start-up française d’à peine 60 personnes créée en 2011 peut-elle intéresser une personnalité d’une envergure comme celle d’Anne Lauvergeon, ex-DGA d’Alcatel Telecom et ex-pédégère d’Areva, à la tête de son conseil d’administration ? « Sigfox a su développer une infrastructure innovante en anticipant l’accélération de l’usage des objets connectés », déclare Anne Lauvergeon, par ailleurs présidente de la mission Innovation 2030, qui se dit très intéressée par « le développement de ce projet ambitieux de bâtir le réseau de référence de l’internet des objets ».
Il y a de quoi ! Sigfox, qui emploie 60 personnes, engrange pour 5 millions d’euros de commandes. En outre, la société a levé 27 millions d’euros, notamment auprès de deux nouveaux investisseurs (Idinvest Partners et BPIfrance) dans le sillage de ses actionnaires historiques (Elaia Partners, IXO Private Equity, Intel Capital et Partech). « Nous avons ainsi couvert la France avec une infrastructure de 1 000 antennes qui a coûté 5 millions d’euros qui nécessite 2 millions d’euros en opérationnel. Avec le GSM, il en aurait fallu 30 000, poursuit le président de Sigfox », précise Ludovic Le Moan. Ajoutons que la start-up opère déjà un réseau cellulaire d’envergure mondiale présent dans une dizaine de pays, couvrant plus d’un million de km², entièrement dédié à l’Internet des objets. Au total, Sigfox dispose de 1.300 antennes pour plus de 200.000 objets connectés (panneaux publicitaires, automobiles, alarmes…). Pour se déployer sur d’autres marchés européens mais aussi asiatiques et américains, la société compte lever davantage de fonds grâce à une introduction en Bourse.
Erick Haehnsen
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