Dès l'été, la future norme ISO 45001 sur la gestion de la santé-sécurité au travail fera l'objet d'un premier vote des pays. Mettant ainsi un terme à un débat vieux d'une bonne quinzaine d'années.
Comment faire de la santé et de la sécurité de son personnel un objet de management au même titre que la qualité, la production ou l’environnement ? La réponse varie bien évidemment selon la taille de des sociétés. Mais le nombre et le type d’outils mis à la disposition des chefs d’entreprise s’étoffent en permanence. Se conformer aux exigences réglementaires (rédaction du Document unique d’évaluation des risques, constitution d’un CHSCT pour les entreprises de plus de 50 salariés, etc.) représente bien entendu une première étape. Celle-ci risque cependant de n’être qu’un coup d’épée dans l’eau si elle n’est pas suivie de la définition d’un plan d’action régulièrement évalué.
Recourir aux organismes dédiés. Adopter une méthodologie se révèle donc souvent indispensable. Mais le chef d’entreprise n’est pas seul dans cette tâche : les services de santé au travail, les Agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail (Aract), les Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et les organisations comme l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) sont autant d’interlocuteurs qui peuvent l’aider à faire le point, à dégager des priorités et à orienter sa démarche.
Grilles d’évaluation. Les entreprises peuvent s’aider des grilles d’évaluation disponibles sur le site de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Citons la grille Digest pour les entreprises de moins de 50 salariés et la grille GPS&ST pour les entreprises de plus de 50 salariés. Digest par exemple est un simple tableur qui permet de positionner l’entreprise sur dix points principaux : quelle est l’organisation de la production ? Les allées sont-elles suffisamment dégagées ? Les étiquettes des produits renseignent-elles correctement sur les risques ? Comment l’entreprise est-elle préparée aux situations d’urgence ?… Le but de ces grilles n’est pas tant de juger le management actuel que d’engager la discussion avec les salariés et les partenaires sociaux.
Les phases du projet. La mise en place d’une politique de gestion de la santé au travail répond à quelques principes formalisés l’INRS dans un DVD consacré au sujet (voir photo). En gros, l’ouvrage découpe le projet en plusieurs phases. Tout d’abord, il s’agit »d’écouter le réel », autrement dit de réaliser un diagnostic de la situation et des risques partagés par tous. Indispensable, cette étape permettra de mettre en place un plan d’actions qui mobilisera les équipes. Vient ensuite la phase « Cadrer » qui définit le rôle des différents acteurs. Troisième mot d’ordre : »Innover ». En effet, les systèmes de management de la santé doivent être vivants et laisser la place aux initiatives de terrain. Quant à la phase »Partager », elle consiste à échanger les bonnes pratiques et constitue une autre façon d’empêcher les routines. Enfin, il convient également de réguler en se donnant des outils d’analyse des actions. Dans cette optique, le choix des bons indicateurs est primordial. Par exemple, suivre le poids réel que doivent porter les opérateurs lorsque le port de charges lourdes est apparu comme l’une des questions de l’entreprise. L’entreprise peut aussi, éventuellement, être aidée par des outils logiciels dédiés au suivi de la prévention des risques.
L’ère d’OHSAS 18001. Dans certains secteurs particulièrement « à risque », les entreprises comme EDF ou les branches professionnelles comme l’Union des industries chimiques (UIC) ont, depuis longtemps, mis au point des référentiels santé et sécurité au travail. Ces derniers formalisent la démarche et permettent d’uniformiser les méthodes de travail. Mais depuis une quinzaine d’années, certains acteurs, le plus souvent les grandes entreprises internationales mais aussi certaines PME souhaitant accéder à des marchés spécifiques, ont souhaité la création de référentiels standardisés reconnus par l’ISO, l’organisme international de normalisation. Pendant plusieurs années, le débat a fait rage. Tandis que le Royaume-Uni formalisait la norme BS 8800, véritable précurseur du référentiel OHSAS 18001 (Occupational Health and Safety Assessment Series), certains pays, et notamment la France, étaient opposés à cette démarche, jugeant que la création d’une norme ne fasse passer la procédure avant la démarche sur le terrain. De son côté, l’ Organisation internationale du travail (OIT) a également préféré publier des principes directeurs plutôt que militer pour une norme. In fine, plusieurs référentiels ont coexisté avec une prédominance mondiale en faveur d’OHSAS 18001.
Proche naissance d’ISO 45001. Le débat s’est clôt l’an dernier puisqu’une majorité des membres de l’ISO s’est finalement prononcée en faveur d’une norme, ISO 45001, qui devrait voir le jour en 2016 et dont la première mouture fera l’objet d’un vote cet été. Un temps opposée à la norme, la France a cependant décidé de jouer un rôle actif dans le processus de normalisation. « Nous avons notamment réussi à faire valoir deux points qui nous tenaient à cœur, explique Eric Drais, chercheur à l’INRS et qui participe au chapitre français du processus de normalisation. La norme sera complétée par un guide, montrant le niveau d’exigence requis. Car il ne s’agit pas d’être certifié sans mener de réelles politiques de prévention sur le terrain. » Par ailleurs, l’évaluation de la santé et de la sécurité au travail ne sera pas seulement statistique (taux d’accident, maladies professionnelles…). « Il s’agit d’utiliser des indicateurs de risques et de moyens et pas seulement de résultats afin de créer une véritable culture de prévention et une vraie réflexion sur le sujet », reprend Eric Drais. Afin que la santé reste, non pas un « dossier », mais un véritable « projet ».
Catherine Bernard
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