Grandes manœuvres dans le landernau des professions qui travaillent en hauteur. Le ministère du Travail, l’OPPBTP, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), la Mutualité sociale agricole (MSA), le Régime social des indépendants (RSI) et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ont lancé début juin 2014 la campagne de sensibilisation, ''Travaux en hauteur, pas droit à l’erreur'', visant à faire prendre conscience que le travail en hauteur est dangereux et que les protections collectives doivent être intégrées avant de commencer son activité. Les fabricants s'impliquent au travers de leurs équipements.
Un fléau mondial. Même si elles ne représentent que 16% des accidents du travail en France, les chutes de hauteur restent la première cause d’accidents graves et mortels. En 2012, elles ont été à l’origine de 17.435 accidents avec arrêt, de 29 décès et de 1.994 nouvelles incapacités permanentes de travail. Pour la société civile, le coût de ce fléau s’élève à 33% des dépenses occasionnées par les accidents du travail. Un montant énorme mais qui n’est pas propre à la France : « Dans leur secteur BTP, les Etats-Unis recensent le même pourcentage que chez nous, confie Patrick Darrieus, expert en protection anti-chute à l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP). Une mort sur trois survient lors d’un travail en hauteur. » Bref, c’est un fléau mondial. De surcroît, les chutes de hauteur diminuent moins vite que le reste des accidents du travail. Au Syndicat français de l’échafaudage, du coffrage et de l’étaiement (SFECE), Mathieu Monteil estime que ce décalage vient du fait que « trop de travaux sont effectués par des non-professionnels du travail en hauteur, affirme-t-il. Ils sont maçons ou électriciens et méconnaissent les mesures à prendre. Par ailleurs, si les couvreurs sont les plus touchés, c’est aussi parce que, dans le cadre des bâtiments à énergie positive, ils effectuent beaucoup plus de travaux d’isolation thermique ou d’installation de panneaux photovoltaïques. Mais les clients de nos adhérents, eux, affichent chaque année une baisse des accidents. »L’aide financière »Echafaudage + ». Outre la communication sur le terrain pour que les PME du BTP de moins de 50 salariés s’équipent en échafaudages à montage et démontage en sécurité, une aide financière peut leur être accordée par la CNAMTS. Baptisée »Echafaudage + », celle-ci s’élève à 40% de l’investissement avec un plafond de 6.000 euros pour les échafaudages de pied et de 3.000 euros pour un échafaudage roulant. De plus, 2.000 euros peuvent être accordés pour l’achat d’une remorque avec rack destinée au transport de ce matériel. Ces aides sont valables jusqu’au 31 décembre 2015. De son côté, l’OPPBTP élargit son aide financière aux plates-formes individuelles roulantes (PIR et PIR légères), aux quais de chargement/déchargement, aux passerelles et escaliers de chantier, aux équipements de trémie et même aux Equipements de protection individuelle (EPI). Selon l’achat, la subvention va de 1.000 à 5.000 euros. L’OPPBTP publie aussi une liste des matériels de protection qu’elle recommande. Pour ne pas être en reste, les fabricants de matériel du Syndicat français de l’échafaudage, du coffrage et de l’étaiement (SFECE) ont décidé d’accorder aux acheteurs une remise de 5% du montant de la subvention accordée. C’est peu. Mais cela traduit l’engagement et la proactivité des fabricants dans un secteur très concurrentiel.
L’insoutenable légèreté des hommes. Plus sévère, l’OPPBTP rappelle que si de nombreux corps de métiers pratiquent des travaux en hauteur sans en mesurer tous les risques, ce n’est pas la seule cause des accidents. Il est vrai que les artisans n’anticipent pas assez leurs chantiers et se retrouvent démunis ou équipés d’un matériel inadéquat qui les oblige à prendre des risques. Les patrons qui montent vérifier les travaux sans harnais de sécurité ne sont pas exemplaires et contribuent au relâchement sécuritaire de leurs salariés. Dans les échafaudages, les artisans mélangent souvent des pièces de fabrications différentes, au risque d’affaiblir la structure. Ou ils achètent du matériel bon marché ou non contrôlé. Or, même fabriqué selon les normes françaises ou européennes, un produit non testé n’est pas sûr. Enfin, sous prétexte de réduire la facture, les maîtres d’ouvrage professionnels ou particuliers n’exigent pas un budget sécurité dans leurs devis. Pourtant, ils sont responsables de la sécurité des ouvriers qui travaillent pour eux. Le manque de respect de la réglementation sécuritaire est donc un problème de comportement. A cet égard, les chutes de hauteur sont un scandale permanent.
Check-list et allègement. Ainsi la société Frénéhard et Michaux a-t-elle conçu un garde-corps permanent de toit destiné à supporter la pose de panneaux photovoltaïques. Pour la protection temporaire, le fabricant français a prévu un garde-corps surmonté d’une tente, ce qui permet de travailler à l’abri des intempéries. Côté protection individuelle, son harnais de sécurité qui s’enfile comme un gilet est très pratique. Enfin, F&M communique beaucoup vers ses clients, avec la production d’une check-list sécuritaire et l’organisation d’une journée Portes Ouvertes le 13 septembre 2014. Champion de la recherche et du développement, l’allemand Layher compense le prix de ses produits anti-chute par leur qualité et leur pertinence. A Batimat 2013, il a présenté 15 innovations parmi lesquelles l’allègement de 10% du poids de ses échafaudages grâce à l’utilisation d’un acier à haute résistance. Pour attacher les tubes perpendiculaires, il a produit un collier orthogonal sans pas de vis et à filetage autonettoyant. Afin que les artisans puissent travailler en hiver, il a conçu pour les toits son Couvre- alu XL possédant une portée de 40 mètres. Fini, les travaux interrompus par la pluie, le vent ou la neige.
Un EPI montable en 15 minutes. Il est aussi producteur du logiciel de conception automatique d’échafaudage Windec. Pour septembre 2014, il sera combinable avec le logiciel de dessin Google Sketchup. L’artisan pourra ainsi dessiner l’objet à couvrir et Windec exportera automatiquement sur l’objet l’échafaudage à prévoir. Le logiciel précise les matériels à prévoir et peut passer commande à Layher si l’artisan est décidé. Le britannique Key Safety donne lui aussi une leçon de pragmatisme avec ses produits ultra rapides à monter. Avec son point d’ancrage autoportant, son EPI Weightanka s’installe en 15 minutes et protège deux personnes. Même démarche pour son garde-corps autoportant temporaire qui est sécurisé par des contrepoids. Il s’installe vite, sans formation préliminaire et se révèle peu encombrant. En plate-forme de travail, Key Safety propose aussi un échafaudage simplifié très rapide à monter. Le fabricant britannique projette de compléter sa gamme de produits en commercialisant bientôt une plate-forme de travail en hauteur dédiée aux usines. Tous ses produits sont aux normes européennes.
Michel Grinand Prise de conscience urgente
Pour le Syndicat français pour la formation en hauteur (Syfforha), l’inconscience des entrepreneurs relative aux risques des travaux en hauteur vient du manque d’information : « Le secteur compte beaucoup d’entreprises aux vocations diverses et le travail en hauteur est trop peu réglementé, rapporte Sandrine Liéval, secrétaire générale du Sifforha. Les artisans amenés à travailler dans ces conditions ignorent les mesures à prendre. Il faut donc que la campagne de sensibilisation s’accompagne d’un encadrement réglementaire. Nous suggérons que notre charte Qualité, qui est reconnue comme exemplaire par l’OPPBTP et la CNAMTS, serve de base à la création d’un référentiel de travail. Si les artisans adoptaient les articles 1, 2 et 6 de notre charte, ils s’engageraient déjà dans une démarche vertueuse. A savoir : respecter les principes généraux de prévention des travaux temporaires en hauteur; prendre connaissance de l’évaluation des risques liés aux postes de travail du donneur d’ordres et assurer une veille réglementaire et tenir compte de l’évolution des techniques et des équipements. »
MG
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