Le législateur opère une distinction entre les accidents de trajet et les accidents de mission. Les premiers concernent les salariés qui se rendent de leur domicile à leur travail, en reviennent, ou prennent leur véhicule pour aller se restaurer. Dans la seconde catégorie, les travailleurs se déplacent pour une mission. Qu’ils effectuent une tournée, visitent un client ou se rendent sur un chantier, ils conduisent pour mener à bien un travail qui leur a été donné.
Cette différence est fondamentale dans la chaîne des responsabilités. Lors d’un accident de trajet, seule la responsabilité pénale du conducteur peut être engagée, en cas de manquement à une règle du code de la route par exemple. L’accident est bien considéré comme étant « du travail », donnant droit à une meilleure prise en charge, mais le conducteur est traité comme n’importe quelle victime (ou responsable, le cas échéant).
Dans un accident de mission, le conducteur demeure responsable pénalement de son comportement, mais l’entreprise peut aussi avoir des comptes à rendre car il existe alors un lien de subordination. S’il est établi qu’un défaut de prévention a provoqué ou aggravé l’accident, l’employeur peut avoir à en répondre au civil, voire au pénal. Ainsi, un mauvais entretien du véhicule, ou bien une surcharge de travail du salarié le privant de pauses et lui imposant de longs trajets, peut conduire son responsable devant les tribunaux.
Outre l’obligation légale qui les contraint à mettre en place des actions de prévention du risque routier, on comprend mieux que les employeurs s’ingénient à faire de leurs salariés de meilleurs conducteurs.
Mieux gérer les déplacements. Les statistiques étant aussi têtus que le bon sens, moins on roule, moins on a de risques d’avoir un accident. Ainsi, la première mesure de prévention consiste à réduire les déplacements, à mieux les programmer et mieux les gérer. Tel déplacement est-il utile ? Peut-on le grouper avec un autre ? Existe-t-il une alternative de transport en commun ? L’organisation du travail dans l’entreprise et la préparation en amont (des journées, des tournées, des chantiers….) permettent de réduire considérablement l’exposition des travailleurs au risque routier. L’urgence est toujours mauvaise conseillère et l’on peut économiser de nombreux kilomètres en anticipant, ou en refusant des délais aussi extravagants qu’intenables.
Les nouveaux moyens de communication, si dangereux au volant, contribuent également à supprimer des déplacements inutiles : parfois, un coup de fil, un mail bien tourné, ou une visio-conférence sont aussi efficaces qu’un rendez-vous à l’autre bout de la ville. S’il incombe donc à l’employeur de mieux organiser et de limiter les déplacements de mission, il peut aussi agir sur les trajets domicile-travail. En s’implantant dans un lieu bien desservi par les transports en commun, en favorisant l’usage du vélo (bon pour la santé) ou le covoiturage (bon pour les relations). Et même, pour être encore plus moderne, en proposant le télétravail. Faire en sorte qu’il y ait moins de voitures au quotidien, c’est aussi une manière de lutter contre la pollution et de devenir une entreprise responsable et adepte du développement durable.
Des véhicules en bon état. L’employeur est évidemment tenu de fournir un véhicule adapté à la mission qu’il confie à son salarié. S’il faut, par exemple, transporter des charges importantes ou des matériaux dangereux, un aménagement suffisamment grand et sûr, séparé de la cabine, doit être opéré pour ranger les objets de façon stable. De la même manière, si le conducteur est amené à véhiculer des personnes, elles doivent pouvoir s’installer en toute sécurité, sur un vrai siège avec un dispositif de retenu. Si le salarié demeure responsable de son chargement et de ses passagers, c’est à l’employeur de ne pas le placer dans une situation inextricable en lui imposant une surcharge ou un trop grand nombre de personnes à transporter. Une grande partie du jeu se déroule au moment de l’achat. Le véhicule doit correspondre à son usage, avoir un bon rapport poids-puissance-chargement, et bénéficier du maximum d’équipements de sécurité possible : assistance de freinage, air bag, limiteur de vitesse…
L’employeur, propriétaire ou loueur du véhicule, est responsable de son entretien par un garage agréé. Mais l’utilisateur, mieux placé pour contrôler les petits tracas de la vie d’un véhicule, est sensé faire preuve de vigilance pour sa propre sécurité. Vérification des pneumatiques, contrôle des éclairages ou du bon état des rétroviseurs… Tout dysfonctionnement doit être rapidement signalé, et traité dans les plus brefs délais. Chacun sait que ce n’est jamais le moment d’aller au garage, mais la sécurité est à ce prix, et tant pis si l’on perd quelques heures. Dans les grandes entreprises, un gestionnaire de la flotte automobile a la charge du parc et de sa maintenance. Dans les PME, c’est à chacun, et ensemble, de faire preuve de vigilance pour conserver les véhicules en bon état.
Communiquer ou conduire, il faut choisir. Si les nouveaux moyens de communication ont révolutionné la façon de travailler, ils ont aussi bouleversé la conduite. Un tiers des automobilistes téléphonent au volant, multipliant par 3 leur risque d’avoir un accident. Parmi eux, bien sûr, de nombreux professionnels. La sévérité des sanctions – 135 € d’amende et 3 points de perdus – semblent ne pas pouvoir lutter contre ce phénomène. C’est pourquoi les employeurs doivent tenter de limiter l’usage – du moins professionnel – du téléphone sur la route. Au-delà du rappel régulier des peines et des dangers, il convient de mettre en place dans l’entreprise un protocole de bonnes pratiques. Les règles en sont assez simples : communiquer lorsqu’on est arrêté, renvoyer les appels vers un message spécifique quand on conduit, planifier des coups de fil lors des pauses. Rappelons qu’en cas d’accident d’un collaborateur en train de téléphoner pour des raisons professionnelles, son responsable hiérarchique pourra être mis en cause s’il n’a pas suffisamment communiqué sur le sujet. Le téléphone n’est pas le seul distracteur de la conduite. Tous les objets connectés – ordinateur portable, GPS… – ne doivent être manipulés qu’à l’arrêt du véhicule.
Former les conducteurs. Avant de confier les clés d’un véhicule à une personne, la moindre des choses consiste à vérifier qu’elle possède un permis valable et valide. Un simple permis B est légalement suffisant pour prendre le volant d’une camionnette de 3,5 tonnes ou d’un minibus pouvant convoyer 9 personnes. Mais la maîtrise d’une telle machine nécessite une prise en main. D’où la nécessité pour l’employeur d’établir un bilan de compétences de ses salariés, et de mettre en place un plan de formation adapté. Car il ne sera efficace que s’il répond aux usages réels, aux véhicules conduits, au nombre de kilomètres parcourus, aux types de routes empruntées, aux manœuvres effectuées, au chargement spécifique… Dans les régions de montagne, on pourra envisager une formation à la conduite sur routes neigeuses, même si, dans ce cas, la meilleure solution consiste à laisser la voiture au garage ! Enfin, tous les salariés devraient être initiés aux gestes de premiers secours.
Ces formations ont évidemment un coût, d’autant qu’elles doivent être suivies dans le temps. Mais elles peuvent aussi faire économiser beaucoup d’argent à l’entreprise en évitant des accidents, ou du moins en limitant leur gravité.
Par ailleurs, le suivi des conducteurs passe aussi par le contrôle médical, notamment de la vue, et une position intransigeante sur l’alcool au volant. Alors roulons pro, mais le moins possible, en étant responsables et bien formés, dans des véhicules en bon état, et sans téléphoner.
Erick Haehnsen
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