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Santé et qualité de vie au travail

Le travail de nuit serait-il cancérogène ?

Une étude suédoise récente ainsi qu’une étude américaine en cours, portant sur le travail de nuit parmi des populations de femmes, montrent dans les deux cas une augmentation des cancers du poumon. Mais les auteurs restent réservés car les données peuvent être incomplètes.

Au sein de l’Union Européenne, 18,7% des employés doivent travailler de nuit (entre 22h et 6h), au moins une fois par mois, selon l’European Working Conditions Surveys (EWCS), à savoir la dernière grande enquête de l’ONG Eurofound. Réalisée en 2010, cette enquête portait sur 27 pays membres (la prochaine édition est attendue pour cette année). Classé cancérogène par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 2007, le travail de nuit expose particulièrement les femmes au cancer du poumon, selon les statistiques (2007) de l’Agence internationale pour la recherche contre le cancer (International Agency for Research on Cancer – IARC). Des résultats que tend à confirmer une étude suédoise publiée le 15 avril dernier. Pour la mener à bien, les chercheurs ont examiné le cas de 13.656 femmes (dont 3.404 travaillent la nuit), toutes issues du Registre suédois des jumeaux (Swedish Twin Registry). Cette base de données a été lancée à la fin des années 50 pour (notamment) étudier l’impact du tabac et de la consommation d’alcool sur l’évolution du cancer et des maladies cardiovasculaires. Elle est depuis devenue un outil de prédilection pour de nombreuses recherches médicales. Les résultats, à ce jour encore discutés, montrent une relation entre l’exposition au travail de nuit sur une durée supérieure à 20 ans et l’apparition de cancers du poumon chez les femmes de moins de 60 ans. En revanche l’exposition courte à ce type de travail ne semble pas poser le problème.

Notons que ces résultats concordent avec ceux d’une autre étude en cours, américaine cette fois-ci, qui se terminera le 31 juillet prochain. Menée par Eva Scherhammer, professeure agrégée de médecine à la Harvard Medical School, l’étude « Minimizing Cancer Risk in Shift Workers » se base sur les données fournies par la Nurses Health Study (NHS) qui contient des détails sur l’activité de 238.000 infirmières suivies depuis 1988. L’étude d’Eva Scherhammer démontre pour sa part que le travail de nuit a augmenté la mortalité globale et la mortalité cardiovasculaire des infirmières. Lorsqu’il a eu lieu sur une période supérieure à cinq ans, le travail de nuit a contribué à une augmentation de 19% des maladies cardiovasculaires. Lorsque la durée est portée à 15 ans, l’augmentation constatée est de 23%. Sans parvenir à lier de manière certaine le travail de nuit et le taux global de mortalité spécifiquement due au cancer, l’étude a montré que le travail de nuit pendant plus de 15 ans pouvait être associé à une mortalité accrue due au cancer du poumon. Cette étude prospective serait l’une des plus grandes à ce jour, grâce à une grande proportion de travailleurs de nuit et une longue période de suivi. « Ces résultats confirment des preuves plus anciennes concernant les éventuels effets nocifs du travail de nuit en équipes alternantes sur la santé et l’espérance de vie », explique Eva Scherhammer.

Reste que l’équipe américaine reconnaît plusieurs faiblesses à son étude. Citons l’absence de mise à jour récente des données du NHS. Mais surtout, difficile d’exclure que les données ne soient pas incomplètes. Il serait donc trop tôt pour tirer des conclusions pratiques concernant le travail quotidien des travailleurs de nuit mais ces recoupements pourraient dévoiler un phénomène réel.

Eliane Kan

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