L’Aract Normandie propose une formation intitulée « Enrichir vos plans d’actions santé au travail par une approche différenciée des populations en présence ». A quels enjeux répond-elle ?
Cette formation vise à sensibiliser les personnes en charge de la prévention des risques sur la nécessité de prévenir les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. Cette question est d’ailleurs inscrite dans la Loi n°2014-873 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, promulguée le 4 Août 2014. L’article 20 prévoit de modifier l’article L. 4121-3* du Code du travail en mentionnant que « l’évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe ».
Comment se traduit cette inégalité professionnelle dans le monde du travail ?
Les dernières statistiques de la Cnam-TS montrent que sur la période 2000-2013, les accidents du travail ont diminué de 28,7% pour les hommes et augmenté de 24.6% pour les femmes. Idem pour les maladies professionnelles qui ont augmenté deux fois plus vite chez les femmes entre 2001 et 2011. Cette croissance était de plus de 91% pour les hommes et plus de 180% pour les femmes.
Comment expliquer cette inégalité devant les accidents du travail et la maladie ?
Nous avons défini quatre grandes causes structurelles qui expliquent les écarts de santé. La première hypothèse porte sur la mixité professionnelle. Les femmes se concentrent sur un plus petit nombre de métiers qui ont leurs caractéristiques propres, dont des postures statiques associées à des gestes répétitifs ou un contact fréquent avec le public qui expose plus aux agressions verbales.
Notre deuxième hypothèse c’est que les parcours des hommes et des femmes ne sont pas les mêmes et exposent donc dans la durée à des caractéristiques différentes. Notre troisième hypothèse, c’est que les risques professionnels attachés aux métiers occupés par les femmes sont moins visibles et donc plus difficiles à identifier, au contraire du port de charge par exemple. Il ne s’agit pas de métiers plus exposés que ceux des hommes, mais bien d’une exposition moins visible. Enfin, la quatrième cause structurelle, c’est la question du temps de travail. Les contrats à temps partiel concernent à plus de 80% les femmes. Or, le fait de travailler moins est un facteur de risque car pour boucler leurs fins de mois, elles cherchent d’autres emplois. On observe aussi que les salariées qui travaillent la nuit ne se reposent pas suffisamment dans la journée pour s’occuper de leur enfant. Ce qui leur permet d’économiser le salaire d’une nourrice.
Quelles sont vos recommandations pour pallier cette inégalité ?
Il faut avoir une analyse des risques en fonction du sexe des personnes et de l’ancienneté des salariés. Cette analyse va peut-être amener les employeurs à faire le constat que l’absentéisme est surtout le fait de femmes ayant une ancienneté importante. Et que ces dernières ont peut être développé une maladie professionnelle du fait de la pénibilité à laquelle elles sont exposées. Cela va amener le CHSCT, les membres du comité d’entreprises mais aussi les services RH à se réinterroger sur le parcours professionnel de des salariées.
Comment s’organisera votre formation ?
Notre formation** dure deux jours. 70% du contenu portent sur les différences entre les hommes et les femmes ainsi que sur la question de l’ancienneté. L’idée c’est de faire de la sensibilisation au travers de cas d’entreprises. Nous travaillerons aussi sur la question des données : qui est à quel poste, comment se construit l’absentéisme, l’entrée et la sortie du personnel ? Dans une seconde étape, nous donnerons une méthodologie et des éléments sur l’organisation du travail dans l’entreprise afin de voir quelles sont les grandes causes structurelles qui expliquent potentiellement les différences de santé entre les hommes et les femmes et comment s’y prendre pour les réduire.
Propos recueillis par Eliane Kan
* Le nouvel article L. 4121-3 du code du travail s’insère dans le code du travail de la manière suivante : « L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe. A la suite de cette évaluation, l’employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement…. ».
** La prochaine session est prévue sur deux jours le 13 octobre et 8 décembre 2015.
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