Dans la nuit du 12 août dernier, deux puissantes explosions se sont produites dans un entrepôt de produits chimiques de la société Tianjin Rui Hai dans le port de Tianjin situé au nord-est de la Chine, causant la mort d’au moins 116 personnes et en a blessé près de 700 autres. Soixante personnes sont toujours portées disparues. C’est l’une des pires catastrophes industrielles qu’ait connue la République populaire. Une fois de plus, « l’usine du monde » démontre que la maîtrise des risques industriels passe après la recherche du profit immédiat.
De sinistres statistiques. En effet, les accidents industriels se comptent par centaines chaque année dans l’Empire du milieu. Selon le gouvernement chinois, pas moins de 640 accidents graves du travail ont entraîné la mort de 2.700 personnes pour la seule période de janvier à août 2014. Cette année, la Chine a enregistré 14 accidents liés à des explosions dans des usines de produits chimiques durant le seul le premier semestre de cette année, sans compter les incendies ou les expositions mortelles des salariés au gaz ou aux produits chimiques.
Quant à la carte interactive de l’Organisation non-gouvernementale China Labour Bulletin, elle dénombre depuis décembre dernier 37 morts par explosion dont 15 dans une usine illégale de feux d’artifice à Ningjin dans la province du Hebei… Il y a tout juste un an, 75 salariés perdaient la vie dans l’explosion d’une usine de pièces automobiles destinées à l’américain General Motors, à Kunshan, près de Shanghaï. Plus tard, le bilan s’est alourdi à 146 morts d’après China Labour Bulletin. La déflagration aurait été provoquée par une flamme allumée dans une salle confinée remplie de poussières en suspension. L’enquête a révélé que la majorité des employés n’étaient pas au courant des procédures de sécurité. A la suite de cette catastrophe, 214 usines ont été suspendues à cause de problèmes de sécurité dus à une « pollution poussiéreuse » et la loi sur la sécurité au travail a exigé de renforcer la formation du personnel.
Parmi les autres mesures, rapporte un article du Monde qui cite l’AFP, les entreprises de plus de 100 salariés ont pour obligation de créer un poste à plein-temps dédié à la sécurité. De plus, le niveau des sanctions s’envole littéralement : pour un accident grave, à savoir 10 à 30 morts et 50 à 100 blessés, ou 50 à 100 millions de yuans (7 à 14 millions d’euros) de pertes, l’amende maximale passe de 100.000 yuans (14.000 euros) à 20 millions de yuans (environ 2,8 millions d’euros). De quoi donner réfléchir à ceux qui voudraient ne pas respecter les nouvelles réglementations.
Corruptions en chaîne. Il n’empêche, la recherche du profit rend aveugles certains fonctionnaires et responsables d’industrie. Selon l’agence de presse officielle Chine nouvelle, les dix responsables de l’entreprise Tianjin Rui Hai, propriétaire de l’entrepôt, ont été arrêtés et écroués. Parmi eux, Dong Shexuan, 34 ans, est aussi le fils d’un ancien chef de la police du port de Tianjin qui contrôlait 45% du capital de l’entreprise Rui Ha… Or les actions étaient portées par un ancien camarade d’études ! Dans la foulée, 700 tonnes de cyanure de sodium, une substance hautement toxique, ont été stockées dans l’entrepôt de Tianjin Rui Hai qui se trouve à moins d’un kilomètre de zones habitées. Ce qui correspond à 70 fois plus que la norme autorisée. Comment la société a-t-elle pu le faire ? « Mes connexions sont dans la police et chez les pompiers. J’allais rencontrer des responsables des brigades de pompiers du port de Tianjin, j’allais leur donner mes éléments d’information et très vite je recevais leur feu vert », a déclaré Dong Shexuan dans des propos rapportés par l’agence Chine nouvelle.
Pour sa part, le cyanure de sodium était utilisé dans les fameuses pilules des agents secrets. Transformé en cyanure d’hydrogène, il devient un gaz létal à faible dose. C’est ce terrible composé que dégageaient les fameux cristaux de zyklon B utilisés par les nazis dans les camps d’extermination pendant la seconde guerre mondiale. C’est ce même produit qui est administré aux condamnés à la peine capitale dans quelques États américains. La transformation du cyanure de sodium en cyanure d’hydrogène s’opère soit sous l’effet de la chaleur soit en présence d’acides ou d’eau. Ce qui, à chaque fois, place les pompiers face à un terrible choix. Comble de malchance, mardi 18 août, de fortes pluies se sont abattues sur le port de Tianjin, faisant redouter un dégagement gazeux. Ces averses ont laissé la ville recouverte d’une mystérieuse mousse blanche…
Selon les autorités chinoises, la teneur en cyanure s’est révélée jusqu’à 356 fois supérieure au seuil de tolérance, selon des relevés près du site dans huit points d’eau différents à l’intérieur de la zone d’isolement délimitée autour du lieu des déflagrations, a indiqué le Bureau de protection environnementale de Tianjin. Au total, des traces de cyanure ont été identifiées mercredi dans 25 points d’eau au sein de cette zone d’isolement. Rassurantes, les autorités estiment que l »eau potable au robinet ainsi que l’air ne seraient pas affectés dans cette ville de 15 millions d’habitants. sans forcément le croire, on peut au moins l’espérer.
Quatre nouveaux incendies se sont déclarés à proximité de la de l’entrepôt de Tianjin Rui Hai dans la nuit du jeudi 20 au vendredi 21 août, rapporte l’agence Chine nouvelle. Trois d’entre eux ont démarré dans la zone même où s’est produite la plus importante des deux explosions du 12 août. Le quatrième foyer a été signalé près du lieu de la seconde explosion sur un site de gestion de stocks d’automobiles. Chine nouvelle, qui ne fournit pas la cause de ces nouveaux incendies, précise que des équipes de secours ont été dépêchées sur place.
Erick Haehnsen
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