Quels sont les principaux risques encourus par la ville d’Antibes ?
Notre commune compte 80.000 habitants durant l’année et 150.000 durant l’été sur un territoire de 26 km2 particulièrement exposé aux risques d’inondation. Ces menaces sont liées à la présence de petits vallons côtiers et de La Brague, un fleuve côtier de 20 km de long bordé l’été par d’immenses campings. Surtout, depuis quelques années la problématique principale réside dans la gestion des ruissellements urbains. Les orages les plus intenses peuvent provoquer des crues « éclairs » très dangereuses car très brutales. Ces phénomènes sont aussi liés à l’imperméabilisation des sols pas ou mal compensée par des bassins de rétention privés, souvent mal entretenus, et à la présence de réseaux anciens sous-dimensionnés. Les inondations se produisent principalement en automne et au printemps mais le phénomène de crues éclairs peut survenir presque n’importe quand. En août dernier, nous avons ainsi connu une crue de très forte intensité.
De quels moyens disposez-vous pour prévenir les risques d’inondation ?
La ville d’Antibes fait partie des premières villes à avoir mis en place dès 2003 un service spécifique pour gérer les eaux pluviales et les risques d’inondation. Une vingtaine d’agents y travaille. Notre mission porte, entre autres, sur l’entretien des ouvrages pluviaux, des cours d’eau et des vallons. Mais aussi sur la réalisation de grands travaux hydrauliques pour anticiper les risques d’inondation. Notre service a également en charge le contrôle de l’urbanisme en relation, notamment, avec le système judiciaire pour les infractions au plan de prévention des risques d’inondation qui interdit toute nouvelle construction en zone rouge.
En cas de risque d’inondation, la ville dispose d’un plan communal de sauvegarde qui répertorie les points où il faut intervenir lorsqu’une alerte est émise par Météo France ou par la plate-forme Rainpol. Il s’agit d’un service en ligne auquel nous sommes abonnés et qui est alimenté par les données d’un radar pluviométrique situé dessus de Nice. Nous sommes prévenus par SMS 30 à 60 minutes avant l’arrivée d’un orage ou de fortes précipitations. En fonction des seuils préalablement définis, la population exposée est alertée par notre système d’appels en masse. Sur le terrain, la gestion de crise est assurée par notre service de protection civile urbaine professionnel qui a en charge le plan communal de sauvegarde. Il est constitué de 4 personnes qui peuvent d’adresser aux services concernés, comme la Police municipale pour la fermeture des route ou le service des eaux pluviales pour la gestion des exutoires etc.
Votre ville consacre environ trois millions d’euros par an aux travaux de la lutte contre les inondations (foncier compris). Quels grands travaux avez-vous pilotés depuis votre nomination en 2008 au poste de chargé de mission des grands projets et lutte contre les inondations ?
Pour absorber et réguler les débits de pointe, nous avons augmenté la capacité de rétention par la création d’un ouvrage d’environ 30.000 m3. Dans notre département des Alpes-Maritimes, il s’agit d’un des plus grands bassins de rétention situés en milieu urbain. Par ailleurs, nous avons également entrepris la restauration hydraulique et environnementale de la Brague et celle d’un vallon sous-terrain qui traverse le centre ville. Le pilotage de ces travaux démarre avec la libération foncière jusqu’au suivi de chantier, ces opérations se faisant quelquefois en maîtrise d’œuvre directe. Cela passe aussi par la conduite d’études plus globales sur les travaux de lutte contre les inondations les plus pertinents à mettre en œuvre sur la commune.
Menez-vous des actions auprès des entreprises locales et de la population pour les sensibiliser au risque inondation ?
Nous avons effectivement entamé une démarche de sensibilisation dans les zones inondables afin d’informer les personnes et les entreprises concernées sur les mesures à prendre en cas d’inondation importante. Cette démarche se fait en liaison avec la Communauté d’agglomérations de Sophia-Antipolis (Casa) qui pilote, dans la région, le Plan d’actions de prévention contre les inondations (Papi-Casa). En effet, ce dernier finance notamment une étude sur la réalisation de diagnostics dans les établissements recevant du public (ERP) sensibles aux inondations.
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Notre politique de contrôle de l’urbanisme impose aux constructeurs de créer des bassins de rétention. En effet, toute nouvelle surface imperméabilisée doit être compensée par de tels ouvrages. Mais du fait du prix du foncier, ces bassins sont en général enterrés et nous avons du mal à évaluer leur efficacité car ils ne sont pas toujours correctement entretenus. Par ailleurs, nous avons du mal à sensibiliser la population au risque de crues extrêmes (de type centennale) qui suppose de savoir les identifier et comment réagir. Sur ce point nous nous heurtons encore à une certaine incompréhension de la population qui a souvent l’impression de connaître ces phénomènes alors qu’ils dépassent bien souvent tout ce qu’ils ont déjà subi.
Avez-vous mesuré l’efficacité des actions menées?
Nous avons des retours positifs du côté du service de protection civile urbaine qui gère les crises. Et depuis 2013, notre nouveau bassin de rétention en particulier a montré que nous avons pu éviter des inondations plus importantes lors des fortes intempéries et contribuer à un retour plus rapide à la normale. Cependant, l’augmentation de l’urbanisation et de l’imperméabilisation des sols, contribue au contraire à aggraver les risques. Les actions du service permettent donc au moins de ne pas aggraver la situation et ponctuellement de l’améliorer.
Eliane Kan
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