A l’occasion de la semaine européenne pour la sécurité et la santé au travail, qui vient d’avoir lieu, l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) publie la seconde vague de son enquête Esener-2. Objectif : déterminer comment les organisations de toutes tailles, y compris des microentreprises de 5 à 10 employés, gèrent en pratique la santé et la sécurité au travail, et en particulier les risques nouveaux et émergents – comme les risques psychosociaux. Les résultats, issus de réponses recueillies sur près de 50.000 lieux de travail dans 36 pays, dont les 28 États membres de l’UE, permettent d’avoir une vue détaillée de la façon dont les risques pour la sécurité et la santé au travail (SST) sont gérés en Europe. Avec ses résultats accessibles grâce au tableau de bord en ligne, cette enquête constitue une nouvelle ressource importante pour les décideurs politiques, les chercheurs et les praticiens.
RPS et TMS : les plus répandus. Sans surprise, ce sont les Risques psychosociaux RPS) et les Troubles musculosquelettiques (TMS) qui sont les plus répandus sur les lieux de travail en Europe. Sous l’influence de conditions économiques et sociales changeantes, de nouveaux défis s’imposent aux organisations et les lieux de travail européens se modifient en permanence : 21% des entreprises de l’UE-28 déclarent que les travailleurs de plus de 55 ans représentent plus d’un quart de leurs effectifs. En parallèle, 13% des établissements dans les 28 pays membres de l’UE (UE-28) déclarent employer des salariés adeptes du télétravail. De nouvelles mesures doivent ainsi être prises pour assurer des niveaux élevés de santé et de sécurité au travail. La confrontation à des clients, des patients ou des élèves difficiles est aujourd’hui le facteur de risque le plus fréquemment signalé dans 58% des établissements dans l’UE-28. Les facteurs conduisant à des troubles musculosquelettiques (TMS), tels que les positions fatigantes ou douloureuses (56% des établissements dans l’UE-28) et les mouvements répétitifs des mains ou des bras (52% des établissements dans l’UE-28), sont également très fréquemment signalés dans tous les secteurs d’activité.
Évaluer pour mieux gérer. Quant à l’évaluation du risque, elle est toujours considérée comme la meilleure façon d’optimiser la gestion de la santé et de la sécurité des salariés sur le lieu de travail. A cet égard, les résultats indiquent que 76 % des établissements de l’UE-28 effectuent des évaluations régulières des risques qu’ils considèrent, dans 90 % des cas, comme un moyen utile pour gérer la sécurité et de la santé des salariés au travail. Des différences importantes s’observent entre les pays concernant la part des entreprises qui font exécuter ces évaluations des risques par le personnel interne par rapport à celles qui recourent à des prestataires externes : le recours à une évaluation interne va en effet de 76% au Danemark à 7% en Slovénie. « Les établissements qui ne réalisent pas d’évaluation régulière des risques invoquent comme principale raison la connaissance déjà établie des risques et des dangers (83%) et l’absence de problème majeur (80%), remarque Christa Sedlatschek, directrice de l’EU-OSHA. Or les risques psychosociaux sont perçus comme étant plus difficiles à traiter que d’autres. Un cinquième des établissements qui signalent être confrontés à des clients difficiles ou être soumis à des contraintes de temps indiquent également manquer d’informations ou d’outils adéquats pour traiter le risque efficacement. »
Adhésion des salariés et cadre juridique : deux facteurs clé. Autre constatation importante : la mesure dans laquelle un taux élevé de participation (formelle ou informelle) des employés constitue un solide indicateur de bonne qualité de travail. Cette implication interne a un impact sur la qualité de la gestion de la santé et sécurité au travail de manière générale et sur la gestion des risques psychosociaux en particulier. Comme dans la précédente édition de l’Esener, le respect des obligations légales a été le facteur le plus fréquemment cité comme raison justifiant la gestion de la santé et sécurité au travail (85% des établissements dans l’UE-28). Viennent ensuite la satisfaction des attentes des travailleurs et de leurs représentants (79%), puis les amendes infligées par l’inspection du travail (78%).
Focus sur la France. Près de 70% des entreprises françaises interrogées déclarent que les facteurs de risques psychosociaux les plus présents dans leurs établissements sont les confrontations avec des clients, patients, élèves… difficiles. Cette part est supérieure à la moyenne dans l’UE (57%). Concernant les TMS, 70,3% affirment être confrontées à des positions fatigantes ou douloureuses, y compris la position assise prolongée, un chiffre de nouveau supérieur à la part européenne (56%). De plus, 60 % des établissements français répondants sont concernés par des mouvements répétitifs de la main ou du bras. Seulement 56,1% d’entre eux réalisent régulièrement des évaluations des risques sur le lieu de travail (vs. 77,2% en Europe). Mais contrairement à ses voisins européens, la France privilégie les actions principalement menées par du personnel interne (74,3%, contre 47,1% en UE-28). Les principales raisons pour lesquelles les établissements traitent des questions de santé et de sécurité sont la réponse à une obligation légale (83%) et la réponse aux attentes des travailleurs ou des délégués (81%).
A noter que la France semble peu associer l’augmentation de la productivité aux questions de santé et de sécurité : ce facteur n’est cité que par 41,6 % des répondants vs. près de 65 % au niveau européen. Moins de la moitié (47%) des établissements de l’Hexagone estiment disposer d’informations suffisantes sur la manière d’intégrer les risques psychosociaux dans les évaluations des risques. D’où un manque d’expertise ou de spécialistes (35 %), et une réelle réticence à parler ouvertement de ces problèmes (36 %). Ce qui n’empêche pas près d’une entreprise sur trois (30%) d’avoir mis en place un plan d’action visant à prévenir le stress lié au travail. En termes d’instances de représentation du personnel sensibilisées à la gestion des risques, 25% des entreprises françaises disposent d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ce qui se situe dans la moyenne européenne (21%).
Erick Haehnsen
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