Bien que commises dans la sphère privée, les violences faites aux femmes impactent directement ou indirectement le fonctionnement des entreprises. A l’approche de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes du 25 novembre, la fondation Agir contre l’exclusion (Face) vient de mener une étude sans équivalent à l’échelle européenne qui, pour la première fois, pose la question du rôle de l’entreprise dans la lutte contre les violences perpétrées sur les salariées en dehors du lieu de travail : violences verbales, psychologiques, sexuelles, physiques, économiques, administratives… Comment réagissent les entreprises lorsqu’un cas de violence est identifié ? Par qui cette situation est-elle identifiée ? Quelles actions sont-elles mises en place ? Réalisée dans le cadre du projet européen Companies Against gendeRViolencE (Carve), l’étude de Face apporte un éclairage nouveau sur ce sujet encore tabou dans le monde du travail.
« Comment les entreprises détectent-elles les cas de violences sur leurs salariées ? Comment agissent-t-elles ? Pour la première fois la Fondation FACE pose ces questions à travers son étude européenne sur l’implication des entreprises dans la lutte contre les violences faites aux femmes, explique Vincent Baholet, délégué général de Face. A travers les conclusions de cette étude […], nous sommes convaincus que les entreprises doivent faire davantage. Notamment en matière de détection, au nom de la promotion de l’égalité femmes-hommes et de la nécessité d’assurer le bien-être de leurs salariés. »
Refuge ou lieu de tous les dangers ? Alors que 216.000 femmes ont déclaré être victimes de leur conjoint ou de leur ex-compagnon en France en 2014 et que plus d’un tiers des homicides sont perpétrés au sein du couple, l’étude de Face souligne la volonté de toutes les parties prenantes de rapprocher le monde de l’entreprise du sujet des violences faites aux femmes. Elle met aussi en évidence un paradoxe : l’entreprise peut constituer un refuge pour les victimes mais aussi un lieu de danger potentiel car connu des agresseurs. Rappelons qu’un tiers des homicides sont perpétrés au sein du couple. Par ailleurs, les femmes se déclarant victimes de viols sont près de 86.000 chaque année en France. La fondation face estime, cependant, que ces chiffres ne représentent qu’une estimation minimale de la réalité car moins de 15% de ces victimes décident de porter plainte.
Actions limitées face à l’ampleur du phénomène. L’étude montre aussi que les entreprises mènent des actions limitées face à l’ampleur de ces violations des droits humains dont le coût économique et social est estimé à 2,5 milliards d’euros par an en France. Pourtant, des solutions existent pour permettre aux entreprises d’être pleinement actrices de la lutte contre les violences faites aux femmes. Renforcer l’information au sein des entreprises, réaliser des formations, rapprocher entreprises et associations, faciliter l’accès au logement des femmes victimes de violence, adapter les campagnes de communication et inclure l’entreprise dans le prochain plan de prévention sont autant de recommandations formulées par les auteurs d’une étude qui pose aussi la question de l’évolution du cadre législatif.
Des entreprises en pointe de la lutte. Si certaines entreprises en sont encore au stade de la réflexion concernant la lutte contre les violences conjugales, l’étude de la Fondation Face identifie des acteurs impliqués concrètement. Parmi ceux-ci, PSA et Orange ont institutionnalisé la lutte contre les violences faites aux femmes dans les accords d’entreprise. Pour sa part, Kering a créé en 2009 la seule fondation d’entreprise exclusivement consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes, la Fondation Kering. Laquelle soutient des ONG, remet des prix à des entrepreneurs sociaux et lance des campagnes de sensibilisation, tout en impliquant ses collaborateurs.
Erick Haehnsen
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