Officiellement lancé à l’ambassade de France à Tokyo, le programme commun de recherche d’Airbus Group et du Joint Robotics Laboratory, qui rassemble le National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (AIST) japonais et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a pris corps ce 12 février. Ce programme vise à introduire des robots humanoïdes dans les chaînes d’assemblage de l’industrie aéronautique afin de décharger les opérateurs humains des tâches les plus laborieuses. Voire dangereuses, comme les chutes de hauteur. Du coup, les les opérateurs humains pourront ainsi se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. En revanche, la principale difficulté, pour les robots humanoïdes, va consister à découvrir comment travailler dans des environnements exigus, réaliser certaines tâches sans entrer en collision avec les nombreux objets aux alentours. C’est la première question à laquelle devront répondre les chercheurs, en développant de nouveaux algorithmes de planification et contrôle des mouvements précis.
Pourquoi des robot humanoïdes ? En effet, il existe déjà de très nombreux robots dans l’industrie automobile. Et ils ont fait leurs preuves. Remarquons que ces robots sont, en grande majorité, des bras articulés sur une base fixe. Dans l’industrie aéronautique, les situations sont différentes. Tout d’abord, les avions à construire, surtout les avions de ligne, sont de très grandes dimensions. Ensuite, chaque usine sort un petit nombre de produits. Et même si les groupes aéronautiques, comme Airbus, utilisent parfois des bras articulés à base fixe, ceux-ci sont limités dans leurs déplacements : ils ne peuvent pas monter des escaliers ou des échelles ni passer des obstacles au sol…
D’où l’intérêt des modèles de robots HRP-2 et HRP-43 du Joint Robotics Laboratory (JRL) qui font l’objet de nouveaux développements dans les technologies de locomotion dites »multicontacts » : en s’aidant de tout leur corps pour prendre contact avec leur environnement, ces robots peuvent monter des échelles et entrer dans des endroits exigus. La possibilité d’avoir des contacts multiples permet aussi d’accroître la stabilité du robot et la force qu’il peut appliquer lorsqu’il effectue une tâche. De plus, la forme anthropomorphique de ces robots offre une polyvalence utile pour effectuer un grand nombre de tâches différentes dans des environnements variés.
La collaboration entre les chercheurs du JRL et Airbus Group a donc pour but de permettre aux robots humanoïdes d’effectuer des tâches de manipulation dans un environnement contraint et limité, les lignes d’assemblage, où ils devront faire un usage coordonné de leur corps pour mener à bien leur mission. En effet, les espaces exigus requièrent des postures particulières. Le calcul de telles postures s’avérant mathématiquement complexe, les chercheurs devront tout d’abord développer de nouveaux algorithmes, bien plus puissants que ceux existants actuellement, tout en gardant ces calculs suffisamment rapides pour que les mouvements des robots restent efficaces. Les tâches typiques que les robots auront à effectuer seront, par exemple, de serrer un écrou, de nettoyer une zone de ses poussières métalliques ou d’insérer des pièces dans la structure de l’appareil. Ils pourront également vérifier le bon fonctionnement des systèmes une fois la fabrication terminée.
Ces algorithmes seront testés sur un ensemble de scénarios tirés des besoins des différentes branches d’Airbus Group : aviation civile, hélicoptères, spatial. Bien sûr, le réalisme de ces scénarios ira croissant au fil des années. Du côté de la recherche en robotique, en plus de l’apport des nouveaux algorithmes, cette collaboration mettra peut-être en lumière certaines insuffisances des robots actuels en matière de design, de précision ou de puissance. Elle pourrait également contribuer à spécifier le cahier des charges de la première génération de robots humanoïdes dédiée à la manufacture de grandes structures d’ici 10 à 15 ans.
Erick Haehnsen
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