Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Crue centennale : les pouvoirs publics sur le pont

Avec la promesse d'une crue aussi terrible que celle de 1910 (8,60 de hauteur d'eau à Paris), la fureur de la Seine fait peur pour les risques économiques qu'elle pourrait engendrer. Afin de réduire les risques, l'exercice EU Sequena vient de démarrer aujourd'hui jusqu'au 18 mars.

900 sauveteurs, 150 policiers, 60 véhicules et 4 hélicoptères… tels sont les moyens mobilisés dès aujourd’hui et jusqu’au 18 mars par la Préfecture de police pour l’exercice EU Sequana 2016. Lequel simule une crue centennale en Île-de-France et notamment à Paris. A savoir un niveau d’eau qui monterait, comme en 1910, jusqu’à 8,60 m au pont d’Austerlitz. A l’époque, il a fallu 7 semaines pour que la Seine revienne à son niveau normal de 2,66 m. Si la crue centennale se produisait en 2016, elle toucherait 2,5 millions de personnes. D’après l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) d’Île-de-France, 8% des logements franciliens se situent à proximité des lits majeurs de la Seine et de la Marne. Le Val-de-Marne étant le territoire le plus menacé avec plus de 123.000 logements en zone inondable, suivi de Paris (107.700) et des Hauts-de-Seine (94.450). Selon une étude 2014 de l’Organisation pour le commerce et le développement économiques (OCDE), la prochaine crue centennale pourrait coûter près de 30 milliards d’euros et de 0,1 à 3% du PIB. Des enjeux si importants que la mobilisation se fait à l’échelle européenne puisque des sauveteurs viennent d’Italie, d’Espagne, de Belgique et de République tchèque.
De fait, ces exercices sont devenus obligatoires en application de la loi de modernisation de la Sécurité civile de 2004 et du Code de la Défense (art L 1324-1 et R 1324-1). En 2010 déjà, la Zone de défense et de sécurité de Paris avait déjà organisé l’exercice  »En Seine 2010 », permettant de finaliser la disposition spécifique inondation alors en cours d’élaboration. Cette session d’exercices portait à la fois sur le rétablissement des secteurs d’activité (avec la participation d’une quarantaine d’entités représentant les principales fonctions socio-économiques) et sur le fonctionnement du Centre de crise zonal.
Les objectifs de EU Sequana 2016 visent tout d’abord à rassembler les partenaires autour d’une gestion de crise à ampleur européenne pour renforcer la coordination de leurs actions, puis à faire fonctionner le mécanisme européen de protection civile et à focaliser l’attention des populations sur le phénomène de crue. Menés sur 7 sites à Paris, Valenton (94), Saint-Denis (93), Limay, Beynes (78), Gennevilliers (92) et Port (92), ces exercices consisteront, par exemple, à Valenton dans le 94 le samedi 12 mars, à évacuer un maison de retraite par hélicoptères et embarcations, à organiser des recherches de disparus au moyen d’équipes cynotechniques, à installer une unité de traitement de l’eau et un poste médical avancé. Autres exemples, il sera question le 13 mars à Paris sur le Bassin de La Villette, de porter secours à une péniche accidentée et d’installer un barrage antipollution. Toujours le 13 mars, sur le Champ de Mars, des démonstrations nautiques seront menées et un atelier de prévention sera mis en place avec projection d’un film en 3D de simulation d’inondations ainsi que des jeux pour tester sa vulnérabilité à la crue.
« Les crues centennales sont loin d’avoir une régularité d’horloge suisse, prévient Jean Chevalier, expert en inondation chez l’assureur FM Global. Leur probabilité est de 1% par an. En fait, tous les fleuves français sont concernés : la Seine mais aussi la Loire, le Rhône, le Rhin et la Garonne. » Bien sûr, toute la criticité de la crue centennale de la Seine vient du fait qu’elle coule dans la première région économique de France. La fureur des eaux pourrait inonder le centre de Paris sur une bande de 500 m de part et d’autre du fleuve ainsi que le sous sous-sol de la capitale qui comporte plus de 140 km de galeries. Sans compter les caves et parkings. A cet égard, l’IAU estime qu’elle impacterait quelque 100.000 établissements (grandes entreprises, PME, PMI, commerces…) et 750.000 emplois. 85% des établissements exposés sont des petites entreprises (moins de 10 salariés) qui cumulent environ 100.000 emplois. Les établissements de plus de 100 salariés (1,7% des établissements exposés) représentent 54,4% des effectifs. Près de 160 établissements de plus de 500 salariés, totalisant 180.000 emplois, sont aussi concernés. Citons ainsi la RATP, des dépôts SNCF, l’hôpital Georges-Pompidou, le ministère des Finances, la Caisse des dépôts et consignations…
On s’en doute, les pouvoirs publics ont pris tout un arsenal de mesures de prévention. Dont d’édification des barrages-réservoirs de la Marne, l’Aube, la Seine et Pannecière, en amont de Paris, pour réduire l’impact d’une crue centennale. « Le volume de la crue de 910 a été estimé à 1,6 milliard de m3. En revanche, le volume des retenues s’élève à 800 millions de m3. Non seulement, ces réservoirs ne peuvent absorber l’intégralité d’une crue centennale mais ils servent aussi à l’alimenter Paris en eau potable, reprend Jean Chevalier. D’ailleurs, même la production d’eau potable et le traitement des eaux usées pourraient être perturbés. » A cela s’ajoute le service Vigicrue qui alerte de l’imminence d’une crue à 2 ou 3 jours. Par ailleurs, les Programmes d’actions de prévention contre les inondations (PAPI), lancés en 2002, visent à développer une gestion intégrée des risques d’inondation en vue de réduire leurs conséquences dommageables sur la santé humaine, les biens, les activités économiques et l’environnement. Outil de contractualisation entre l’État et les collectivités, ce dispositif orchestre la mise en œuvre d’une politique globale à l’échelle du bassin de risque.
Reste que, dans l’industrie, le paysage est loin d’être souriant. « 70% de nos clients d’Île-de-France situés en zone inondable ont mis en place des mesures de procédure d’urgence. Relativement récente, ces projets ont été mis en oeuvre durant cette dernière décennie », confie l’expert en inondation de l’assureur FM Global qui a testé dans son centre de R&D aux États-Unis des équipements à avoir sous la main en cas de crue. Et de citer les boudins plastiques ou batardeaux métalliques (des systèmes de glissières pour enficher des palplanches les unes sur les autres) afin d’obstruer les grandes ouvertures. Citons aussi les clapets anti-retour installés sur les voies de canalisations qui empêchent les remontées d’eau.

Erick Haehnsen

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